lundi 24 décembre 2007

Individualisme contemporain et engagement militant

Albert Richez
(Membre du Conseil Scientifique d’ATTAC)

Individualisme contemporain et engagement militant

Militant, je m’interroge : Comment donner du sens pour dépasser le néo-libéralisme économique, qui a envahi les pratiques politiques et les esprits? Comment le citoyen peut-il ne pas sombrer dans le consumérisme en disposant de perspectives claires et de modalités d’action efficaces ?
Des faits me posent question: Notre époque valorise le Droit. Et, en disparaissant, les modes de vie anciens de type holiste (paroisses, corporations) n’influent plus sur les consciences. Ces droits rendent les citoyens responsables devant leur seule conscience ; mais ils sont souvent théoriques car le capitalisme les enferme dans les orientations d’institutions (OMC, BM, FMI, etc.) qui transforment la démocratie en un ersatz négateur de ce qu’elle est censée protéger. D’où l’aspiration aux changements nécessaires pour faire du Droit des individus une réalité. Ainsi, la consommation fait croire que sa différenciation par classe sociale a disparu, chaque individu pouvant séjourner en Chine, suivre des stages de ressourcement personnel, s’habiller selon la dernière mode ; or, ces offres ne sont que fictives, le consommateur restant tributaire de ses « habitus cultivés », qui distinguent toujours sa consommation ; de même que les coûts financiers, qui limitent ses choix. Le système capitaliste ouvre donc des perspectives sans fournir les moyens d’y accéder ; et l’individu vit des contradictions permanentes, qui le restituent à son vrai statut social. Dans l’entreprise, le management adopte des modèles de relation plus individualisés, mais il appelle aussi l’employé à s’investir en innovant davantage, voire même en s’engageant financièrement dans le capital de la société; et la réorganisation de l’entreprise « efface de plus en plus la distinction entre les relations privées et professionnelles, la personnalité du salarié étant mobilisée de plus en plus par « le projet d’entreprise », au point que le « néo management » n’hésite pas à inviter les personnels à pratiquer des séances collectives de jogging » (Corcuff, 2005 : 141).
En contrepartie, cet investissement croissant de l’individualisation diminue les solidarités professionnelles et la promotion n’est plus assurée qu’« au mérite ». En lien avec ces nouvelles conditions de travail et avec l’histoire du syndicalisme, qui a connu des défaites cuisantes, l’engagement syndical ne fait plus recette (8% de syndicalistes cartés en France); aussi, arrive-t-il que les travailleurs adoptent des stratégies spontanées sous forme de coordinations spécifiques, constituées dans l’urgence et hors de toute analyse collective. Et ce désengagement des formes collectives de combat se retrouve en politique : la baisse de la participation électorale l’atteste. D’où vient donc cette démobilisation ? En sommes-nous arrivés au règne de la débrouille individuelle ? Ou n’existe-t-il plus de perspectives décisives pour l’engagement ? Pourtant, certaines mobilisations, tant électorales que sociales, démontrent que des engagements reprennent vie, quand des enjeux clairs apparaissent (manifestations contre la guerre en Irak ou contre le CPE). Plutôt que de conclure en une perte de conscience exprimant un individualisme réducteur d’humanisme, ne doit-on pas penser, au contraire, que des citoyens construisent, aujourd’hui, des normes nouvelles, qui prennent en compte des évolutions sous-jacentes en cours ?

À l’ambivalence de ces situations, correspond celle de l’histoire de la philosophie comme des sciences humaines, qui en rendent compte ! La philosophie établit un sens et la politique traduit ce sens dans la réalité collective. De Leibniz à Lévinas, est-ce l’individualité fermée ou l’appel à l’engagement personnel vers un nouveau projet de société, qui permettra de construire cet « horizon nouveau de la politique », qui reste à construire ? Le vrai précurseur du débat philosophique sur l’individualisme n’est-il pas Leibniz ? C’est par rapport à la monade qu’une forme d’individualité absolue dans son enfermement apparaît : « Tout esprit étant comme un monde à part, suffisant à lui-même, indépendant de toute autre créature, enveloppant l’infini, exprimant l’univers, est aussi durable, aussi subsistant et aussi absolu que l’univers même des créatures. » (Leibniz, 1695/1994 : & 16, 128).L’individu est donc « un esprit » ; il ne se règle que parce qu’il « accomplit » ce qui est constitutif de sa nature. Tout en lui n’est que la simple application des lois de sa nature, elles-mêmes traductrices des lois de la grande Monade divine, que Leibniz nomme « théodicée ». Autosuffisant comme monade, l’individu ne peut vivre une quelconque intersubjectivité. La monadologie signe donc l’acte de naissance philosophique de l’individu et de l’individualisme.
C’est par rapport à Leibniz que d’autres penseurs vont intervenir dans le débat sur l’individu, soit par refus d’aliéner un « sujet » à une transcendance externe, qui serait de plus Raison, soit en présentant l’intersubjectivité comme lien nécessaire avec « l’Autre », quel qu’il soit. C’est ainsi que l’idée de « sujet » va apparaître comme un foyer potentiel d’illusions ou, au contraire, comme une valeur indépassable. Le passage progressif de régimes politiques autoritaires à des régimes « démocratiques » accentuera la force du sujet, tandis que la post-modernité dissoudra davantage sens et sujet. Tentons de voir plus clair dans cet ensemble d’opinions raisonnées : si le monde n’est qu’immanent, l’individu, même s’il se pense « sujet », n’accède plus à l’être ni dans ses représentations ni dans ses relations ; il est fondateur de « l’étant », c’est à dire conscience mais égal à tout ce qui l’englobe ; l’individualisme ainsi créé sape l’idée que, dans chaque être humain, il existe une part d’humanité commune, qui se donne des lois compatibles avec celle de l’autre sujet. Le « sujet » n’est plus maître que de techniques de plus en plus sophistiquées et performantes et sa culture en devient de plus en plus imprégnée. Mais il est totalement infirme dans sa relation intersubjective. Telle est la position d’Heidegger. « C’est dans cet avènement de l’individu, que meurt le sujet » (Renaut, 1989 : 21).
Comment alors fonder une militance, qui ait le souci d’autrui ? Nous pouvons également adhérer à l’analyse kantienne du sujet. Kant reconnaît, lui aussi, la finitude de l’homme lorsqu’il analyse la réalité spatio-temporelle qu’il catégorise en vue de l’expliquer ; mais il exclut de cette connaissance toute possibilité de saisie scientifique d’une quelconque transcendance. Et, parce que ce même sujet dispose aussi, dans sa conscience, du sentiment particulier du « respect », qui l’amène à reconnaître l’existence d’une loi universelle comme condition d’un horizon de sens, il se donne la possibilité d’adhérer, par foi rationnelle et non par certitude intellectuelle, à cette loi qui rend possible toute relation à d’autres sujets, visant eux aussi un « horizon de sens ». Cette possibilité mutuelle de choisir la loi pour disposer d’un sens fonde l’autonomie des personnes humaines et la construction d’une société universelle. Le sujet que Kant valorise n’est pas un individu replié sur lui-même mais une personne ouverte à l’intersubjectivité : « Dans mon rapport juridique avec toute autre personne, je la considère simplement d’après sin humanité, par conséquent comme homo noumenon », et non comme homo phaenomenon. (Doctrine du Droit, & 35, 175)
Parmi les anti-humanistes, qui présentent un individualisme radical, Nietzsche apparaît comme un visionnaire de l’irrationalité du Monde, ainsi que de la mort et de Dieu et de l’Homme en tant que sujet. Reprenant l’intuition leibnizienne des monades, Nietzsche transforme ces monades en autant de points de vue différenciés. Ce que nous pouvons tout au plus appréhender, ce ne sont pas des règles rationnelles, qui rendraient la science possible, mais des perspectives, toutes individualisées puisque d’origine « monadologique »; « Il n’y a pas de faits, dit Nietzsche, rien que des interprétations » ; « le vrai et le profond se situent dans l’affirmation de l’individualité comme telle ». Y aurait-il alors une échappatoire dans la solidarité ? Non, car la démocratie et tout régime, qui voudrait élever la condition humaine, effacerait les différences constitutives de l’individualité ! Or, l’individu est un moment du triomphe d’un génie de l’espèce, qui, éventuellement, s’accomplit en lui, au même titre que l’ont permis les grandes individualités de l’Antiquité présocratique ou de la Renaissance. L’individu se situe dans un monde en devenir, il est moment d’un processus en continuelle différenciation. Face au chaos constaté, pas de solidarité  mais des individualités, qui ne survivent que par la force de la Vie qu’elles trouvent en elles-mêmes.
À ce stade, peut-on imaginer une nouvelle modernité qui permettrait le renouveau de l’humanisme ? Evoquant « la crise de l’humanisme à notre époque », Emmanuel Lévinas refuse en effet de considérer qu’une telle crise doive ouvrir la voie « à l’anti-humanisme, qui réduirait l’homme à un milieu ». Emmanuel Lévinas s’interroge sur la question du sujet : en quoi tranche-t-il sur l’être, en quoi rompt-il avec l’immanence ambiante sans nécessairement accéder à une transcendance métaphysique, qui serait un retour à la connaissance de l’Être en soi? L’Être, dans l’histoire de la pensée, ne nous renvoie-t-il pas toujours au Même, objet de pensée et d’études de toutes les connaissances? À l’opposé du Même, traduit philosophiquement par le concept, n’y a-t-il pas l’Autre, qui n’est pas nécessairement l’Être ? Et cette irruption d’une authentique subjectivité, en lien nécessaire avec cet « Autre », ne répond t’elle pas finalement à ces questions, au sens où elle évite à « l’homme de se refermer comme une monade » ? En s’engageant dans ce nouvel axe de recherche, Lévinas dénonce tout à la fois l’illusion d’un humanisme, qui chercherait l’Autre dans un autre « Même », et l’erreur de l’antihumanisme, qui nierait la possibilité de sortie de l’immanence par le sujet, ce qui justifierait la fameuse formule de « la mort de l’homme ». Lévinas se heurte alors à tous ceux, qui, par souci d’objectivité, décrivent l’homme comme « extérieur à sa propre conscience » : « Les morts sans sépulture dans les guerres et les camps d’extermination, écrit-il, accréditent l’idée d’une mort sans lendemain et rendent tragi-comique le souci de soi et illusoire la prétention de « l’animal rationale » à une place privilégiée dans le cosmos et à sa capacité d’intégrer la totalité de l’être dans une conscience de soi » (Lévinas, 1987 : 73-74). Or, pour tout savoir de l’homme, peut-on faire l’économie de l’homme comme conscience de soi, « le savoir étant alors une relation du même à l’autre, où l’autre se réduit au même et se dépouille de son étrangeté ». Il se referme alors comme « une monade », sans communication avec un autre, qui n’est finalement qu’un « autre lui-même »; le sujet demeure alors dans la solitude de son rapport à soi ; mais la conscience se réduit elle à cette logique de la pensée immanente, est-elle réduite à se dissoudre dans le « il y a » des choses ? Si, au contraire, nous incluons l’interrogation sur ce qu’il y a de plus irréductible dans la subjectivité, alors nous découvrons une subjectivité, qui n’est complète que par son désir de sortir d’elle-même pour rejoindre l’autre conscience qui l’appelle… Et c’est alors qu’il découvre dans Éros et le désir de l’Aimée, l’Autre dans son irréductibilité, dans une intersubjectivité toujours renouvelée ! Il peut donc y avoir, après Leibniz, Nietzsche et Heidegger, un sujet et un citoyen, qui ne soit pas cantonné à l’immanence d’un réel sans perspective d’avenir et sans espoir d’un nouvel humanisme !
La philosophie, qui est la pensée de prises de conscience successives, peut donc aider à comprendre autant les raisons invoquées par un sujet engagé que par un individu totalement refermé sur lui-même . C’est donc ailleurs qu’il faut chercher les raisons de dépasser son « quant à soi » dans tout engagement.

Mais, après l’échec politique du « socialisme réel » en URSS, que reste t’il, concrètement, aux militants, qui veulent un « autre monde », comme perspective de projet politique, qui les pousserait à s’engager? L’autre monde se situe ailleurs que dans la pensée libérale. Mais une perspective peut-elle se satisfaire de n’être qu’une contre-proposition ? Ne faut-il pas rechercher des perspectives dynamiques sans lien avec la « logique économiste » du capitalisme, tout en avançant des propositions humanisant cet autre monde ? Pour faire passer un « individu atomisé » à la citoyenneté partagée, que doit-on poser comme principes d’action? Comment l’individu peut il devenir partie prenante de ces transformations et capable d’analyser une situation politique, malgré la propagande médiatique adverse? Que doivent lui apporter les informations et la formation accompagnant l’action collective de transformation de la société ? Un projet alternatif à l’autre projet est nécessaire pour que la démocratie prime sur l’économie ; nous serions alors dans un « extérieur du capitalisme ». Comme l’écrit Yves Salesse, « la démocratisation, c’est la socialisation de la politique » (Salesse, 2001 : 37).
Sil est vrai que « la démocratie socialise la politique » :
– Le rapport au pouvoir de l’individu-citoyen est fondé sur la culture du débat, avec prise en compte de l’opinion du contradicteur ; ce nouveau mode de débattre fait place à l’imposition d’un avis majoritaire sur un autre avis. En politique, dès lors que chacun accepte de se former et de s’informer, l’expertise peut être partagée, puisque les citoyens sont égaux en droit. Recherche de consensus par approches successives d’un accord commun, exploration des désaccords pour lever les obstacles à l’incompréhension (Viveret, 2006 : 35-42), conférences citoyennes sur des sujets de société, voici quelques pistes, qui pourraient valablement changer le rapport au politique et à l’autorité, celle-ci n’étant plus descendante mais construite à partir de la négociation.
– La démocratie n’élimine pas l’économie mais elle inscrit les grands problèmes de société dans une nouvelle pratique de la politique. Toutes les questions économiques et sociales sont replacées dans la perspective d’une politique, où le plus grand nombre s’approprie la capacité de la société d’agir sur soi, de s’instituer comme productrice et transformatrice de valeurs ; ainsi, l’éventail des revenus pourrait, par exemple, être redéfini par une fiscalité « redistributive ».
– La « raison démocratique » impose son hégémonie sur la raison économiste du capitalisme. Cela signifie, écrit Patrick Braibant (2004 : lettre 8) que le renversement économiste du capitalisme n’est plus considéré comme l’acte fondateur de la société nouvelle. « La raison démocratique est en effet non capitaliste en ce qu’elle refuse de voir dans le legs économiste du capitalisme la matière à partir de laquelle doit se transformer la société. » (159) Ainsi, pour changer les logiques sociales, la raison démocratique donne la possibilité à tous de s’interroger sur les questions politiques, qui le concernent comme citoyen ; et il peut s’agir de questions d’organisation sociale jugées au moins aussi importantes que « le marché ». « Toute nouvelle mesure capitaliste doit alors faire la preuve qu’elle constitue un progrès pour la démocratie ou, au moins, qu’elle contribue à en créer les conditions » (164). Pour se faire, Braibant propose 2 orientations guides : (1°) s’approprier comme étant « politique » ce qui, dans l’économie, est décrété aujourd’hui purement économique ; il en est ainsi du partage du temps de travail, comme condition pour « disposer d’un Temps pour la politique » ; (2°) politiser dans l’économie ce qui est indispensable à l’institution de la politique comme agir social. (165) Ainsi, le « que produire ? » pose la question des fins de la production, ce qui amène à s’interroger sur la nécessité de biens ou de services nécessaires à la réalisation de la démocratie. On s’aperçoit dès lors que des biens et services doivent être produits dans des conditions telles que tous puissent y avoir accès dans les mêmes conditions. (166-167-168)
La liste de ces biens comprend les services publics : eau, énergie, transports, éducation, santé, qu’il faut défendre envers et contre tout, parfois rétablir en les démocratisant mais qu’il faut aussi élargir pour parvenir à l’égalité de tous devant la démocratie. À ce titre, logement et cadre de vie, biens culturels, information, formation civique continue et Temps pour la Démocratie deviennent des biens à conquérir parce que nécessaires à leur vie citoyenne. Une fois acquis sous des formes diverses, ces biens sont gérés selon des principes, qui associent puissance publique, salariés et usagers. La création de « biens démocratiques » peut évidemment s’élargir à d’autres secteurs de l’économie s’il s’avérait utile de les conquérir pour l’hégémonie de la raison démocratique. C’est une première stratégie importante. Elle doit être élargie par une seconde stratégie dite « de mitage », consistant à introduire ou à à amplifier l’extension, dans le tissu économique dominé par le capitalisme, d’une multitude de formes de production, d’échanges, de circuits financiers, qu’on appelle aujourd’hui « alternatives » : souvent gérés par des coopératives ou des associations, ces formes alternatives promeuvent des critères d’utilité, de gestion, d’exigence environnementale opposés à ceux du capitalisme ; on les dénomme : « économie solidaire » ou sociale, réseaux d’échange totalement ou partiellement marchands, commerce équitable, logiciel libre …; et rien n’empêche que leur champ soit étendu dans des secteurs actuellement gérés dans des conditions capitalistiques.
Le combat contre le capitalisme n’est plus une vieille lune du fait de sa référence unique à la contradiction « capital/travail » ; il redevient actuel en proposant d’accomplir autrement les idéaux d’individualisation de la modernité. Ainsi, en engageant le combat sur le plan de la démocratie, l’emprise des professionnels de la politique sur les individus est limitée par l’interdiction du cumul des mandats et par l’établissement d’un équilibre entre démocratie représentative, démocratie participative et démocratie directe ; la logique inégalitaire de l’institution scolaire est corrigée ; la question féminine, qui va de pair avec la remise en cause de la domination masculine, trouve un nouveau souffle. Et les chantiers pour donner à l’individu une dimension de plus en plus personnalisée trouvent plus naturellement leur place dans la vie politique grâce à l’intégration de toutes les composantes de l’individualité, actuellement exploitées dans notre civilisation par le capitalisme néo-libéral.

En conclusion, la primauté de la raison démocratique sur la raison économique change la donne et fournit des perspectives nouvelles. Le désintérêt apparent de citoyens pour des combats politiques n’est pas lié à un envahissement de l’individualisme dans les consciences mais au fait qu’il ne se sent pas concerné par des enjeux qui le dépassent. Par contre, plus l’individu se sent concerné par ces enjeux, moins l’individualisme réduit sa conscience à un comportement consommateur du « il y a » des choses. Remémorons-nous l’affirmation de Merleau-Ponty : « Le Monde humain est un système ouvert ou inachevé et la même contingence fondamentale, qui le menace de discordance, le soustrait aussi à la fatalité du désordre et interdit d’en désespérer » (1947 : 309). Si l’exercice démocratique le fait croître en conscience,le monde humain croît aussi en volonté de partage, et n’est-ce pas le but à rechercher pour les hommes d’aujourd’hui ? La primauté de la raison démocratique et des formations citoyennes appropriées donnent donc des perspectives à l’individu pour l’engagement citoyen et politique. Elle rompt avec le capitalisme en sortant de sa logique et de son domaine privilégié, l’économie ; elle révèle le caractère formel de la démocratie, que l’on prétend exporter dès lors que cette démocratie sert la société de marché considérée comme la fin de l’histoire. Mais l’établissement de cette primauté de la « raison démocratique » ne se fera pas sans combat et celui pour des médias libérés de l’emprise de l’argent apparaîtra vite comme prioritaire (Chomsky, 2007 : 1); car ce sont ces mêmes médias, qui occultent, amenuisent ou transforment les questions politiques jugées essentielles par les citoyens. C’est à ce prix et dans pareille démarche que de vraies perspectives permettront l’émancipation des individus vers plus de citoyenneté.


Bibliographie 

Braibant P., Lettres aux «anticapitalistes» et aux autres sur la démocratie, Paris (L’Harmattan) 2004
Corcuff P., « Une social-démocratie libertaire, en rupture avec le capitalisme », in P. Corcuff, J. Ion, D. de Singly (sous la dir,), Politiques de l’individualisme, Paris (Textuel) 2005 : pp 141-142.
Chomsky N., «Le lavage de cerveaux en liberté», in Le Monde Diplomatique 8, 2007 : 1° page.
Kant E, Doctrine du Droit, trad par A.Philonenko, Vrin, cité par Renaut A, L’ère de l’Individu, Gallimard, 1989.
Leibniz G. W., Système nouveau de la nature et de la communication des substances, et autres textes 1690-1703, Paris (Flammarion) 1994 (éd. or. : 1695)
Lévinas  E., Humanisme de l’autre homme, Paris ( Le livre de poche) 1987
Renaut A., L’ère de l’individu. Contribution à une histoire de la subjectivité, Paris (Gallimard) 1989
Salesse Y., Réformes et révolution. Propositions pour une gauche de gauche, Marseille (Agone) 2001, p 37.
Viveret P., «Qualité démocratique et construction des désaccords», in A. Caillé (sous la dir.), Quelle démocratie voulons nous ?Pièces pour un débat, Paris (La Découverte) 2006 : 32-34

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