lundi 24 décembre 2007

Traité modificatif UE; 2007; Pierre Khalfa

Traité modificatif de l’UE :
inacceptable par sa méthode et pour son contenu !

Pierre Khalfa - août 2007


Plusieurs centaines de pages avec 297 modifications des traités existants, douze protocoles et quelques dizaines de projets de déclarations ayant la même valeur juridique que les traités, tel se présente le « traité modificatif » de l’Union européenne. Il ne s’agira pas ici d’en faire un commentaire exhaustif, un certain nombre de sujets étant volontairement non traités, mais d’en indiquer quelques points et de porter un jugement d’ensemble.

Une méthode à l’encontre de tout débat démocratique

La déclaration commune des gouvernements de l’Union, adoptée à Berlin lors des célébrations du cinquantenaire du traité de Rome, se fixait comme objectif « d’asseoir l’Union européenne sur des bases communes rénovées d’ici les élections au Parlement européen de 2009 ». Tout devait donc être fait pour que les élections européennes ne soient pas un moment de débat politique sur l’avenir de l’Union. Le Conseil Européen des 21 et 22 juin a confirmé cet agenda. Ce Conseil européen a reproduit les pires moments de la construction européenne en offrant le spectacle d’une négociation à huis clos dont, une fois de plus, les termes échappaient aux citoyens de l’Union.

Un mois plus tard, la présidence portugaise remet un projet qui doit être adopté les 18 et 19 octobre par le Conseil. En deux mois à peine, tout serait bouclé. La rapidité avec laquelle cette affaire a été bâclée en dit long sur la conception de l’Europe et de la démocratie qui anime les dirigeants européens. Le double non français et néerlandais au TCE était, en autres choses, un refus de la méthode avec laquelle l’Europe avait été construite : négociation secrète entre Etats, absence de transparence sur le contenu des enjeux, refus du débat public.

On aurait pu croire que suite à l’épisode du Traité constitutionnel européen (TCE), les gouvernements allaient au moins ne plus reproduire ce type de comportements. C’est le contraire qui a eu lieu et nous assistons à la manifestation d’une volonté d’exclure les citoyens européens de tout débat sur l’avenir de l’Union. Visiblement le double non français et néerlandais a à ce point effrayé les dirigeants européens qu’ils ne veulent plus prendre le moindre risque : tout doit être fait très vite pour prendre de vitesse une éventuelle réaction citoyenne. Et évidemment, on pourra compter sur les doigts de la main les gouvernements qui oseront faire ratifier un tel traité par référendum. La France n’en fera pas partie a d’ores et déjà décidé le nouveau président de la République.

Cette méthode est inacceptable et va à l’encontre des exigences de nombre de mouvements citoyens en Europe comme, par exemple, les Attac d’Europe qui préconisent qu’une « assemblée nouvelle et démocratique, élue directement par les citoyens de tous les États membres, sera mandatée pour élaborer un nouveau projet de traité, avec la participation effective des Parlements nationaux » et que « tout nouveau traité devra être soumis à référendum dans tous les États membres ».

Un contenu dans le prolongement des orientations antérieures

Le « traité modificatif » modifie les deux traités existant, le traité sur l’Union européenne (TUE) et le traité instituant la communauté européenne qui prend le nom de « Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne » (TFUE). Rappelons que le traité sur l’Union européenne est le traité de Maastricht modifié par celui d’Amsterdam et de Nice et que le traité instituant la communauté européenne est celui de Rome modifié par les traités successifs depuis 1957.

Le préambule du TUE a été modifié par l’ajout d’un considérant qui indique que l’Union doit s’inspirer de l’héritage religieux de l’Europe. Le débat sur ce point avait été vif lors de la rédaction du TCE et avait abouti à ne pas mentionner une telle référence. Si celle-ci devait persister, ce serait une victoire pour les courants obscurantistes et un recul idéologique très important. Nous devons exiger du président de la République que la France mette son veto à une telle formulation en contradiction avec le principe de laïcité.

Concurrence

La presse a fait grand cas du « succès » remporté par Nicolas Sarkozy qui a obtenu que l’expression « concurrence libre et non faussée » n’apparaisse pas comme un objectif de l’Union. Il s’agit certes d’une victoire symbolique des partisans du non au TCE et les victoires symboliques ne sont pas négligeables car elles légitiment un combat. Cela aura-t’il la moindre conséquence concrète ?

Le principe de concurrence reste présent dans nombre d’articles des traités. Citons par exemple l’article 105 maintenu dans le TFUE qui affirme « le principe d’une économie de marché ouverte où la concurrence est libre ». Il est de plus au cœur de la plupart des actes législatifs européens qui restent en vigueur, ceux notamment libéralisant les services publics.

Enfin, pour éviter toute fausse interprétation, le protocole n° 6 rappelle clairement le principe applicable en la matière : « le marché intérieur tel qu’il est défini à l’article [I-3] du traité sur l’Union européenne comprend un système garantissant que la concurrence n’est pas faussée ». L’article [I-3] porte sur les objectifs de l’Union. C’est ainsi que la concurrence non faussée est réintroduite dans les objectifs de l’Union d’où elle semblait avoir disparu. Pour enfoncer le clou, et bien montrer qu’il ne s’agit pas d’un objectif théorique, le protocole n° 6 indique qu’à cet effet, « l’Union prend, si nécessaire, des mesures dans le cadre des dispositions des traités ».

On le voit, la force du droit de la concurrence reste identique. Il reste le droit organisateur de l’Union, un droit normatif, véritable droit « constitutionnel » qui réduit la plupart du temps les autres textes européens à être des déclarations d’intention sans portée opérationnelle pratique.

Une modification de l’article 93 dans le TFUE, qui porte sur l’harmonisation fiscale, en autres sur celle des législations relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires, indique que cette harmonisation doit se faire afin « d’éviter les distorsions de concurrence ». Cependant cette procédure d’harmonisation reste soumise à l’unanimité des Etats. Au-delà même du fait qu’il aurait fallu préciser dans quel sens elle devait se faire, puisque certains Etats n’ont pas d’impôt sur les sociétés, une telle harmonisation n’est donc pas prête de voir le jour.

Politique commerciale / circulation des capitaux

La politique commerciale de l’Union se fixe pour objectif « d’encourager l’intégration de tous les pays dans l’économie mondiale, y compris par la suppression progressive des obstacles au commerce international » (nouvel article 10A TUE). Le libre-échange généralisé reste l’horizon indépassable des politiques européennes.

Cet objectif est affirmé de façon élargie par l’article 188 B du TFUE qui indique que l’Union « contribue (…) à la suppression progressive des restrictions aux échanges internationaux et aux investissements étrangers directs, ainsi qu’à la réduction des barrières douanières et autres ». Cet article modifie la rédaction actuelle dans le sens d’une encore plus grande libéralisation : les investissements étrangers directs et le« et autres » n’apparaissaient pas dans l’article initial. Cette dernière expression renvoie aux « obstacles non tarifaires au commerce » tels que les normes environnementales ou la protection des consommateurs qui sont la cible des politiques de libéralisation menées, en autres, par l’OMC.

L’unanimité des Etats est cependant requise pour la conclusion d’accords commerciaux dans « le domaine des services culturels et audiovisuels lorsque ces accords risquent de porter atteinte à la diversité culturelle et linguistique de l’Union » et « dans le domaine du commerce des services sociaux, d’éducation et de santé, lorsque ces accords risquent de perturber gravement l’organisation de ces services au niveau national ». Une question reste cependant sans réponse : qui va décider que les risques évoqués existent ?

Le traité modificatif ne touche évidemment pas à la liberté de circulation des capitaux, non seulement entre les Etats membres, mais aussi entre ceux-ci et des pays tiers (art 56 TFUE) et l’unanimité des Etats reste requise pour toute mesure visant à restreindre la libéralisation des mouvements de capitaux (art. 57-3 TFUE).

Rôle de la BCE / politique économique

La stabilité des prix fait maintenant partie des objectifs de l’Union (art. 3 TUE modifié). On peut remarquer que dans le TUE actuel, la stabilité des prix n’apparaissait pas parmi les objectifs de l’Union. C’était simplement un objectif de la Banque centrale européenne (BCE) indiqué dans l’article 105 du traité instituant la communauté européenne. Si son rajout comme objectif de l’Union ne changera rien en pratique, il n’en est pas moins symbolique, ce d’autant plus que rien n’est évidemment dit au sujet de l’inflation sur les actifs financiers qui est pourtant une des causes des dysfonctionnements de l’économie mondiale. Cet article 105 est maintenu dans le TFUE et, en outre, un nouvel article 245 bis portant sur la BCE réaffirme encore cet objectif pour enfoncer le clou si besoin était.

L’indépendance de la BCE est évidemment maintenue (art.108 TFUE) et elle n’aura comme seul objectif que de maintenir la stabilité des prix, contrairement au autres banques centrales.

La Déclaration 17 réaffirme « son attachement (de la CIG) à la stratégie de Lisbonne » et préconise le renforcement de la compétitivité. Elle invite « à une restructuration des recettes et des dépenses publiques, tout en respectant la discipline budgétaire conformément aux traités et au Pacte de stabilité et de croissance ». Elle fixe comme objectif « de parvenir progressivement à un excédent budgétaire en période de conjoncture favorable ». Bref, la doxa néolibérale habituelle aggravée par l’objectif d’atteindre un excédent budgétaire.

Politique de sécurité et de défense

La défense commune de l’Union n’est envisagée que dans le cadre de l’OTAN. Le lien à l’OTAN est renforcé. La formulation actuelle (art. 17-4 TUE) indique que la coopération dans le cadre de l’OTAN ne peut avoir lieu que « dans la mesure où cette coopération ne contrevient pas à celle qui est prévue au présent titre ni ne l’entrave ». La nouvelle formulation lie plus étroitement une future défense européenne à l’OTAN : « Les engagements et la coopération dans ce domaine demeurent conformes aux engagements souscrits au sein de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord, qui reste pour les Etats qui en sont membres, le fondement de leur défense collective et l’instance de sa mise en œuvre » (futur article 27-7 TUE).

Le protocole n° 4 enfonce le clou, « rappelant que la politique de sécurité et de défense commune de l’Union respecte les obligations découlant du traité de l’Atlantique Nord » et « qu’un rôle plus affirmé de l’Union en matière de sécurité et de défense contribuera à la vitalité d’un alliance atlantique rénovée ».

Le militarisme est officiellement encouragé : « Les Etats membres s’engagent à améliorer progressivement leurs capacités militaires » (futur art. 27-3 TUE). Ce doit être d’ailleurs le seul endroit où le traité encourage les Etats à augmenter leurs dépenses publiques !

Au nom de la lutte contre le terrorisme les interventions militaires à l’étranger sont encouragées : « Toutes ces missions peuvent contribuer à la lutte contre le terrorisme, y compris par le soutien apporté à des pays tiers pour combattre le terrorisme sur leur territoire » (futur art. 28 TUE). Un tel article autorise, de fait, toutes les aventures militaires.

Charte des droits fondamentaux

La Charte des droits fondamentaux n’a pas été intégrée au traité modificatif. La Déclaration n°11 indique qu’elle « sera proclamée solennellement par le Parlement européen, le Conseil et la Commission le jour de la signature » des deux traités modifiés. Cette même déclaration en reprend le texte. L’article 6 du TUE sur les droits fondamentaux a été réécrit pour y intégrer son existence qui « a la même valeur juridique que les traités ». La Charte sera donc « juridiquement contraignante » (Déclaration 31). Tout le problème est de savoir jusqu’à quel point.

En effet les droits sociaux qui y sont contenus sont de très faible portée. Ainsi, le droit au travail et à l’emploi n’existe pas et seul apparaît le « droit de travailler ». Le droit à la protection sociale est remplacé par un simple « droit d’accès aux prestations de sécurité sociale et aux services sociaux » . Ce texte est ainsi en retrait par rapport à la Déclaration universelle des droits de l’homme et à la Constitution française. Cette dernière affirme que « chacun a le droit d’obtenir un emploi » et que « (la nation) garantit à tous la protection de la santé, la sécurité matérielle ». Certes, pour être appliqués, ces droits demandent un combat quotidien, mais ils ont le mérite d’exister.

D’autres sujets posent encore plus de problèmes. Le droit à l'avortement et à la contraception ne sont pas reconnus par la Charte. Dans ce cadre, on peut craindre que la réaffirmation du « droit à la vie » ne soit utilisée par certains pour les contester devant la Cour de justice.

Pour l’essentiel, l’application des droits contenus dans cette Charte est renvoyée aux « pratiques et législations nationales ». Cette charte ne crée donc pas fondamentalement de droit social européen susceptible de rééquilibrer le droit de la concurrence qui restera dominant à l’échelle européenne. Cerise sur le gâteau, des limitations à ces droits peuvent être apportées si elles sont jugées « nécessaires ».

D’ailleurs, pour se prémunir de tout dérapage possible, sa portée est explicitement restreinte. Son texte indique qu’elle « ne crée aucune compétence ni aucune tâche nouvelles pour l’Union et ne modifie pas les compétences et tâches définies dans les traités », phrase reprise, on ne saurait être trop prudent, dans la nouvelle formulation de l’article 6 du TUE et par la Déclaration 31. Plus même, « leur invocation (des dispositions de la Charte) devant le juge n’est admise que pour le contrôle de l’interprétation et la légalité (des actes pris par les institutions de l’Union et des Etats) », ce qui réduit très fortement sa portée juridique.

D’autre part, la Charte indique qu’elle « sera interprétée par les juridictions de l’Union et des Etats membres en prenant dûment en considération les explications établies sous l’autorité du praesidium de la Convention qui a élaboré la Charte et mises à jour sous la responsabilité du praesidium de la Convention européenne ». Ces « explications », rappelées dans la Déclaration 12, restreignent la plupart du temps la portée des droits contenus dans la Charte.

Enfin, le 4ème alinéa de l’article 6 du TUE sur les droits fondamentaux qui indiquait que « L’Union se dote des moyens nécessaires pour atteindre ses objectifs et pour mener ses politiques » a été supprimé, confirmant ainsi que cette Charte risque fortement de n’avoir impact en matière de politiques publiques européennes.

Malgré toutes ces précautions, ce texte est encore de trop pour certains gouvernements. Ainsi le Royaume-Uni a obtenu d’en être dispensé (Protocole n°7) et la Pologne et l’Irlande envisagent de faire de même.

Services publics

L’article 16 du traité instituant la communauté européenne reconnaît que les services d’intérêt économique général (SIEG) comme une « valeur commune de l’Union » et indique que l’Union et ses Etats membres « veillent à ce que ces services fonctionnent sur la bases de principes et dans des conditions qui leur permettent d’accomplir leurs missions »

Cet article est modifié. Il devient l’article 14 du TFUE. La nouvelle rédaction évoque explicitement la nécessité pour l’Union et ses Etats membres d’assurer les conditions économiques et financières permettant au SIEG d’assurer leurs missions. De plus, une nouvelle phrase est rajoutée qui indique que « le Parlement européen et le Conseil (…) établissent ces principes et fixent ces conditions ».

Ces modifications sont positives. Elles ne touchent cependant pas à l’essentiel. En effet la mise en œuvre de cet article est explicitement soumise aux articles 86 et 87 du traité. Ces articles ont été conservés dans le TFUE. L’article 86 a une portée considérable. Il est mortifère pour les services publics. Ceux-ci sont soumis aux règles de la concurrence. Ils ne peuvent en déroger que si cela n'entrave pas le développement des échanges « dans une mesure contraire à l'intérêt de la Communauté ». C'est la Commission qui est juge des dérogations possibles. La Commission a ainsi tout pouvoir pour ouvrir les services publics à la concurrence. Cet article fournit la base juridique à la libéralisation des services publics. L’article 87 rend, de fait, quasi impossible toute aide d’Etat pour des raisons d’intérêt général.

La référence aux articles 86 et 87 vide, de fait, le nouvel article 14 de toute portée opérationnelle pour développer les services publics.

Le Protocole n° 9 porte sur les services d’intérêt général (SIG). C’est la première fois qu’un texte de portée juridique équivalente aux traités porte sur les SIG. Il porte sur des dispositions interprétatives qui seront annexées au TFUE. L’article premier précise l’article 14 sur les SIEG. Il préconise « un niveau élevé de qualité, de sécurité et d’accessibilité, l’égalité de traitement et la promotion de l’accès universel et des droits pour les utilisateurs ». Il est à craindre que ces formulations générales, déjà rencontrés dans d’autres textes européens, ne pèsent pas lourd face à l’ouverture à la concurrence qui reste la règle pour les SIG.

Apparemment plus novateur, l’article 2 porte sur les SIG : « Les dispositions des traités ne portent en aucune manière atteinte à la compétence des Etats membres relative à la fourniture, à la mise en service et à l’organisation de services non économiques d’intérêt général ». Cet article semble donc protéger les SIG des règles de la concurrence. Le problème vient en fait de la définition des « services non économiques » qui n'est pas présente dans le texte.

Un arrêt de la Cour de justice (C-180-184/98) indique que « constitue une activité économique toute activité consistant à offrir des biens et des services sur un marché donné ». Avec ce type de définition, tout peut quasiment être considéré comme « une activité économique » et donc être soumis au droit de la concurrence et aux règles du marché intérieur. Et de fait, dans un rapport sur les services d'intérêt général, fait à l'occasion du Conseil européen de Laeken à la fin de l'année 2001, la Commission indique qu'il n'est « pas possible d'établir a priori une liste définitive de tous les services d'intérêt général devant être considérés comme non économiques ». Elle indique d'autre part que « la gamme de services pouvant être proposés sur un marché dépend des mutations technologiques, économiques et sociétales », la distinction entre services d'intérêt général et services d'intérêt économique général perdant de sa pertinence.

L’article 2 risque fort, dans ce cadre, de rester sans aucune portée pratique.

Santé/sécurité sociale

L’article 18 modifié du TFUE porte sur le libre droit de circulation dans l’Union pour tout citoyen de l’Union. Un nouveau paragraphe 3 est créé. Il indique qu’à cet effet, « le Conseil, statuant conformément à une procédure législative spéciale, peut arrêter des mesures concernant la sécurité sociale ou la protection sociale ». La portée de cet article est certes limitée et l’unanimité des Etats sera nécessaire. Cependant la plus grande vigilance reste de mise quand on sait la propension de la Commission à se faufiler dans le moindre interstice juridique pour remettre en cause les politiques publiques.

L’article 42 modifié du TFUE porte sur les droits des travailleurs migrants en matière de sécurité sociale. La procédure de l’unanimité des Etats est remplacée par une procédure plus complexe qui permet à un Etat de bloquer momentanément un projet pendant quatre mois.

La déclaration 14 indique que « au cas où un projet d’acte législatif (…) porterait atteinte aux aspects fondamentaux du système de sécurité sociale d’un Etat membre (…) les intérêts dudit Etat membre seront dûment pris en compte ». La nécessité d’une telle déclaration en dit long sur ce qui serait susceptible d’être envisagé !

L’article 176 E du TFUE, qui modifie l’article 152 du traité instituant la communauté européenne, réaffirme la responsabilité des Etats-membres en matière dans la définition de leur politique de santé, y compris sur le plan des ressources. Il aurait été pourtant utile et nécessaire que le traité indique, au vu de la très grande disparité des systèmes de protection sociale depuis l’élargissement de 2004, des objectifs plus précis de santé publique, un objectif minimal pour la part des dépenses de santé dans le PIB des pays concernés et une perspective de convergence vers le haut des systèmes de protection sociale.

Transports

Le second alinéa de l’article 71 TFUE a été modifié. Sa rédaction actuelle prévoyait que l’unanimité des Etats était nécessaire pour adopter, dans le cadre de la politique commune des transports, des mesures dont l’application était susceptible de porter atteinte au niveau de vie, à l’emploi ou l’exploitation des équipements de transport. La nouvelle rédaction indique simplement que, dans la mise en œuvre de la politique commune des transports, « il est tenu compte » de ces cas. Un verrou protecteur du service public des transports saute.

Energie

Un titre spécifique est créé dans le TFUE (art. 1176 A). Il se situe « dans le cadre de l’établissement ou du fonctionnement du marché intérieur », c’est-à-dire de la libéralisation du marché de l’énergie. S’il indique vouloir « assurer la sécurité de l’approvisionnement énergétique (…) les économies d’énergie ainsi que le développement des énergies nouvelles et renouvelables », il persiste à vouloir « promouvoir l’interconnexion des réseaux énergétiques » alors même qu’elle peut avoir, et a déjà eu, des conséquences désastreuses avec la multiplication des problèmes créés par la libéralisation du secteur. Le droit à l’énergie n’est même pas mentionné alors même que la libéralisation du secteur s’attaque directement au service public de l’énergie.

Compétences réciproques entre l’Union et les Etats membres

La répartition des compétences entre l’Union et les Etats membres a été précisée. « Toute compétence non attribuée dans les traités appartient aux Etats membres (…) l’Union intervient seulement si, et dans la mesure où, les objectifs de l’action envisagée ne peuvent pas être atteints de manière suffisante par les Etats membres » (nouveaux art. 4 et 5 TUE). Ces principes sont précisés dans les articles 2 à 6 du TFUE.

Trois types de domaines apparaissent : ceux qui relève de la compétence exclusive de l’Union, ceux qui relèvent de la compétence partagée entre l’Union et les Etats membres et ceux pour lesquels « l’Union dispose d’une compétence pour mener des actions pour appuyer, coordonner ou compléter l’action des Etats membres ». Ce partage, apparemment clair, des responsabilités ne l’est en fait pas vraiment.

En effet, dans le cas des sujets relevant de la compétence partagée, le traité modificatif indique que « Les Etats membres exercent leur compétence dans la mesure où l’Union n’a pas exercé la sienne ». Il ne s’agit donc pas d’une compétence partagée avec les Etats membres mais d’une prééminence des actions de l’Union sur celles des Etats membres. La liste des domaines concernés par la « compétence exclusive » et la « compétence partagée » touche un nombre impressionnant des aspects de la vie quotidienne des habitants de l’Union, sans même y rajouter ceux pour lesquels « l’Union dispose d’une compétence pour mener des actions pour appuyer, coordonner ou compléter l’action des Etats membres ».

Les Etats gardent un droit de veto sur l’action extérieure de l’Union, et sur la politique étrangère et de sécurité commune. Une partie des politiques sociales et fiscales échappe au droit de l’Union, mais elles sont en pratique surdéterminées par les politiques économiques qui, elles, relèvent de l’Union. Ainsi près de 80 % des lois adoptées par les Parlements nationaux ne sont que de la transposition du droit européen. C’est ce qui rend absolument nécessaire la construction de rapports de forces à l’échelle de l’Union.

Les modifications institutionnelles

1) Droit d’initiative citoyenne

« Des citoyens de l’Union, au nombre d’un million au moins, ressortissants d’un nombre significatif d’Etats membres, peuvent prendre l’initiative d’inviter la Commission, dans le cadre de ses attributions, à soumettre une proposition appropriée sur des questions pour lesquelles ces citoyens considèrent qu’un acte juridique de l’Union est nécessaire aux fins de l’application des traités » (nouvel article. 8 B TUE).

Au-delà du fait que les citoyens n’avaient pas attendu que ce soit indiqué dans le traité pour le mettre en œuvre, ce droit de pétition reste très sévèrement encadré. Il doit porter sur l’application des traités. Hors de question donc de demander une disposition qui les modifierait. De plus, c’est évidemment la Commission qui décide de l’opportunité ou pas de le faire. Bref, un pas en avant si minuscule pour l’intervention citoyenne qu’il peut s’apparenter à du sur-place. Il peut néanmoins être utilisé comme un outil dans la construction de rapport de forces à l’échelle européenne, comme peut le faire une pétition à l’échelle nationale.

2) Actes législatifs européens/rôle de la Commission

Ce sont les directives, règlements, décisions. La définition de ces termes est donnée par l’article 249 du TFUE. La définition de la « décision » a été modifiée. Dans sa définition actuelle, une décision, qui est obligatoirement applicable, concernait un ou des destinataires précis. La nouvelle définition lui donne une portée plus générale. On peut se demander quel est le sens exact de cette modification.

Le rôle de la Commission est indiqué dans un nouvel article 9 D du TUE : « Un acte législatif de l'Union ne peut être adopté que sur proposition de la Commission sauf dans les cas où les traités en disposent autrement ». Quels sont ces cas ? Ils renvoient aux deux types de procédures législatives (nouvel article 249A TFUE). « La procédure législative ordinaire consiste en l’adoption d’un règlement, d’une directive ou d’une décision conjointement par le Parlement et le Conseil sur proposition de la Commission. Une procédure législative spéciale consiste en l’adoption d’un règlement, d’une directive ou d’une décision par le Parlement européen avec participation du Conseil ou par celui-ci avec la participation du Parlement européen. » Une certaine obscurité règne, en première lecture, sur cette notion de « procédure législative spéciale » qui apparaît assez régulièrement dans le traité modificatif. Dans ce cas, le rôle de la Commission n'est pas mentionné. Par ailleurs, le rôle de la Commission est accru puisqu’un acte législatif peut déléguer à la Commission le pouvoir de modifier « certains éléments non essentiels » de cet acte (nouvel article 249 B TFUE).

3) Rôle des Parlements nationaux et du Parlement européen

Les Parlements nationaux apparaissent à plusieurs reprises (nouvel article 8 C TUE, protocole n°1 et 2…), avec la volonté manifeste d’en renforcer le rôle.

L’article 7 du protocole n°2 indique la procédure qui leur permet de peser sur le processus législatif européen. Chaque Parlement national dispose de 2 voix. Deux cas de figures apparaissent. Dans le cas d’une procédure législative ordinaire, si une majorité des voix attribués aux Parlements nationaux donne un avis négatif, le projet doit être réexaminé. Dans les autres cas, un tiers des voix suffit (un quart dans le cas des questions de sécurité et de justice). L’avis négatif doit être motivé par le non-respect du principe de subsidiarité.

Cet article renforce certes le rôle des Parlements nationaux. Cependant sa portée est très limitée puisque les Parlements nationaux ne se déterminent pas sur le fond du projet mais sur sa conformité juridique, respect ou pas du principe de subsidiarité.

Le rôle du Parlement européen est accru par une augmentation significative des domaines relevant de la codécision avec le Conseil.

Enfin un Parlement national pourra bloquer une décision du Conseil qui transforme le mode d’adoption par ce dernier d’actes législatifs dans le cas où le Conseil décide de voter à la majorité qualifiée, alors que l'unanimité est requise par les traités, et dans le cas d'un passage d’une procédure législative spéciale à une procédure législative ordinaire (nouvel article 33-3 TUE).

4) Droit de recours individuel devant la Cour de justice

Il est restreint. En effet, le 4ème alinéa de l'article 230 TFUE est modifié. La rédaction actuelle prévoyait qu'un recours d'un individu était possible même si les décisions le concernant directement et individuellement avaient été « prises sous l'apparence d'un règlement ou d'une décision adressée à une autre personne ». Cette dernière possibilité a disparu.

5) Les autres modifications

L’Union se voit doté d’une personnalité juridique ce qui lui permet de signer des accords internationaux au nom des Etats membres. La majorité qualifiée au Conseil passe à 50 % des Etats et 55 % de la population au 1er novembre 2014 avec des mesures transitoires complexes qui pourront durer jusqu’en 2017. Réduction du nombre de Commissaires avec là aussi une procédure de transition jusqu’au 31 octobre 2014. Création d’un poste de Président du Conseil européen pour un mandat de 2,5 ans renouvelable une fois et d’un Haut Représentant (le terme ministre a été rejeté) de l’Union pour les affaires étrangères.

Combattre ce traité, exiger un référendum

Le traité modificatif transfère l’essentiel du TCE dans les traités actuels. Comme l’a dit crûment Valéry Giscard d’Estaing « les gouvernements européens se sont ainsi mis d’accord sur des changements cosmétiques à la Constitution pour qu’elle soit plus facile à avaler ». Certes le terme « constitution » n’est plus employé et ce texte aura donc une moindre portée symbolique. Ce ne sera qu’un traité de plus.

La disposition, qui permet au Royaume-Uni d’être dispensé d’appliquer la Charte des droits fondamentaux, ouvre un débat intéressant. Elle peut être interprétée de deux façons. La première, c’est que les droits sociaux au niveau européen, même réduits à portion congrue, ne sont pas obligatoires au même titre que les règles du marché intérieur. Le social serait donc en option et la concurrence obligatoire. C’est l’officialisation du dumping social. La seconde, c’est que maintenant chaque pays pourrait choisir ce qui lui convient dans les décisions européennes. Une Europe à la carte s’instaurerait avec ses inconvénients, l’accroissement de la concurrence entre les Etats, et ses avantages, le fait de pouvoir refuser d’appliquer une décision. Par exemple, le gouvernement français, qui affirme vouloir défendre les services publics, pourrait refuser d’appliquer la directive postale !

Au-delà, les raisons de fond du rejet du TCE demeurent pour ce traité. Marqué de bout en bout par le néolibéralisme, tant dans les principes qu’il promeut que dans les politiques qu’il prône, ce traité se situe dans le prolongement de celui de Maastricht et d’Amsterdam. L'Union européenne restera un espace privilégié de promotion des politiques néolibérales. Les quelques points positifs ne remettent pas fondamentalement en cause le fonctionnement actuel de l’Union marqué par un profond déficit démocratique avec une confusion des pouvoirs qui voit l'organe exécutif de l'Union, la Commission, dotée de pouvoirs législatifs et judiciaires et qui fait du Conseil un organe législatif alors même qu'il est la réunion des exécutifs nationaux.

A ces raisons de fond vient s'ajouter la méthode employée qui confirme la volonté des gouvernements et de la Commission d’exclure les peuples et les citoyens du processus de construction de l’Union. La rapidité du processus d’élaboration risque de limiter la possibilité de peser sur son contenu au vu de la complexité du texte. Un premier point peut cependant susciter une large mobilisation citoyenne : faire retirer tout référence à l’héritage religieux de l’Europe dans le traité.

Au-delà, il faut exiger la tenue d’un référendum. Le TCE a été rejeté par un référendum. Le « traité modificatif » qui reprend l’essentiel de celui-ci doit être soumis directement au vote des citoyens par référendum.

Hommage et F X Verschaeve; Alain Deneault

L’héritage théorique de François-Xavier Verschave


par Alain Deneault, philosophe

Résumé : La « Françafrique » qu’a contribué à définir et qu’a pourfendue François-Xavier Verschave depuis son engagement à Survie en 1984 n’est pas à considérer comme le tout de son legs, mais bien comme une étape l’ayant amené à penser de façon plus large une « Mafiafrique ». Il s’agissait, au nom de cette Mafiafrique, de penser les réseaux d’influence se tissant de tous bords tous côtés pour faire main basse sur les ressources d’Afrique et ce, pas seulement depuis l’Élysée et l’état-major, mais aussi depuis les points offshore les plus diversifiés où banques, industriels et services de guerre agissent en toute liberté. Les constats parfois décourageants que les animateurs de Survie ont été amenés à faire n’ont jamais fait de Verschave un militant atrabilaire, contrairement à certains portraits qui ont été dressés, mais au contraire un modèle de patience et d’application.

« Que te semble-t-il le plus humain ?
Épargner la honte à quelqu’un. » Friedrich Nietzsche, Le Gai Savoir

François-Xavier Verschave, au-delà d’une figure de militant, nous lègue une pensée politique et théorique adaptée à l’époque. Cette pensée progressait au rythme des événements, considérait leur conjoncture et cernait leurs spécificités. Noir Silence et les autres titres se sont ainsi imposés comme des Dix-huit Brumaire de Louis Bonaparte de l’époque. Son approche cédait moins au schématisme qu’on ne l’a dit et tenait compte, à en étonner jusqu’aux interlocuteurs qui l’avaient déjà mille fois entendu, des complexités du continent d’Afrique.

Ce serait donc à tort qu’on figerait son souvenir au seul concept de « Françafrique ». Il avait en effet emprunté cette notion au président ivoirien Houphouët-Boigny pour la détourner en désignant un système d’influence mettant en cause l’élite politique française, quelques grandes entreprises de l’Hexagone, les services secrets, l’état-major militaire et un réseau de chefs d’État africains corrompus avec leur garde rapprochée pour servir, un temps, des intérêts strictement rattachés à la France. Mais ce concept devait davantage marquer une étape dans sa pensée qu’un point de butée.

Cette période d’enquête sur les réseaux d’influences français en Afrique a culminé avec le choc de 1994, alors qu’il urgeait, à la veille du génocide rwandais et de la complicité française qui lui restera associée, de rompre avec les positions humanistes bien-pensantes en vigueur jusqu’alors (exiger une gestion saine des budgets d’aide au développement et à la coopération) et de prendre publiquement la mesure de l’exploitation éhontée et des méthodes cruelles qui sévissaient dans d’anciennes colonies africaines. La lecture que faisait Verschave à cette période, avec d’autres [n1 Pensons ne serait-ce qu’à l’analyse de Jean-François Médard, présentée dans Agir ici et Survie, L’Afrique à Biarritz, Mise en examen de la politique française, Karthala, 1995, p. 12-26.], est désormais entendue de tous, même par une presse qui ne sait plus quelle torsion lui faire subir pour la dénier : Charles de Gaulle a, d’une part, concédé l’indépendance aux anciennes colonies en confiant à Jacques Foccart, d’autre part, le soin de poursuivre l’entreprise de domination, cette fois sur un mode occulte. Il s’en est suivi un nombre impressionnant de coups fourrés, de crimes de guerre et d’entreprises de pillage de la part des instances « souveraines » agissant en relation étroite avec l’ancienne métropole. (Il reste difficile de dire si la collusion politique a été motivée par des intérêts économiques ou si les intérêts économiques n’ont pas été le paravent de manipulations strictement politiques. Les deux assurément, mais pas toujours simultanément.) Survie s’est donc employée à suivre l’évolution historique et contemporaine de cet état de fait, avec le concours d’organisations non-gouvernementales étrangères et françaises, en dénonçant les très nombreux cas de manipulations électorales, d’assassinats politiques, de soutien aux guerres civiles, voire de crimes contre l’humanité. La logique néocoloniale se poursuit selon l’image désormais célèbre de l’iceberg : la partie émergente représente l’illusion des indépendances africaines, bien que les pays soient en réalité retenus dans les bas-fonds par la métropole. « Le néocolonialisme français est un système totalisant ou totalitaire : l’ex-métropole continue de contrôler simultanément les volets financier, économique, politique et sécuritaire. Elle enserre l’Afrique francophone dans un réseau de liens qui ne diffère guère de la situation coloniale »[F.-X. Verschave, France-Afrique, Le Crime continue, Lyon, Tahin-party, 1999.]. Avec ceci pour conséquences, dans la langue verte d’Ubu, que « de tout côté on ne voit plus que des maisons brûlées et des gens pliant sous le poids de nos phynances. » [Alfred Jarry, Ubu roi, Paris, Gallimard.]

Cette démarche aura trouvé en 2005 son point d’accomplissement lorsque Survie, en créant une « commission d’enquête citoyenne » avec les associations Aircrige, Cimade, Obsarm, sur la complicité de génocide de la France au Rwanda, a entrepris, non seulement de suppléer une presse relayant le plus souvent les versions officielles sur les questions africaines, mais d’excéder jusqu’à l’État qui refuse de faire la lumière sur les logiques à l’œuvre au sein de son appareil en 1994. [Commission d’enquête citoyenne sur le rôle de la France dans le génocide des Tutsi au Rwanda en 1994, L’Horreur qui nous prend au visage, La France au Rwanda, Rapport coordonné par Laure Coret et F.-X. Verschave, Paris, Karthala, 2005 et Géraud de La Pradelle, Imprescriptible, L’Implication dans le génocide tutsi portée devant les tribunaux, Paris, Les arènes, 2005.] La « citoyenneté » en cause se faisait d’autant plus percutante qu’elle n’était pas garantie par les formes étatiques en vigueur, mais qu’elle en appelait de nouvelles, répondant sur le mode de l’exception aux comportements alors hors de tout gond des puissances publiques et des instances privées en cause. En d’autres termes, « mettre la pensée en rapport immédiat avec le dehors, avec les forces du dehors, bref faire de la pensée une machine de guerre. » [Gilles Deleuze et Félix Guattari, Mille Plateaux, Capitalisme et schizophrénie II, Paris, Éditions de Minuit, 1980, p. 467. ] Mais l’apport de Verschave ne s’arrête pas là.
De manière générale, en analysant plus avant les affaires scabreuses qui ont si souvent éclaté là où agissent et agissaient les réseaux françafricains, et en insistant pour identifier les acteurs concernés afin que la responsabilité historique des uns et des autres ne se dissipât point dans l’anonymat des concepts géopolitiques de l’heure (i.e. : « la » mondialisation), Survie et Verschave se sont continuellement heurtés au problème des paradis fiscaux, en lesquels fut reconnue une pièce maîtresse de l’action souterraine des maîtres d’Afrique. Il apparaissait à cette échelle que les réseaux françafricains, à mesure qu’ils se démultipliaient depuis le milieu des années soixante-dix, ne procédaient pas seuls et que, loin de s’opposer à ceux d’une Afrique anglophone avec lesquels on les disait en concurrence (souvent pour les légitimer), ils fonctionnaient de pair avec eux. Le cas du Franco-Brésilien Pierre Falcone et du Franco-Russe Arkadi Gaidamak, tous deux vendeurs d’armes associés aux partenaires de toutes engeances en Angola, est sans doute l’élément qui a le plus contribué à faire progressivement éclater cette grille analytique de la « Françafrique », au profit d’un conception mafieuse de l’exploitation capitaliste au Sud. Celle-ci transcende tout à fait les conceptions géo-politiques classiques. Parce qu’Américains et Français ont partagé les mêmes stratégies en Angola, en soutenant dans les années soixante-dix les rebelles de l’Union pour l’indépendance totale de l’Angola (Unita) contre les « marxistes » au pouvoir du Mouvement populaire pour la libration de l’Angola (MPLA), BP-Amoco et Elf ont ensemble hérité d’un domaine commun qui a illustré à lui seul la valeur factice de l’« opposition » qu’ils se seraient menée ailleurs sur le continent. Le clan français, dans cette affaire, s’est allié à une société d’armement suisse dirigée par un Syrien, a recouru à un service de mercenaires italien, puis s’est financé à partir de fonds russes. Les forces gouvernementales choisissaient elles aussi leurs partenaires en France, mais aussi au Brésil, en Slovaquie et en Russie, ces noms de lieux désignant désormais davantage de simples aires géographiques que des instances politiques décisives. Impliquée jusqu’au cou dans cette affaire, la banque Paribas a effectué des paiements douteux via des transferts auprès d’autres institutions financières sises en Allemagne, en Autriche, en France, en Suisse, qui aboutissaient parfois dans un compte de la Sonangol de New York, réputée dans le blanchiment... [F.-X. Verschave, Noir Silence, Qui arrêtera la Françafrique ?, Paris, Les arènes, 2000, p. 340 et suiv. ainsi que L’Envers de la dette, Criminalité politique et économique au Congo-Brazza et en Angola, Marseille, Agone, 2001, p. 119 et suiv.]

Bref, l’expression « Mafiafrique » s’est donc progressivement substituée à celle de « Françafrique », rendant mieux compte des modes de domination en vigueur sur le continent. Cette notion renvoie à une machination juridique et économique quasi monadologique, se déployant à l’absurde pour maintenir des régions en état de dépendance politique et économique. Ces machinations se développent indépendamment des stratégies proprement étatiques. Ceux qui les conduisent disposent plutôt des États et usent de leurs prérogatives à leur guise comme d’un levier parmi d’autres. Ils bénéficieront au besoin de leur concours militaire, juridique et diplomatique, où s’en passeront s’il convient plutôt de recourir à l’organisation alégale des seigneurs de guerrre, aux armées privées du mercenariat, aux mises en scène trompeuses des grands holdings médiatiques, aux banques des paradis fiscaux et au notariat de sociétés de clearing. L’État devient donc un levier parmi d’autres, dont on se sert à la carte. Les Berlusconi, Blair, Bush, Chirac et Martin y trônent moins pour garantir les valeurs de droit et de bien public que pour l’investir et le contenir aux fins de ces intérêts privés. Appelons cela, dans la foulée des travaux de Verschave, la souveraineté offshore.

Je ponds cette expression me rappelant comme la dimension critique du travail de Verschave ne l’empêchait pas lui-même d’innover sur le plan conceptuel. Sa lecture de la « théorie des jeux » en économie, recoupant des notions forgées à partir d’une lecture tout aussi libre que rigoureuse de l’historien Fernand Braudel, est un bijou de subversion théorique. La théorie des jeux s’intéresse aux formes de coopération qui profitent soit à l’un au détriment d’autrui, soit à tous communément. Les économistes font habituellement reposer sur cette théorie les prémisses qui leur sont chères sur la rationalité des acteurs pris individuellement. Verschave a inversé les données individualistes du problème en rappelant que les conditions de possibilité de l’avènement d’une politique économique globalement profitable restaient la mise en commun des ressources. Il a non seulement appelé de ses vœux de telles pratiques mais a analysé les acquis de notre histoire en fonction de ces critères. Le bien public et les politiques communes permettent globalement à tous de vivre mieux dans une mise en relation des activités, que si chacun se dispute un même élément. Nos acquis sociaux ont été conquis intuitivement ou explicitement en vertu de telles convictions.

Verschave était avant tout cet économiste humaniste, lecteur de Braudel et de Castoriadis. Du premier, il avait retenu que l’histoire se déroule selon le « temps long », en faisant reposer sur cette thèse une vertu peu commune dans le monde militant, la patience. La patience ne consiste pas seulement à peser et à soupeser tout ce qu’on avance, mais à comprendre par ailleurs que les acquis du militantisme se comptent au fil d’années et de siècles. La société civile est fatalement vouée à échouer ; ses grèves, elle les mène le plus souvent à perte ; c’est aussi en vain qu’elle produit des publications dissidentes pour contrecarrer les énormités de la presse-relais ; les livres qui dénoncent l’inavouable restent sans suites et les gouvernements progressistes souvent péniblement portés au pouvoir trahissent leurs engagements sitôt en poste... Bref, militer décourage la pensée pressée de voir un retour sur son investissement dans la vie publique. Patient, Verschave a su penser la démarche militante non pas au-delà des échecs mais à travers eux : « c’est au cumul des échecs qu’adviennent les victoires » tenait-il à répéter. Le droit de vote, l’Assurance-maladie universelle, les lois sur la sécurité et le temps de travail et autres programmes sociaux sont le fruit de décennies d’échecs qui à chaque occurrence ont forcé les pouvoirs en place à accuser l’impact des forces en présence pour céder progressivement sur tel ou tel point.

De Castoriadis, il avait entretenu l’idée que ces avancées politiques sont l’œuvre des luttes sociales soutenues à travers les générations, et non pas le fruit de quelque progrès inscrit dans un cours transcendant de l’histoire. Il s’inspirait de lui pour produire des images fortes, celle par exemple des bas-fonds en turbulence qui grondent sous les eaux dormantes. « Les logiciels du refus se connectent » : la proximité de groupes marxistes, écologistes, féministes, réformistes qui évoluaient en parallèle il y a encore quinze ans sont déjà à élaborer ensemble bon an mal an un dessein politique. Aussi, Verschave était-il près sans le savoir des thèses de Jacques Rancière. Il était parmi les rares à pratiquer à tous les instants une politique dissensuelle qui consiste à abandonner les sphères usuelles du langage politique pour désigner avec des expressions fortes et souvent difficilement recevables les rapports de domination du Nord au Sud dont nous sommes les témoins. Le vocabulaire d’Alfred Jarry l’emportait pour désigner une politique passant de l’ère du spectacle à celle plus brutale de la caricature, que ce soit par les trucages des urnes dont l’évidence laissait les électeurs pantois ou par cette novlangue conçue à Paris, par exemple sur la « démocratie apaisée », qui jaillissait par métastases du Gabon au Cameroun en passant par le Togo. L’important étant d’échapper à la langue du consensus, de même qu’à l’impression de pouvoir en infléchir timidement le cours en l’empruntant partiellement, Verschave la confrontait selon un ordre du discours soutenu par soi seul dès lors qu’il répondait de la nature des événements en cours, fût-elle insupportable. La corruption, le pillage, les mafias se trouvaient chez lui désignés par leur nom sans que jamais ne poigne quelque chose d’outrancier dans l’emploi de ces mots. Il devenait a contrario de plus en plus difficile pour la presse de maquiller sa mauvaise foi lorsqu’elle persistait, elle, à parler de « conflits ethniques » pour « expliquer » les différentes crises secouant une Afrique en mal de « bonne gouvernance », ce qu’elle n’aura pas pardonné au dissident jusque dans ses papiers annonçant sa mort.[Collectif, « Décès de François-Xavier Verschave : nécrologies vindicatives », in Acrimed, le mercredi 6 juillet 2005, www.acrimed.org/article2096.html]

Voyant large, Verschave savait enfin exposer la conviction que les problèmes du Sud annoncent ceux du Nord, car on est ici autant en péril que là-bas lorsque dans nos démocraties où elle trouve encore quelque peu de consistance la notion de bien public cesse d’être thématisée et défendue à large échelle. « Il sera évidemment plus facile de lutter avec les Africains contre ce nouvel ordre du monde lorsque les peuples occidentaux auront compris que cet ordre-là, ou plutôt cette anomie, en vient à détruire jusque chez eux 150 ans de conquêtes sociales. » Abandonner la scolarité, l’aide sociale et l’assurance-maladie aux forces du marché, comme on en discute dans les forums économiques les plus respectés, ce serait céder ces structures aux artisans de spoliations qui nous montrent au Sud les méthodes qu’ils sont prêts à mettre en œuvre partout. C’est pourquoi la nature des rapports solidaires qui unissent les gens du Nord à ceux du Sud, surtout en ce qui regarde les largesses ayant cours à des échelles à peine concevables dans les paradis fiscaux, ne saurait d’aucune façon passer pour paternaliste ou bienfaisante. Le bien public qu’il s’agit de concevoir à l’échelle mondiale est l’objet d’une conquête qui unit Africains et Européens, tout comme le Nord et le Sud en général, au même titre.

Puisque nous sommes de la même aventure, il nous reste donc à penser cette domination de l’Afrique non plus en fonction des seules catégories traditionnelles de la géopolitique (quoiqu’elles restent souvent opératoires), mais par rapport aussi à la souveraineté offshore qui supplée la souveraineté des États et fonde dans les points aveugles de la pensée publique des repaires alégaux d’influence. Il nous reste aussi instamment à penser au-delà des catégories d’analyse encore très occidentales de Verschave l’Afrique elle-même. « Ces guerres grouillent de saloperies ; sur un quart de siècle seuls les “salauds”, ou ceux qui le deviennent peuvent encore s’accrocher aux manettes » [L’envers de la dette, op. cit., p. 122.], certes. Comment n’être point interdit face à cela, fasciné par l’inénarrable cruauté des mobiles et des gestes ? Après en avoir beaucoup parlé, il nous reste néanmoins une Afrique à nous dire, une Afrique à nommer, qui ne soit pas seulement celle qui continue de conjuguer avec les affres des raids néocoloniaux, ni celle de plumes littéraires se découvrant anthropologues pour nous dire tout en mystères, magies et rêves le fait d’une Afrique miroir de fantasmes éculés. Il nous faut aussi apprendre à situer cette Mafiafrique dans un contexte économique et culturel plus large qui n’est peut-être pas de nature à se laisser réfléchir avec nos mots et nos ordres occurrents de rationalité, comme il arrivait sporadiquement à Verschave lui-même de le rappeler, sans complaisance, ni mépris. « Pour survivre - et les Africains ont fait preuve d’une extraordinaire aptitude à cet égard -, ils ont exacerbé les capacités de subsistance et de résistance à l’échelle de la famille : la famille est l’entité de la survie. Quand vous vous adressez à des gens qui ont survécu pendant cinq siècles grâce à ce type de fonctionnement, et que vous venez leur dire : “Écoutez, la famille, c’est dépassé. Quand vous accédez aux fonctions de l’État, il ne faut plus mélanger le patrimoine public et le patrimoine privé”, comment et de quel droit pouvez-vous, de l’extérieur, faire comprendre que ce système si performant est caduc ? Et il est vrai que, dans ce système, divers mécanismes empêchaient l’accumulation : quand on arrivait à un certain niveau de richesse, au lieu d’investir dans la production, on investissait dans le cadeau qui développe le réseau. C’est un autre mode de fonctionnement économique, qui a jusqu’à une certaine époque fait ses preuves. Ce n’est pas nous, ni le FMI, ni la Banque mondiale, ni la Coopération française, qui pourront imposer des changements de rationalité économique ». [L’Afrique à Biarritz, op. cit., p. 45. Lire aussi sur ces questions le témoignage d’Emmanuel Seyni Ndione, L’Économie urbaine en Afrique, Le Don et le recours, Paris, Karthala et Dakar, Enda Graf Sahel, 1994.]

Il importe d’aborder ces questions. Parce que nous serons nous-mêmes à la recherche de nouveaux paradigmes lorsque inversement il deviendra évident que la politique de l’accumulation et de la croissance que nous préconisons ne pourra pas durer éternellement. Lorsque le pétrole viendra à manquer et que les diamants passeront pour futiles, nous devrons penser d’autres modèles. La rationalité économique d’ailleurs, que nous jugeons aujourd’hui désuète à défaut d’en comprendre le langage, se fera alors la leçon théorique qu’il nous faudra adapter pour nous adapter nous-mêmes au renouveau de l’histoire.

Alain Deneault, philosophe

négociation sur l'AGCS avec P. Lamy (UE); 2002

Imaginons une séance de négociation à l'OMC sur l'AGCS:

Cela ressemble un peu au jeu des sept familles. Les participants sont 148, un par Etat membre de l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC).

Nous sommes à Cancun, station balnéaire mexicaine on ne peut plus touristique. Et cela se passe en cette période si agréable de la mi-septembre.

Le jeu consiste à s'échanger des cartes, à en demander et à en offrir. Chaque carte représente l'un des nombreux "services" apportés ou vendus aux consommateurs de la planète: assurances, audiovisuel, éducation, distribution d'eau, santé, télécommunications, transport, tourisme ou plis postaux … Lorsqu'un pays se défausse d'une carte sur la table de ce casino planétaire, cela signifie qu'il accepte de libéraliser ce secteur, de l'ouvrir à la concurrence des entreprises des 147 autres joueurs.

Le joueur mandaté par l'Union Européenne s'appelle Pascal Lamy. Imaginez le, drapeau européen flottant sur son coin de table, fixant un à un ses interlocuteurs: "Dans la famille distribution d'eau, je voudrais le Canada, la Chine, les Etats-Unis et le Nigeria." Si l'un de ces quatre pays souhaite répondre favorablement, il posera sa carte "distribution d'eau" à la vue de tous. Pascal Lamy se frottera les mains et ne pourra retenir un sourire de satisfaction. Il pense aux PDG de Suez et de Vivendi, les deux groupes européens - français de surcroît - qui détiennent déjà 70% du marché mondial de l'eau. Ils seront ravis de pouvoir conquérir de nouveaux horizons. Imaginez …
Le sourire de Pascal Lamy tombe au moment où le redoutable joueur états-unien, Robert Zoellick, ancien conseiller de Reagan, prend la parole: "Dans la famille "enseignement supérieur", je voudrais le Brésil, l'Inde et l'Union européenne." Harvard installant une université privée en face de la Sorbonne! Une goutte de sueur perle sur le front du négociateur européen. S'il ne lui accorde pas cette carte, cet ultra-libéral de Zoellick refusera sûrement de se débarrasser de celle de l'énergie que Pascal Lamy compte bien lui demander au prochain tour de table. EDF gérant le réseau électrique de New York vaut bien une succursale d'Harvard face à la Sorbonne. Qu'importent les manifs qui ne manqueront pas d'avoir lieu. Imaginez …

(Extrait du TC N° 3072 du 4 septembre 2003, page 14, dans l'article "OMC, le dessous des cartes" d'Yvan Du Roy).

fiche signalétique de l'OMC; 2005

FICHE SIGNALETIQUE DE L’OMC :

( ORGANISATION MONDIALE DU COMMERCE : fiche signalétique)


Siège : GENEVE (Suisse)

Création : 1er Janvier 1995 par les accords de Marrakech suite aux négociations de
l’Uruguay Round (1986-1994). Elle succède au GATT, qui est un accord douanier destiné à abaisser les droits de douane. Le GATT fait partie des organes annexes de l’ONU.

Pays membres : 148 ( au 16 février 2005)
Pays observateurs (pays ayant ou devant engager des négociations dans les 5 ans pour entrer à l’OMC) : 33, dont la Russie, l’Iran, l’Irak, l’Arabie, l’Algérie, le Vietnam …

Budget : 169 Millions de Francs suisses pour 2005

Effectifs : 630 personnes pour le secrétariat

Directeur général : Pascal LAMY (depuis le premier septembre 2005), précédemment commissaire européen au commerce (avant Peter Mandelson). Mandat de 4 ans.

Fonctions :
- administration des accords commerciaux de l’OMC
- cadre pour les négociations commerciales
- règlement des différents commerciaux
- suivi des politiques commerciales nationales
- assistance technique et formation pour les pays en développement
- coopération avec d’autres organisations internationales

Conférence ministérielle : c’est l’organe de décision suprême de l’OMC. Elle se réunit au moins une fois tous les deux ans. La dernière a eu lieu à Cancun ( Mexique ) en 2003, la prochaine à Hongkong en décembre 2005.

Conseil général de l’OMC : instance qui réunit les ambassadeurs des états membres avec des pouvoirs équivalents à une conférence ministérielle.

Négociateurs européen pour le commerce extérieur : Peter MANDELSON commissaire anglais .
Négociateur européen pour l’agriculture : Mariann FISCHER BOEL, commissaire danois.








Plan de l’intervention :

(1) L’OMC (Organisation Mondiale du Commerce) : rapide historique : GATT puis OMC, institution internationale ayant pour objet d’organiser le Commerce International et qui, après avoir quitté l’ONU lors de sa création, vise à instaurer un libre-échange intégral, sans que puisse lui être opposé ni les lois des Etats, ni des impératifs sociaux ou environnementaux.

(2) Le contexte : la doctrine du « néolibéralisme économique » de l’Ecole de Chicago expérimentée par les régimes dictatoriaux d’Amérique latine des décennies 70-80 et les gouvernements de Ronald Reagan et de Margaret Thatcher. Principes de ce néolibéralisme. Lien « global/local ». Un exemple : la libéralisation puis la privatisation des Services Publics.


(3) La structure et les modes de fonctionnement de l’OMC : idéologie ; organisation et fonctionnement ; principes : (1) Interdiction des réserves ; (2) Négociations permanentes vers le libre-échange intégral ; (3) Transparence des décisions des Etats au regard de leur engagement de novembre 1994 ; (4) « Nation la plus favorisée » ; (4) Traitement National ; (6) Accès au Marché ; (7) Interdiction (théorique) du dumping.

(4) Les grands dossiers du sommet de Hong-Kong (du 13 au 18 décembre 2005) : Propriété intellectuelle (ADPIC ou TRPS) ; Agriculture ; NAMA (Accord sur le Commerce des produits Non Agricoles) ; AGCS, avec rappel détaillé de ce qu’est l’AGCS. Tout ceci conduit à un marchandage intégral des activités humaines.


(5) Des enjeux stratégiques et politiques bien plus que simplement commerciaux.

Alors, que faire ?
- Ce que nous voulons :
o Le Droit des gouvernements à protéger leurs économies
o La Capacité des Gouvernements de mener des politiques conformes aux intérêts de leurs populations.
o La possibilité de favoriser en priorité les échanges sur une base régionale.
o La Réforme du système d’échange Nord Sud pour le stabiliser, ce qui suppose de travailler à la fois sur la fixation des prix des matières premières et sur le système monétaire international .
o L’établissement de bases nouvelles pour les échanges internationaux : une écologie solidaire et émancipatrice.

- Ce qu’ATTAC exige :
(1)Un moratoire sur toute négociation fondée sur le libre échange ; (2) une évaluation des politiques de l’OMC ; (3) le refus de toute augmentation des pouvoirs et compétences de l’OMC ; (4) la subordination de l’OMC aux Chartes internationales des Droits de l’Homme ; (5) le retrait de la compétence de l’OMC des secteurs essentiels ou biens communs de l’Humanité ; (6) l’abrogation de l’article 1-3-c de l’AGCS en ce qui concerne les Services Publics soumis à la concurrence ; (7) le respect systématique du principe de précaution ; l’interdiction du brevetage du vivant ; (8) l’accès effectif de l’ensemble de l’humanité aux médicaments ; (9) le droit des pays et des macro-régions d’assurer la souveraineté et la sécurité alimentaires de leurs ressortissants et de protéger leur agriculture paysanne ; (10) la redéfinition du mandat de la commission européenne à l’OMC.

Les Actions : (1) Collectivités locales contre l’AGCS ; (2) OMC : 10 ans, çà suffit !
Le Monde n’est pas à vendre ! Laisserons nous mourir le Monde ?

Pour en savoir plus :
- Remettre l’OMC à sa place de Susan George ; Mille et une Nuits. 2,5 euros.
- Manuel de Campagne OMC « 10 ans çà suffit » d’Artisans du Monde (à demander à « info@artisansdumonde.org »)
Comment est née l’OMC ?

Tout d’abord, le GATT : En juillet 1944, 44 pays se réunissent à Bretton Woods : figure, à l’ordre du jour de cette conférence, la création de trois organisations internationales ayant pour objectif la stabilité du monde de l’après-guerre : la Banque mondiale (BM) chargée de la reconstruction et du développement ; le Fond monétaire international (FMI) qui doit garantir la stabilité monétaire ; l’Organisation internationale sur le commerce (OIC) pour réglementer le commerce international. Seules, les deux premières institutions voient le jour. Le Congrès américain refuse en effet de voter la Charte de la Havane, qui accompagnait la naissance de l’OIC. Les 44 pays alors réunis parviennent alors à entraîner avec eux vingt-deux autres pays dans les premières négociations de ce qui deviendra l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT : General Agreement on Tariffs and Trade ). Néanmoins, à partir d’octobre 1947, le GATT, qui est un organisme de l’ONU, fonctionne et gère les accords commerciaux sur les produits industriels ; il est la survivance de l’article IV de la Charte de la Havane. Le GATT a un objectif précis, celui de réduire progressivement les droits de douane sur les produits manufacturés ; et il y est parvenu puisqu’en 45 ans d’existence, il a réussi à faire baisser les taux de tarifs douaniers de 40-50% à 4-5% sur les produits, dont il gérait la commercialisation. Mais le GATT n’ayant pas compétence sur un certain nombre de « produits » et services, cette situation entraîne la naissance de l’OMC.
Naissance de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) : il apparaît alors souhaitable aux Sociétés Transnationales (STN) qu’un accord similaire au GATT - mais valable pour tous les domaines voués à la pratique commerciale - soit établi pour leur permettre de mieux écouler leurs produits ; disposant de moyens de pression gigantesque sur les négociateurs de leur pays de rattachement, les STN peuvent, dans un organisme comme l’OMC, pratiquer un lobbying incessant. C’est donc prioritairement ce qui détermine la mise en route du Cycle de l’Uruguay, démarré en 1986, qui aboutit le 15 avril 94 au Traité de Marrakech, bulletin de naissance de l’OMC ; précisons qu’au passage l’OMC perd sa qualité d’organisme extérieur à l’ONU au moment de sa naissance et que donc il n’est plus tenu à respecter la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948, dont l’ONU est le garant. Le Traité de Marrakech, qui comprend 29 accords, est soumis aux Parlements des pays qui se sont engagés dans le cycle de négociation et les représentants de ces pays le ratifient en novembre 1994. Précisons ici qu’avec ses annexes, le traité comporte environ 20000 pages. Et la ratification du Traité de Marrakech donne alors à l’OMC des pouvoirs de réglementation du commerce tels qu’ils priment sur les droits des Etat ; l’OMC disposant d’un tribunal, l’ORD (Organe des Règlements), cette Organisation est en effet en mesure de les appliquer, y compris en sanctionnant les Etats. Ce traité grave surtout dans le marbre de la réglementation de l’OMC un dogme économique et les possibilités de le concrétiser commercialement : c’est le dogme du libre échange intégral ! Et, depuis ce Traité, l’OMC fait, effectivement, progresser le libre échange à grands pas ! Aujourd’hui, l’OMC est un organisme international qui ne semble pas poser problème à l’immense majorité des « politiques » puisque 148 Etats – dont la Chine depuis le sommet de Doha en 2001- sont membres de l’OMC ; et une trentaine (dont la Russie) sont sur la liste des pays, qui demandent leur adhésion !

Et pourtant un certain nombre d’organisations citoyennes – dont ATTAC - contestent de plus en plus l’OMC, telle qu’elle fonctionne ! Certaines organisations, surtout anglo-saxonnes, réclament une stricte application des règles de l’OMC (comme « un pays = une voix »), permettant l’égalité de tous dans les négociations ; et elles réclament par exemple la fin des subventions agricoles déguisées, qui vont à l’encontre des règles du libre-échange ; d’autres ONG, à l’esprit plus latin, vont plus loin dans leurs revendications dans la mesure où elles considèrent que l’application du libre échange ne permet pas le développement des pays du Sud. Le principe d’une régulation du commerce n’est donc pas en cause mais encore faut-il que cette régulation soit juste et contrôlée dans les domaines environnementaux et sociaux, où, au nom du libre échange, toute pratique commerciale devient licite, même si elle provoque des drames humains et des désastres considérables.

Avant d’aller plus loin dans mon propos, je veux donc établir 2 arguments, qui sont ceux d’ATTAC sur le libre-échange :
(1) il est faux de prétendre que le libre échange, en accroissant le niveau des ressources tiré de la production et du commerce, permet de favoriser le développement mondial.
(2) Les postulats, sur lesquels repose l’action de l’OMC, ne sont que le développement d’une doctrine économique, dont les applications ont été testées puis généralisées par l’intermédiaire de gouvernements se coulant dans le moule libéral depuis le sommet du G8 à Washington en 1990.
Je vais donc, dans un 1° temps, clarifier ces 2 points :
(1) En favorisant la croissance, le libre échange contribue t’il au développement mondial ?
- Effectivement, la croissance de la production et des biens dans le monde est continue depuis plusieurs décennies ; d’après les statistiques fournies par 2 organes de l’ONU (CNUSED, PNUD) et la Banque mondiale, cette croissance atteint 2,8% par an en moyenne depuis 30 ans.
- Mais celle des exportations et des importations est encore plus rapide puisqu’elle atteint 7% par an ; en 2002, leur total représentait 47% du PIB mondial, soit plus de 15000 milliards de dollars courants contre 38% en 1990 pour un montant proche de 9500 milliards de dollars.
- Pourtant, les inégalités de toute nature, y compris celles des revenus, n’ont cessé de croître. les différences de croissance sont très importantes d’un continent ou d’un pays à l’autre ; ainsi, la croissance moyenne est elle négative en Afrique puisqu’elle s’établit à – 0,9% ; et l’écart qui sépare le PIB par habitant du pays le mieux loti (Luxembourg) de celui le plus pauvre (Sierra Leone) était, en 2003, de 315 à 1 alors qu’il était de 83 à 1 en 1975 !
- Les échanges, qui résultent de l’organisation actuelle du commerce, de plus en plus libérale depuis la naissance de l’OMC, sont à l’origine de l’amplification de cette croissance et l’on peut admettre l’argument selon lequel le libre échange est facteur d’accroissement des ressources ; mais à condition de préciser immédiatement – ce qui n’est jamais fait – que les profits, qu’il génère, ne profitent pas au plus grand nombre. Il suffit de rappeler à cet égard que, sur les 60000 firmes transnationales recensées par la CNUSED, les 100 premières totalisaient, en 2002, un chiffre d’affaires de 6200 milliards de dollars pour un PIB mondial de 30000 milliards de dollars environ ; ce sont donc les plus grosses des STN qui tirent profit de cette situation !
- Les Etats eux-mêmes ne profitent pas de manière équilibrée de la croissance, qui résulte d’un libre échange généralisé ; plus ils sont riches, plus ils disposent des moyens leur permettant de faire valoir leurs parts de marchés et plus ils engrangent de bénéfices ; par contre, les plus pauvres connaissent souvent une réelle régression ! Ainsi, depuis l’accord de libre échange, qui le lie au Canada et aux Etats Unis d’Amérique en 1994, le cumul des pertes du Mexique ne compense pas les gains qu’ils comptaient enregistrer grâce à l’ALENA. Les « maquiloras », zones de montage à la frontière des EU, ont effectivement permis de créer de l’emploi - très précaire - mais l’industrie nationale est en passe d’être détruite du fait de délocalisations d’entreprises vers des zones au coût de main d’œuvre encore plus bas, telle la Chine ; ainsi, les entreprises métallurgiques de Monterrey ont disparu. Et, dans le secteur agricole, 95% des oléagineux, 30% du maïs, 40% de la viande et 50% du riz sont importés ; de ce fait, 1,3 millions d’emplois ont été perdus dans l’agriculture en 10 ans ! Les exportations de fruits frais ont augmenté de 75% mais les importations de conserves ont crû, elles, de 300% ! Aussi, en 2002, la moitié de la population du Mexique vivait elle en dessous du seuil de pauvreté !
Ces constats et ces chiffres posent donc crûment la question de la validité de l’argument selon lequel le libre échange favoriserait le développement.
(2) Et ce libre échange n’est pas né par hasard! Outre son intérêt commercial évident – Nestlé et Danone sont les 1° bénéficiaires de la libéralisation des marchés agricoles ; le brevetage du vivant rend les affaires de Monsanto bien plus simples à gérer - , il concrétise, grâce aux textes et à l’institution de l’OMC, une idéologie que l’on retrouve, depuis cette époque, partout dans le Monde :
- au niveau mondial, c’est donc lors du G7 de Washington de 1990, qu’est généralisée, en 1990, l’application des principes, qui doivent désormais guider les conduites économiques des Etats. Ceux-ci résultent d’une quasi doctrine, celle dite de « l’Ecole de Chicago ». Les expérimentations de ces principes ont été conduites, dès les décennies 70 et 80, par les dictatures d’Amérique latine et par les gouvernements de Reagan aux EU et de Margareth Thatcher en Grande Bretagne ! Ces régimes ont donc expérimenté les nouvelles règles du « néo-libéralisme » établies en 45 à Chicago par des économistes libéraux comme Friedman et Von Hayek: (1) croissance économique maximale ; (2) libre échange tendant vers l’absolu ; (3) liberté de l’investissement et des mouvements de capitaux hors frontières ; (4) déréglementation et réduction du rôle de l’Etat ; (5) privatisation des services publics (sauf défense et police, fonctions régaliennes de l’Etat, qu’il ne convient pas de faire entrer dans le domaine de la concurrence commerciale car non nécessairement commercialisables et « rentables ») ; (6) maîtrise stricte de l’inflation par l’établissement et le maintien de taux d’intérêt élevés !
Après le G7 de Washington, quel que soit le régime en place dans tel ou tel Etat et dans quelque institution internationale que ce soit (OMC, FMI, Banque Mondiale), ce sont ces principes qui vont inspirer les politiques nationales et des grands ensembles de nations et les G7 puis G8 successifs font, depuis, un point régulier sur l’application de la politique des Etats aux orientations économiques adoptées dans les institutions précitées.
Ainsi, si l’on prend l’exemple des SP (Services Publics), où nous conduit l’idéologie et les institutions libérales ?
- au niveau européen et essentiellement depuis l’Acte Unique de 1986, l’UE a engagé une politique de libéralisation des SP marchands. Dès le traité de Rome, l’UE (Union européenne) s’était construite sur des bases économiques libérales; en effet, ce traité interdisait « toute décision … toute pratique, qui sont susceptibles d’affecter le commerce … entre les Etats membres et qui ont pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence … » Mais des politiques de soutien ou de solidarité existaient encore dans l’Europe du traité de Rome ; en témoignent la « politique agricole commune » et les fonds structuraux d’aide aux régions (FEDER et Fonds sociaux). Avec l’Acte Unique, c’est l’option « libre échange », qui va être systématiquement développée et institutionnalisée, avec l’aide de la Commission européenne, qui crée un poste de commissaire à la concurrence ; et l’UE devient une Zone de Libre Echange, qui va ensuite constamment s’élargir pour développer un marché concurrentiel de plus en plus important ; ce faisant, l’option d’une Europe politique passe au second plan. Pour ne prendre qu’un exemple, celui des Services Publics, c’est cette évolution structurale, qui explique le passage de la notion de SP à celle de SIEG (Services d’Intérêt Economique Général), qui appartient à l’espace du marché! Comment s’est réalisée cette évolution ? Sur l’ex de ce qui s’est passée en Grande Bretagne sous Margareth Thatcher dans la décennie 80, les SP marchands sont systématiquement segmentés (pour le chemin de fer : réseau ferré, transport de voyageurs, fret …) puis les segments sont mis en concurrence. Pour le rail en GB, cette segmentation fut catastrophique pour la régularité des correspondances et la sécurité des passagers ; les services privés chargés de l’exploitation du « réseau » ne disposaient plus des moyens assurés par la collectivité pour entretenir les voies dans la durée et 26 compagnies se faisant concurrence sur le segment « transport des voyageurs » sans coordination de leurs prestations, les conditions de transport s’étaient particulièrement dégradées. Mais surtout, ces libéralisations et privatisations engendrent 2 conséquences « politiques » : la fin de la péréquation dans les SP marchands et la disparition du statut du fonctionnaire (cf le film de Ken Loach). Pourtant, au niveau européen, un tel exemple de dégradation n’empêchera pas la transformation des SP marchands en SIEG, qui deviennent des services au public mis en concurrence, c’est à dire « libéralisés » ; il suffit ensuite de laisser jouer la concurrence pour que le prix du service ne soit plus un prix « politique » péréqué mais devienne un « prix coûtant » (ex de l’installation d’une ligne téléphonique en secteur urbain et en secteur montagnard). Et parallèlement, des règles sont instituées par l’UE pour empêcher les Etats d’intervenir dans la gestion et le financement des entreprises en général (même pour les sauver d’une liquidation ; cf Alsthom) et des SP en particulier (ex en France de FranceTélécom et de la SNCM) ….
L’on comprend alors que, dans un tel contexte, l’UE soit l’une des collectivités politiques les plus engagées au sommet de Doha pour exiger des pays du Sud la libéralisation d’un certain nombre de leurs services (AGCS)! Mieux, considérant l’accroissement du différentiel de rentabilité des Services par rapport aux PNB des Etats européens (en 2003, agriculture : 2% ; Services : 71%, produits industriels : 27%), l’UE plaide et obtient en 2001 à Doha pour qu’à l’avenir, les négociations commerciales s’effectuent non plus par domaines mais de manière globale, un domaine (ex l’agriculture) pouvant donner lieu à des concessions ou à des avancées dans d’autres domaines (AGCS ou Matières non Agricoles (NAMA) contre Agriculture, par ex). Et l’Accord Général sur le Commerce des Services n’inclut il pas un « mode 4 », qui ressemble à s’y méprendre à un projet désormais fort connu, puisque c’est la fameuse directive Bolkestein qui a permis de faire comprendre, lors de la campagne référendaire, les risques encourus par les citoyens du fait de l’application du dogme de la libre concurrence!
Parallèlement, en France et lors de la même période, les « hommes » politiques de tous les gouvernements, de droite comme de gauche, ont, depuis le tournant de la rigueur de 83, parfaitement « emboîté » leurs politiques économiques au cadre de la logique mondialisée du Consensus de Washington. Quelques exemples illustrent cette assertion :
• En 82, les lois de décentralisation autorisent les collectivités territoriales à s'éloigner du système du monopole pour gérer les biens publics. Et la gestion de l'eau comme celle de la collecte des ordures ménagères vont alors être de plus en plus déléguées à des sociétés privées. Désormais, 75% de la distribution d'eau est confiée au privé (Vivendi; Lyonnaise des eaux et Bouyghes) !
• en Juillet 84, Laurent Fabius introduit l'argument de la modernisation dans son discours de politique générale ; il met en valeur l'efficacité des techniques de management et de gestion libérales privées, qui seraient l'antidote du système trop lourd des SP !
• de 86 à 88, Jacques Chirac engage le 1° grand train officiel de privatisations des assurances, des banques et des industries; ces mesures scellent la fin d'une politique industrielle de notre pays.
• le ministère Rocard de 88 ne revient pas sur ces dispositions mais poursuit, au contraire, l'offensive libérale. Sa circulaire du 26 février 89 introduit la gestion "managériale" du privé dans le public; cette gestion est présentée comme l'alpha et l'oméga de la modernisation des services publics; les vertus du management s'opposeraient aux rigidités du statut de la fonction publique; il permettrait de "restaurer la qualité et de s'ouvrir à la concurrence pour mieux servir le client". Désormais, les entreprises publiques auront recours à l'expertise de cabinets de consultants privés; l'accent sera mis sur la compétitivité, le redéploiement, la mobilité, la performance, l'intéressement et l'individualisation des rémunérations; le statut de la fonction publique passera alors au second plan.
• les privatisations et libéralisations se poursuivent sous les ministères Balladur et Juppé. Mais ces orientations entraînant des conflits, les privatisations vont prendre, sous le ministère Jospin, un aspect plus masqué par le biais de l'ouverture à la concurrence: France Télécom, Air France (dans le cadre européen du "ciel unique"), les transports ferroviaires, EDF-GDF vont ouvrir leur capital, acheter des filiales à l'étranger et devenir, de fait, de véritables multinationales! Comment Lionel Jospin aurait il pu refuser dès lors de signer le traité de Barcelone, qui scelle la libéralisation de SP comme EDF-GDF ? Un bilan sévère, tant économique que social, aurait pu être tiré de ces aventures mais était- ce des aventures ? Aujourd’hui, suite logique de ces engagements, ces sociétés industrielles peuvent entrer en bourse, ce qui est devenu effectif pour France Télécom depuis quelques années et est en train de se produire pour EDF-GDF !
Est-ce cet ensemble de ces dispositions qui fait dire à Michel Rocart que « le capitalisme a gagné » ?
En tous cas, la simultanéité de ces politiques économiques du mondial au national, toutes inspirées du consensus de Washington, permet de comprendre le lien « local/global », qui est en œuvre dans toutes ces orientations et décisions ! Et les « hommes politiques », qui se déclarent « pragmatiques », ne font que traduire, dans leurs actions, l’idéologie libérale de l’Ecole de Chicago! Leur pragmatisme traduit leur refus d’attaquer le libéralisme à sa source, dans les instances internationales, où les Etats sont représentés ! Aujourd’hui en effet, leurs politiques traitent des conséquences résultant des décisions prises au plus haut échelon mondial, et notamment lors des sommets de l’OMC ! Changer de politique « locale » nécessiterait de s’attaquer aux causes des problèmes posés au « local » par le « global » et non pas seulement réduire la politique au traitement de dossiers (celui de la SNCM ou celui de la commercialisation du maïs BT OGM du fait de la levée du moratoire sur le commerce des OGM demandé par l’OMC…etc).

Voilà dans quel contexte l’Organisation Mondiale du Commerce fonctionne ; et pour cause puisqu’elle est l’expression même de cette même idéologie « libre échangiste !

C’est en, effet structurellement que l’OMC est porteuse de cette idéologie dans son organisation, ses modes de fonctionnement et ses principes directeurs :
- Idéologie : L’extension indéfinie du libre échange est censée faire baisser les prix et, par voie de conséquence, accroître la croissance et augmenter l’allocation de ressources et, pour les défenseurs du libre-échange, accélérer le développement. Nous avons établi tout à l’heure, que ce dogme était totalement infirmé par les faits.
- Organisation et fonctionnement : les compétences de l’OMC portant sur tout type de produits, l’OMC fonctionne à partir de 29 accords sectorisés, tels « Agriculture » (AsA) ; Droits de propriété intellectuelle liés au commerce (ADPIC); Investissement ; Règles et procédures concernant l’Organe de Règlement des différends (ORD), dont certains arrêts sont célèbres : Banane, bœuf aux hormones, guerre du coton; Accès aux marchés non agricoles (NAMA), Accord Général sur le Commerce des Services (AGCS). Tous ces accords sont négociés avec les représentants des Etats lors des conférences ministérielles et, de manière quasi permanente lors de négociations incessantes au siège de l’OMC à Genève ou lors des séances en formation restreinte du Conseil Général de l’OMC ; et ils deviennent applicables dès lors que l’ensemble des membres de l’OMC les adoptent . Et, dès qu’un accord multilatéral de libre échange est signé dans un domaine ou par un marchandage entre divers domaines, l’OMC vise immédiatement de nouveaux accords dans d’autres domaines : le libre échange avance et ne recule jamais, sauf par compensation au prix fort accordée lors d’une nouvelle négociation !
Et sur quelles bases sont négociés ces accords ? A partir de principes qui guident l’action de l’OMC :
• Interdiction de réserves aux échanges commerciaux (politiques, économiques, environnementales, sociales)… Ainsi est-il interdit de discriminer la valeur de produits similaires sur la base de processus et de méthodes de production (PMP), qui pourraient justifier des prix plus élevés (pillage de matières premières ou travail des enfants, par ex) !
• Négociations permanentes sans qu’un terme ne soit jamais fixé, l’objectif étant d’atteindre sur le long terme le libre échange intégral.
• Transparence des décisions des Etats, qui doivent rendre compte à l’OMC de nouvelles lois qui modifieraient les contrats passés en 1994 ou lors des conférences ministérielles ultérieures.
• « Nation la plus favorisée » ou NPF , selon laquelle un pays membre de l’OMC ne peut accorder une faveur à un autre membre sans qu’il l’accorde à tous ; ainsi, les subventions étant concernées par ce dispositif, les subventions versées au cinéma africain doivent l’être aussi à Hollywood !
• Traitement National (TN) : les mêmes décideurs s’engagent à traiter les fournisseurs étrangers au moins aussi bien que les fournisseurs nationaux.
• Accès aux marchés : une instance décisionnelle (Etat, Conseil Général ou Régional, Commune ou Communauté de Communes, par exemple) ne doit limiter ni le nombre de ses fournisseurs ni le montant de leurs investissements ou le volume de leurs transactions (cf marché publics en France mais aussi dans les pays moins développés ..)
• Interdiction (théorique) du dumping : Ceci voudrait dire, par ex, que ne pouvant vendre en dessous des coûts de production, toute aide de l’Etat à des producteurs pour faciliter leurs exportations devrait être interdite. Or, il n’en est rien : cf les aides que les EU d’Amérique accordent à leurs producteurs d’acier ou à leurs agriculteurs; de même pour la PAC dans l’UE.

C’est armés de ces informations historiques et théoriques que nous pouvons aborder la présentation du prochain sommet de l’OMC qui aura lieu à Hong Kong du 13 au 18 décembre 2005, les précédents sommets s’étant tenu tous les 2 ans (à 1997 : Singapour ; à 1999 : Seattle ; 2001 : Doha ; 2003 : Cancun) : tous ces sommets sont en parfaite continuité de logique et d’objectifs par rapport avec ce que je viens de décrire.

La Conférence Ministérielle de Hong Kong :

Les Acteurs :
- les 148 Etats ou groupes d’Etats (ex de l’UE) membres de l’OMC
- les membres observateurs du Conseil Général de l’OMC (ils n’ont aucun pouvoir): Banque mondiale, FMI, Centre du Commerce International (CCI), Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement (CNUSED), ONU, Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), l’Organisation Mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI).
- Malgré le principe de l’OMC selon lequel chaque pays a droit à une voix, les pays voie de développement (PED) n’ont pas tous les moyens humains, techniques et financiers pour se faire représenter aux négociations intermédiaires ; sont donc désavantagés les PED et, plus particulièrement les PMA (les pays moins avancés).
- Les ONG, qui représentent la société civile, n’ont aucune place réservée à l’OMC, même à titre consultatif.
- Les différentes alliances : QUAD ; CAIRNS (dont Australie, Canada, Brésil : pays exportateurs nets de produits agricoles ; partisans d’une + grande libéralisation), G 10 (dont Suisse, Israël, Japon : importateurs nets de produits agricoles et partisans de la multifonctionnalité de l’agriculture), G 20 (dont Inde, Afrique du Sud, Brésil, Chine : groupe à l’origine de l’échec de Cancun : PED exportateurs nets de produits agricoles ; demandent l’application stricte des règles de l’OMC en matière d’interdiction de subvention à l’exportation des produits agricoles), G 33 ( dont Nigeria, Cuba, mais aussi Inde et Afrique du sud : PED revendiquant la sécurité alimentaire, le développment rural et la protection des marchés intérieurs), G90 (dont Maroc, Mali, Burkina Faso, Mauritanie : PMA, pays de l’Union Africaine et des Pays Afrique Caraïbes Pacifique, qui constatent la fin des accords préférentiels avec l’UE, dits accords de Lomé puis de Cotonou).
- Et, au delà de ces alliances, un groupe de 5 (FIPS : Five Interested Parties) créé par l’OMC pour « représenter » les autres pays de leurs groupes respectifs (Australie = Cairns ; Inde et Brésil = G 20 ; UE et EU d’Amérique) lors des négociations permanentes qui s’effectuent au Conseil Général de l’OMC. Le FIPS est de plus en plus contesté parce que les autres pays des groupes respectifs considèrent que leurs prétendus « représentants » ne défendent pas suffisamment leurs intérêts et des groupes comme le G10, non représenté, demandent la disparition du FIPS .
Il est clair que ces divers acteurs ont des intérêts divers, qui sont autant d’éléments d’un puzzle complexe servant ou desservant telle ou telle position dans les négociations en cours.

Les Dossiers :

Quels sont les grands « dossiers » qui sont au menu de Hong Kong
- L’ADPIC ( accord sur le droit de la propriété intellectuelle liée au commerce ) : cet accord concerne surtout les brevets, les droits d’auteur, les marques déposées, le désign industriel, les indications géographiques, le secret commercial. Et il est particulièrement important dans 4 domaines :
- (1) la production et la commercialisation des médicaments, surtout pour les pays du sud affrontés aux pandémies du sida, de la tuberculose et de la mallaria ; l’ADPIC autorise les firmes pharmaceutiques à fixer pour les médicaments essentiels des prix inabordables aux pays du sud, tout en les empêchant de les produire eux-mêmes. N’oublions pas qu’à la veille du sommet de Cancun, avait été signé, quasiment sous la contrainte, un accord sur les médicaments jugés par beaucoup inapplicable car il exige des pays qui veulent produire des médicaments pour soigner à bas prix les pandémies, dont souffrent leurs populations, qu’ils prouvent à l’ORD qu’il existe, chez eux, « une situation d’urgence sanitaire ». C’est sans doute cet accord, quasi imposé aux pays du sud, qui fut le détonateur de leur mécontentement et qui provoqua les 2 Unions du G20 et du G33, qui ont fait échouer le sommet de Cancun de septembre 2003 sur les dossiers agricoles.
- (2) la biopiraterie (des firmes peuvent déposer un brevet lui donnant un droit de propriété exclusive sur une partie d’information génétique détenue jusque là sous une forme collective) ; l’ADPIC permet également la brevetabilité de plantes, semences, savoir-faire ou connaissances relevant du patrimoine commun de l’humanité.
- (3) les brevets sur les cultures alimentaires (de grandes compagnies de biotechnologies comme Monsanto ont utilisé une astuce légale pour détourner les décisions de la Convention Européenne des Brevets de 75 et du Congrès américain interdisant le brevet d’une variété entière de plantes ; ces compagnies contournent cette décision légale en revendiquant le droit de propriété non pas sur des espèces mais sur des gènes).
- (4) toute la question de la diversité culturelle est aussi en cause, notamment pour la production audiovisuelle: avoir à l’esprit que, ces 20 dernières années, le commerce mondial du divertissement est passé de 90 à 395 milliards de dollars et que, dans ce domaine, les EU ont une force de frappe exceptionnelle (80% de la production audiovisuelle).
Etat récent des négociations permanentes :
La réunion de Doha ouvrait, en cas d’urgence sanitaire, la possibilité de fabriquer des médicaments génériques par des licences obligatoires dans les pays qui disposent d’une capacité industrielle dans le secteur pharmaceutique. Elle promet une solution, avant la fin 2002, pour les pays qui ne disposent pas de cette capacité. Les multinationales pharmaceutiques américaines ayant fait pression, avec succès, sur le gouvernement américain pour qu’il revienne sur les termes de cette déclaration, le 20 décembre 2002, M. Supachaï Panitchpakdi, alors directeur général de l’OMC, constate que « les Etats membres de l’OMC ne sont pas parvenus à un accord sur l’accès aux médicaments dans les pays pauvres qui n’ont pas de capacité industrielle. »
L’accès aux médicaments demeure donc un enjeu essentiel de la réunion ministérielle de Hongkong. Quelle est la situation ? L’industrie pharmaceutique veut maintenir le monopole accordé par les brevets ; elle omet d’engager des recherches nouvelles sur les maladies non rentables comme la malaria ou la tuberculose et consacre au marketing et à la publicité des sommes souvent supérieures celles qui vont à la recherche.
S’agissant du traitement antirétroviral (ARV) contre le SIDA, un certain nombre de pays, comme le Brésil, le Zimbabwe, utilisent l’arme des licences obligatoires pour faire baisser les prix. La Malaisie, le Mozambique, la Zambie et l’Indonésie importent des ARV depuis l’Inde, premier producteur mondial de génériques. Mais l’Inde a maintenant, elle aussi, une loi sur les brevets qui laisse craindre que cette source à bas prix ne se tarisse
L’accord temporaire, signé le 30 août 2003 à l’OMC, stipule que pour qu’un pays puisse importer des génériques, il faut deux licences obligatoires : une dans le pays importateur et une dans le pays exportateur. On attend toujours, sauf au Canada, les licences obligatoires des grands pays exportateurs. De plus, les conditions de l’accord sont draconiennes : l’Etat importateur doit notifier à l’OMC le produit voulu, l’entreprise concernée, les quantités désirées. Enfin, voulant vider de sa substance l’accord de 2003, les Etats du Nord multiplient les accords bilatéraux de commerce pour limiter les recours aux génériques.
« Le droit à la santé des citoyens, le droit à la vie est nié. Les médicaments essentiels qui peuvent sauver une vie sont un bien public mondial. Reconnaître cela, c’est poser la seule question qui vaille : un bien public est-il brevetable ? »
Les négociateurs de Hongkong sauront-ils entendre cet appel de German Velasquez (Colombien de 53 ans, qui dirige, au sein de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le programme d’action sur l’accès aux médicaments des pays en développement) ? Il est permis d’en douter. La machine à breveter est devenue folle : elle est passée de l’invention à la découverte, puis de la découverte au « nouveau ».

- L’agriculture : Cas d’école : l’Inde ; c’est l’exemple même d’un grand pays agricole qui pâtit des modalités de fonctionnement du commerce mondial, tel que le permet l’OMC . Ainsi, savez vous que la moitié du milliard d’habitants de l’Inde vit avec moins de 2 dollars par jour alors que, chaque jour, l’UE accorde 2,7 dollars de subvention pour chacune de ses vaches ! A cause de ces subventions de l’UE et des règles de l’OMC, l’Inde a été contrainte de baisser ses propres tarifs et de lever toutes les restrictions quantitatives aux importations. Résultat : entre 1996-97 et 2003-2004, ses importations ont augmenté de 270% en volume et de 300% en valeur ; le prix de la noix s’est effondré ; et ceux du caoutchouc et du café ont fortement diminué ; 18 usines de thé sur les 32 fonctionnant dans l’une des régions productrices de cette denrée ont fermé leurs portes ; dans certains Etats, les plantations de café ont licencié 25% de leurs travailleurs ; plus de 63% des oléagineux sont désormais importés alors qu’il y a 10 ans l’Inde était presque auto suffisante ; en 1999-2000, l’Inde a importé 130000 tonnes de lait écrémé hautement subventionné de l’UE alors qu’elle est le plus gros producteur de lait au monde ; mais les subventions européennes s’élèvent à 5 millions d’euros, soit 10000 fois le salaire moyen d’un petit producteur de lait ; bien que l’Inde est le plus gros producteur de légumes du monde, de 2001-2002 à 2003-2004, les importations de légumes de l’Inde sont passées, avec 2,7 millions de tonnes, de 92,8 millions de roupies à 480 millions de roupies ; et, dans le même temps, un certain nombre de produits importés (pois, pommes de terre, ail, noix de cajou, dattes), pour lesquels ce pays est excédentaire, sont rejetées pour des raisons de barrières non tarifaires. Pour l’Inde donc comme pour les PED, qui disposent d’un « avantage compartif » dans le domaine de la production agricole, importer des denrées alimentaire revient à importer du chômage et à détruire leurs propres cultures vivrières.
Or, que propose l’OMC ? En principe, de puis le traité de Marrakech, 3 dispositifs ont fonctionné : (1) l’accès au marché a eu pour outil la baisse des droits de douane et elle a été drastique (-36% depuis 86-88 pour les pays développés et – 24% pour les PED non PMA en 10 ans) alors que pour la protection alimentaire de ces derniers pays une protection forte pour leurs produits vivriers serait indispensable ; (2) la réduction des soutiens internes (de type PAC) ayant des effets de distorsion des échanges est la politique affichée mais le procédé dits des « boîtes orange, bleue et jaune », qui correspondent, pour les 2 premières, à des aides couplées à la production ou aux surfaces cultivées et, pour la 3°, à des ides découplées de ces mêmes supports de production, a permis, en passant des 2 premières boîtes à la dernière, de continuer à subventionner à l’interne les productions agricoles européennes et, dans le même temps, les Ped, incapables de subventionner leurs agriculteurs, se voyaient imposer, par le FMI ou la Banque Mondiale, de fortes réductions aux protections à l’importation, pourtant seule politique à leur portée ! (3) l’UE et les EU ont détourné la réduction des subventions à l’exportation en augmentant les suventions internes comprises dans les boîtes bleues et vertes. Et ces diverses dispositions ont aussi nui aux petits agriculteurs européens, d’une part parce que les subventions restantes ont surtout profité aux agrandissements (boîte bleue) aux dépens des aides à l’installation : l’Europe des 15 a perdu 1,5 million d’exploitations et 2,4 millions d’emplois. Dans le sud, le cumul de ces politiques déterminées par le libéralisme des organismes internationaux tels que OMC, FMI et banque mondiale, ont déstabilisé les agricultures vivrières du Sud, qui fournissent de 30 à 80% des emplois. Outre les disettes qu’elles ont entrainé, les faillites d’entreprises et le chômage qui en est résulté ont précipité des populations démunies vers les villes, où misère et pandémies les attend dans des mégalopoles toujours plus peuplées !
Certes, l’agriculture ne constitue plus, dans les pays développés, l’essentiel de l’activité économique. Dans l’UE des 25, elle représente 3% des emplois et 2% du PIB (avec 11 millions de salariés) ; au niveau mondial, l’agriculture reste déterminante pour les Ped et les PMA puisque 3 milliards d’humains en vivent (la moitié de la population mondiale). Aussi, , dans le « paquet global » à négocier depuis Doha, n’est-elle qu’une monnaie d’échange : EU et UE surtout s’en servent pour ouvrir davantage d’autres marchés des PED, qui les intéressent en premier chef : les services (75% du PIB) et les produits industriels ou NAMA (non agricultural market access = accès aux marchés non agricoles, qui équivalent à 23% du PIB) ; mais EU et UE n’ont pas la même politique : les premiers jouent la réduction massive des droits de douane, les seconds veulent maintenir des droits suffisants sur les produits bénéficiant d’aides directes : céréales, produits laitiers, viande bovine et sucre) ; d’autre part, subsiste entre eux un différent majeur sur les OGM, les EU espérant parvenir à la condamnation de l’UE sur ce dossier par l’ORD en raison d’un moratoire partiel de l’UE sur ce sujet.
Pour l’UE comme pour le monde, une seul alternative : plaider la souveraineté alimentaire des pays. Celle-ci implique :
- le droit pour chaque pays d’établir sa propre politique agricole et de protéger efficacement son agriculture à l’importation.
- L’interdiction du dumping, c’est à dire de toute exportation en dessous du coût de production total moyen, en prenant en compte les subventions versées en amont sur les intrants et les investissements.
- Le droit à l’alimentation inscrit dans le Pacte international des Nations Unies.
- L’instauration d’une coordination mondiale de la maîtrise de l’offre pour éviter l’effondrement des prix mondiaux.
Tout ceci est incompatible avec les principes de l’OMC (accès au marché) ; pour Via Campesina, qui inclut bien des organisation paysannes dont la Confédération Paysanne, il faut donc sortir l’agriculture de l’OMC !
Etat récent des négociations permanentes :
Lors de la séance plénière de l’ONU du 30 Octobre 2005, divers représentants d’Etats, partie prenante des négociations d’Hong Kong, se sont exprimés :
- « L’agriculture est le moteur du processus des négociations commerciales du Cycle de Doha, qui est censé être le « cycle du développement », a fait valoir le représentant du Mozambique qui, au nom des États membres de la Communauté économique des États d’Afrique australe (SADC), a plaidé en faveur d’un traitement spécial et différencié en faveur des pays en développement et pour la levée des subventions et des quotas commerciaux.
- « Les barrières non tarifaires posées aux exportations des pays du Sud représentent un manque à gagner de 100 milliards de dollars pour les pays en développement, soit près du double de l’aide publique au développement (APD) », avait auparavant fait observer le représentant de l’Inde, avant d’ajouter que la mise en œuvre des principales dispositions de l’agenda de Doha, notamment le traitement préférentiel et différencié et la levée des subventions à la production et l’exportation, générerait 310 milliards de dollars.
- La question des protections que l'UE met en œuvre vis à vis de l'importation des produits agricoles (droits de douane et barrières non tarifaires). est peu abordée. Pourtant, des pressions extrêmement fortes viennent de pays tels que le Brésil, l'Australie et la Nouvelle-Zélande pour supprimer ces protections qui sont encore importantes. Ces pays (et d'autres), sur certains produits agricoles, y ont grand intérêt : ils ont des coûts de production plus bas que ceux de l'UE. l'Union Européenne propose, quant à elle, une réduction des droits de douane concernant ses produits, de 35% à 60%. Ayons pourtant à l’esprit que cette position menace la souveraineté alimentaire de l'UE, ainsi que l'emploi et la vie dans les campagnes et qu’au-delà de l'UE, l'ensemble des membres de l'OMC est tiré, dans les négociations en cours, vers une ouverture aux produits agricoles, menaçant de faillite des centaines de millions de paysans. En effet, si nous devions arriver, à terme, à un tarif douanier proche de zéro sur les produits agricoles, nous abandonnerions définitivement toute possibilité d'un retour au contrôle de l'offre agricole et nous nous installerions définitivement dans une PAC au rabais (à terme renationalisée) dans le cadre du libre-échange mondial. Face à cette ouverture aux vents mondiaux, des aides découplées de la production (communautaires ou nationales, ou les deux) agiraient à la marge comme compensatrices des variations des prix mondiaux, comme limitatrices des dégâts écologiques et comme instrument d'aménagement des territoires. Mais le découplage des aides est peu légitime, très critiqué, et donc à terme menacé.
- Le représentant des États-Unis a pour sa part admis que la réunion ministérielle de Hong Kong devait être l’occasion de conclure les négociations du Cycle de Doha et devait permettre d’abattre le mur qui sépare les pays développés des pays en développement. Cependant, a-t-il insisté, la bonne gouvernance est le fondement sur lequel doivent reposer les échanges commerciaux afin d’être bénéfiques au développement.
- Les mesures protectionnistes mises en place par les pays développés affaiblissent les avantages comparatifs des pays en développement et réduisent l’accès de leurs produits aux marchés du Nord, a souligné, au nom des États du Groupe des 77 et de la Chine, la représentante de la Jamaïque, avant de soutenir le développement croissant des échanges Sud-Sud. Ces échanges ont augmenté de 11% par an depuis 10 ans et représentent aujourd’hui 40% des échanges commerciaux des pays en développement, a indiqué pour sa part le Haut Représentant pour les pays les moins avancés Anwarul Chowdhury, les pays en développement sans littoral et les petits États insulaires en développement, avant de se féliciter que le commerce entre les pays d’Afrique et d’Asie soit passé, en l’espace de 10 ans, de 6 milliards à 18 milliards de dollars par an. Ceci rejoint la position défendue par le Secrétaire général de la Conférence des Nations Unies pour le commerce et le développement, Supachai Panitchpakdi, pour qui le dynamisme et l’expansion du commerce Sud-Sud appellent l’OMC à se pencher sur cette « nouvelle géographie du commerce international ».
- Enfin, l’Association des producteurs de coton africains (APROCA) organisait, du 29 au 31 octobre 2005, un atelier de formation à Ouagadougou. L’atelier visait à doter les représentants des organisations de producteurs africains de coton, des outils nécessaires à mener une campagne de collecte de pétitions efficace. Faire entendre sa voix à travers la société africaine à la sixième conférence ministérielle des pays membres de l’Organisation mondiale du commerce à Hong Kong, est l’objectif visé par l’APROCA en comptant mener une campagne de collecte de pétitions. La campagne de collecte se déroule dans les 13 pays que compte l’association. Ce que veut les militants de l’APOCRA, c’est convaincre leurs concitoyens de rejeter toute forme d’iniquité sur le marché mondial de coton. Pour l’APROCA, l’expression de la société civile africaine est importante car elle traduit son soutien et son adhésion aux revendications, des producteurs africains et peut, dans un monde démocratique, faire appliquer les règles d’un commerce international équitable. Selon le président de l’APROCA, M François Traoré : « Il est légitime que la société civile soit à notre côté pour défendre cette ressource indispensable à nos populations. Le coton en plus de donner du travail à nos familles, constitue le principal moyen pour elles, d’acquérir des ressources financières ». En effet, le coton constitue la principale source de revenu monétaire de plus de 15 millions de producteurs. Il constitue également le principal produit d’exportation de plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest et du Centre. Il génère plus de 30% des recettes des exportations totales et plus de 60% des recettes des exportations agricoles dans les pays de l’Afrique subsaharienne. Du fait des subventions, les gains sur le marché de l’or blanc ont baissé de 14%. Les producteurs à la base sont ceux qui souffrent le plus de cette situation. Face à ce tableau peu reluisant, le directeur général du Commerce et de la Promotion de l’entreprise, M. Sériba Ouattara, représentant le ministre du Commerce, de la promotion de l’entreprise et de l’Artisanat a salué l’engagement des producteurs et exprimé la satisfaction des gouvernements de la sous-région pour leur prise de conscience de renforcer leurs capacités et harmoniser leurs stratégies en vue de mettre fin aux spoliations.
Hong-Kong pose donc deux questions principales en matière agricole :
- veut-on continuer à ruiner l'agriculture du Sud par les subventions aux exportations ?
- veut-on s'interdire tout contrôle de l'offre agricole dans l'UE en supprimant les droits de douane ?

- Les NAMA (Non Agricultural Market Access = accès aux marchés non agricoles) sont basées sur le & 16 de la Déclaration de Doha. Ce texte donne mandat aux participants du cycle de négociation de réduire ou d’éliminer les tarifs douaniers aussi bien que les barrières non douanières (ex des moratoires à l’arrivée de certains produits sur un marché) sur les produits industriels, miniers, et sur les produits de la pêche et de la forêt. Il est certes indiqué que « les besoins particuliers des PED et PMA doivent être pris en compte », mais ne s’agit-il pas là d’une clause de style ?
Imaginez 2 situations :
• Vous vivez au cœur de la forêt amazonienne et vous êtes chassé de chez vous par la déforestation. En effet, une multinationale du contreplaqué a bénéficié d’un accès accru au bois de la forêt grâce aux accords de l’OMC.
• Vous êtes pêcheur en Inde. Mais, depuis 2 ans, une compagnie agro alimentaire a implanté sur votre côte un immense bassin d’aquaculture de crevette. Pour cela, elle a détruit toute la mangrove, à la fois refuge et nursery des poissons. Votre pêche étant de plus en plus bredouille, vous vendez votre barque dans l’espoir de vous faire embaucher dans cette ferme aquatique. Mais celle-ci, très mécanisée, n’embauche pas. Car l’OMC a demandé aux pays développés de baisser leurs droits de douanes sur les crevettes indiennes, et en échange, ceux-ci ont accès à vos ressources côtières.
Ces 2 situations posent le problème des NAMA : D’un point de vue général, les PED, surtout les moins développés, reçoivent une part importante de leurs revenus nationaux des taxes sur les produits à l’importation—en moyenne 40% en Afrique et 50% pour les économies des îles. Ce sont ces revenus qui contribuent aux budgets santé, éducation, etc. Les éliminer, c’est plonger ces pays encore plus profondément dans la misère. D’autre part, tous les pays développés sans exception ont protégé au départ leurs jeunes industries par des barrières tarifaires. On veut interdire aux Sud d’en faire autant. Des industries feront faillite, avec des conséquences évidentes pour l’emploi, le niveau technologique, la possibilité de diversification, etc. ..
Le texte, actuellement sur la table des discussions, est défendu par les pays développés malgré l’opposition des pays en développement. Sur la forme, l’on comprend l’opposition de ces derniers; en effet, une barrière (ou un tarif) douanier est destinée à protéger une industrie locale d’une concurrence étrangère en vue même parfois de la décourager. Les droits de douane ont été beaucoup baissés du fait même des actions successives du GATT puis de l’OMC ; et l’OMC a pour objectif de les éliminer. D’une manière générale, ces droits de douane sont beaucoup moins élevés dans les pays du Nord (de 12,3 à 3,4%) que dans les pays du Sud (entre 29,4% et 12,5%). Toute baisse de ces droits, plus sensible au Sud qu’au Nord amoindrira d’autant les capacités de production et de commerce des pays du Sud par faillites d’entreprises non rentables et chômage de travailleurs déjà peu payés ; ainsi, 50% des entreprises de textile du Kenya ont disparu depuis le 1° janvier 2005 ; et rappelons qu’il y a 2,4 milliards de personnes au travail dans le monde, dont la moitié vivent avec moins de 2 dollars par jour ! Rappelons aussi que 60 millions d’hommes vivent de la forêt dans le Monde et que la forêt a un rôle incontestable d’équilibre écologique (ressources en eau ; poumon de la planète absorbant le CO2, dont les émissions provoquent l’effet de serre …).
Toucher aux Nama par l’intermédiaire des droits de douane a donc pour conséquence immédiate la mise en difficulté d’entreprises et de travailleurs, et tout particulièrement dans les 2 domaines sensibles illustrés plus haut dans ce texte : la pêche et les forêts.
Etat récent des négociations permanentes :
Par rapport à cette question des NAMA, d’autres solutions qu’une baisse uniforme des droits ont été proposées par des pays comme l’Inde ou le Brésil ; en effet, une certaine souplesse dans l’abaissement des droits pourrait être adoptée (formule dite non linéaire) ; d’autres comme les pays des Caraïbes, proposent que soient intégrés dans le calcul de réduction des critères tels que « la protection du système de crédit », « l’économie soutenable », de sorte que l’érosion soit moins forte …
Mais aussi bien les pays développés du Nord que les orientations fondamentales de l’OMC plaident pour une réduction plus drastique des droits de douane qui, selon les dogmes libéraux, en facilitant les échanges, accentueront la croissance et l’allocation de ressources …
Nous sommes donc, avec la question des NAMA, en présence d’une querelle idéologique et de ses conséquences en termes de lutte de catégories sociales ou de pays pour leur suprématie ou leur survie …

L’Accord Général sur le Commerce des Services (AGCS est, bien sûr, au cœur de la prochaine négociation de Hong Kong ! Imaginons donc une séance de négociation à l'OMC sur l'AGCS:
Cela ressemble un peu au jeu des sept familles. Les participants sont 148, un par Etat membre de l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC). Nous sommes à Hong Kong, cité de buildings impressionnants à 2 pas de la Chine !
Le jeu consiste à s'échanger des cartes, à en demander et à en offrir. Chaque carte représente l'un des nombreux "services" apportés ou vendus aux consommateurs de la planète: assurances, audiovisuel, éducation, distribution d'eau, santé, télécommunications, transport, tourisme ou plis postaux … Lorsqu'un pays se défausse d'une carte sur la table de ce casino planétaire, cela signifie qu'il accepte de libéraliser ce secteur, de l'ouvrir à la concurrence des entreprises des 147 autres joueurs.
Le joueur mandaté par l'Union Européenne s'appelle Peter Mandelson. Imaginez le, drapeau européen flottant sur son coin de table, fixant un à un ses interlocuteurs: "Dans la famille distribution d'eau, je voudrais le Canada, la Chine, les Etats-Unis et le Nigeria." Si l'un de ces quatre pays souhaite répondre favorablement, il posera sa carte "distribution d'eau" à la vue de tous. Peter Mandelson se frottera les mains et ne pourra retenir un sourire de satisfaction. Il pense aux PDG de Suez et de Vivendi, les deux groupes européens - français de surcroît - qui détiennent déjà 70% du marché mondial de l'eau. Ils seront ravis de pouvoir conquérir de nouveaux horizons. Imaginez …
Bien qu’il soit un proche de Tony Blair, dont on connaît les penchants atlantistes, le sourire de Peter Mandelson tombe au moment où le joueur états-unien, prend la parole: "Dans la famille "enseignement supérieur", je voudrais le Brésil, l'Inde et l'Union européenne." Harvard installant une université privée en face de la Sorbonne! Une goutte de sueur perle sur le front du négociateur européen. S'il ne lui accorde pas cette carte, l’ultra-libéral porteur de la confiance de Georges Bush refusera sûrement de se débarrasser de celle de l'énergie que Peter Mandelson bien lui demander au prochain tour de table. EDF gérant le réseau électrique de New York vaut bien une succursale d'Harvard face à la Sorbonne. Qu'importent les manifs qui ne manqueront pas d'avoir lieu. Imaginez …
(Adaptation d’un extrait du TC N° 3072 du 4 septembre 2003, page 14, dans l'article "OMC, le dessous des cartes" d'Yvan Du Roy).
Ce « jeu de familles », qu’est l’AGCS est en fait l’un des fleurons de l’OMC. Il en illustre parfaitement l’idéologie libérale.

Pour l’UE, L’AGCS revêt une importance économique majeure; car, à terme, les services représenteront 85% des emplois et, d’ores et déjà, l’UE est le 1° exportateur mondial des services avec plus de 40% des mouvements commerciaux dans ce domaine. Enfin, les Services correspondent à 25% des mouvements commerciaux dans le Monde!
Mais la complexité, la discrétion, voire l'opacité, qui ont entouré les négociations de l'AGCS depuis le sommet de Doha en 2001, rendent difficile sa compréhension par le grand public, voire même par les élus nationaux - et à fortiori locaux -, souvent écartés des procédures de négociations européennes! L'ensemble des domaines de négociation de l'OMC sont particulièrement suivis avec une grande vigilance par les STN, qui n'hésitent pas à pratiquer un lobbying incessant auprès des commissaires politiques européens et des élus du parlement européen! L'AGCS concerne "tous les services, présents et futurs"; ceux-ci sont classés en 12 secteurs, qui sont: les "services aux entreprises, les communications, les travaux publics et "l'ingienierie", la distribution, l'éducation, l'environnement (dont l'eau); les finances, la santé et les services sociaux, le tourisme, les loisirs, la culture et les sports, les transports et une case fourre-tous pour l'instant appelée "autres"! Les services peuvent être fournis de 4 manières appelés "modes": Mode 1- La prestation transfrontière: le service passe la frontière, en partant d'un pays pour être consommé dans un autre pays (ex : la diffusion d'un programme de télévision par satellite, la transmission d'une consultation d'avocat à un client situé à l'étranger par courrier, fax ou mél, l'exécution d'une opération de change par un opérateur londonien pour un épargnant parisien ). Mode 2 - La consommation à l'étranger: le consommateur passe la frontière (ex : le touriste se rend dans un hôtel à l'étranger puis y loue un véhicule ). Mode 3 - L'établissement à l’étranger: le fournisseur passe juridiquement la frontière pour venir investir et s'implanter dans un pays étranger (ex : une compagnie aérienne ouvre un bureau de représentation à l'étranger, une banque ouvre une succursale, une chaîne de coiffure ouvre un salon ). Mode 4 - Le mouvement temporaire de personnes physiques: le fournisseur du service passe la frontière sous forme d'un déplacement physique de personnes, pour une période limitée (ex : la réalisation d'une mission d'audit ou d'expertise, l'envoi d'agents sur un chantier de construction).
Chronologiquement, après l'échec de l'Accord Multilatéral d'Investissement (AMI) en 1998 grâce à la décision du gouvernement Jospin pressé par des organisations citoyennes – l’AMI concernait la libéralisation des investissements -, et après l’échec de l’OMC à Seattle en 1999, il était essentiel, pour cette organisation, que la négociation sur l'AGCS soit lancée au sommet de Doha en novembre 2001! Et selon un calendrier précis, cette procédure devait aboutir à l'application finale des décisions à partir du 1° janvier 95! Dans ce processus, le sommet de Cancun était un moment fort en termes de bilan et de relance éventuels des négociations sur les échanges d’« offres et de demandes » de services entre pays! Mais, pour d'autres raisons que celles de l'AGCS, le sommet de Cancun connut aussi l’échec.
Nous savons maintenant quels sont les "services", qui avaient été proposés à la libéralisation par l'Europe à d’autres pays de l'OMC, y compris du Sud. Il s'agit:
- des services postaux et du courrier
- des services de télécommunication
- des services des bâtiments et travaux publics
- des services de distribution
- des services de l'environnement (notamment le traitement des déchets …)
- services financiers.
Nous savons aussi que, même si la santé, l'enseignement, l'audiovisuel et l'eau sont théoriquement exclus des offres de libéralisation en tant que secteurs, par l'intermédiaire des modalités de fournitures de services 3 et 4, qui concernent la libéralisation de l'investissement étranger et l'accès au marché du travail de travailleurs d'autres pays, ces secteurs sont concernés … Ainsi, examinons quelles seraient les conséquences des différents modes de l’AGCS dans le résultat des négociations: Les modes 1 et 2 n’attirent aucun commentaire particulier. Le mode 3, sur l’investissement, est beaucoup plus dangereux parce qu’il rappelle l’AMI ( accord multilatéral sur l’investissement). L’AMI devait consacrer le pouvoir des investisseurs en leur donnant le droit de poursuivre en justice les Etats qui adopteraient des législations contraires à leurs intérêts. Il a échoué, suite à une mobilisation citoyenne importante. Le mode 4 – Pensez à la directive Bolkestein, qui pourrait éventuellement, malgré une majorité libérale au Parlement européen, être abandonnée par l’UE grâce à un vote du Parlement européen en ce sens et grâce aussi à un accord intervenu entre le SPD et la SDU-SCU en Allemagne, qui prévoirait, semble t’il l’abandon de la clause dite « du pays d’origine » ; cf à ce sujet le compromis qu’aurait obtenu sur ce Evelyne Gebhart, mandatée sur ce sujet par le CDU-CSU – ce mode 4, qui arriverait alors à point nommé non plus à l’échelon européen mais à l’échelon mondial, représente un danger majeur. Il vise le « détachement de migrants temporaires » dans le cadre d’une prestation transfrontalière de services - une firme indienne peut, par exemple, détacher un informaticien en France dans le cadre d’un contrat de travail indien pour une prestation limitée dans le temps (ex d’un informaticien indien dans une Université française) -. Il devient, de fait, une formidable machine à baisser les salaires et les conditions de travail par la mise en concurrence des salariés. La fameuse directive Bolkestein permet, elle, la mobilité, sans limitation de temps, de salariés d’une entreprise ou de simples ressortissants d’un pays de l’Union dans un autre pays de l’Union ; et le salarié est traité selon la législation sociale de son pays d’origine ! Bien sûr, l’objectif de l’institution de l’AGCS n’est pas fixé de manière rigide, car l'intégration des services se fait progressivement entre les membres de l’OMC, cycle de négociations après cycle de négociations. Chaque pays membre fait des demandes de libéralisation aux autres pays membres, qui répondent par des offres qu’ils sont prêts à consentir. Mais une offre, même partielle, doit aboutir à terme à la privatisation totale, les exceptions à l’offre ne pouvant être que temporaires. Et un pays, voulant se retirer d’un engagement de libéralisation, est dans l’obligation de dédommager les autres membres de l’OMC à la hauteur des préjudices subis et sur la base d’une compensation qui se fonde sur le principe de la Nation la Plus Favorisée.
L’on voit bien par ce type de dispositif en quoi, dans le cadre de la libéralisation générale des activités humaines, l’AGCS constitue une menace directe contre les services publics. En effet, si le texte de l’article 1 de l’AGCS est formel - les services fournis dans le cadre gouvernemental sont exclus de l’accord -, c’est uniquement quand ces services ne sont fournis ni sur une base commerciale, ni en concurrence avec un ou plusieurs fournisseurs. Or, dans la plupart des pays, les secteurs publics et privé cohabitent et sont parfois en concurrence (ex de la santé et de l’éducation en France). Les services publics sont donc directement mis en cause. Et, partant de là, ce sont tous les niveaux de décisions politiques qui sont concernés par l’application de l’AGCS : international, européen, national, régional ou provincial, départemental et communal (ex des régies ou des concessions de l’eau, des ordures ménagères, du mobilier urbain, des transports …).
En ce qui concerne l'Union Européenne, c’est elle qui représente l’ensemble des 25 pays de l’espace de l’Union ; de ce fait, elle ne dispose que d’une voix tout comme les États-Unis. La France est donc représentée par l’Union Européenne. Il s'opère donc un va et vient entre l'UE et le gouvernement de chaque Etat membre, qui accepte ou refuse les propositions, qui lui sont soumises. Ces allers et retours aboutissent à un consensus, qui semble être l’élément qui fixe le mandat du commissaire européen.
L’objectif de l’AGCS est donc clair : « parvenir au plus haut niveau de libéralisation possible de tous les secteurs de tous les services » en supprimant « tous les obstacles non nécessaires au commerce » donc de mettre en concurrence et à terme de privatiser tous les fournisseurs de services et tous les services à l’échelle planétaire. Et les termes « obstacles non nécessaires au commerce » sont suffisamment flous pour permettre de donner à l’AGCS un champ d’application très vaste. La levée totale des entraves au commerce international répond totalement aux intérêts des STN. Le marché potentiel est colossal : 3500 milliards de dollars pour la santé, 2000 pour l’éducation, 1000 pour l’eau (selon l’OMC Réf 2003). Les STN américaines et européennes en seront les grandes bénéficiaires.
Imaginons, maintenant, à titre de jeu de l’esprit, quelles seraient les conséquences de l'application de l'AGCS sur l'ensemble des services de notre pays et sur les SP en particulier:
• toute entreprise bénéficiant d'un régime particulier en accord avec les lois d'un Etat apparaît immédiatement comme relevant des sanctions de l'OMC puisque ces réglementations sont immédiatement invoquées comme autant d'obstacles à la concurrence: ex des coopératives et des mutuelles d'une part, ainsi que les associations recevant des subventions d'autre part …
• dans le domaine social du travail, le SMIC est répertorié comme obstacle au commerce! La Sécu parce que ne remboursant que les soins dispensés sur le territoire national! Les limitations de redevances d'eau, d'électricité, de gaz pour les familles nécessiteuses sont directement menacées! La Médecine du Travail, les quotas d'emploi de personnes handicapées, les prud'hommes sont autant d'entraves à la possibilité de fixer des prix sans entraves! De même pour les diplômes, les normes de qualification, les statuts professionnels, qui encadrent les conventions collectives! Les lois informatiques sur la protection de la vie privée! Enfin, toutes les dispositions réglementaires et fiscales, qui garantissent un accès universel à une service (ex des villages enclavés) et la péréquation tarifaire des SP!
• Dans le domaine de l'environnement, mêmes objections à toute entrave réglementaire au commerce: ainsi des lois de protection des nappes phréatiques ou de protection des espaces naturels … ex de l'UE qui a demandé au Mexique et au Brésil l'abrogation de leurs lois sur la protection des littoraux et des nappes phréatiques, afin de permettre le pompage de ces nappes sans contraintes, comme c'est déjà le cas parfois pour le pétrole!
Et l'on pourrait poursuivre …

L’on peut maintenant imaginer que ceux qui dénoncent l’AGCS sont très nombreux. Il leur apparaît en effet insupportable que :
- des biens communs à l'Humanité, comme l'eau, puisse être jetés en pâture aux marchands, plus préoccupés par leurs profits que par l'impact que ces biens ont sur l'environnement et par les conséquences sociales qui en découlent…
- que cet accord, qui aura des conséquences lourdes sur notre vie de tous les jours, puisse être négocié, au niveau de l'Europe, par des instances non élues et dans le plus grand secret .
- que disparaissent les services publics ou qu'ils soient réduits à la portion congrue, instaurant une société à deux vitesses.
Etat récent des négociations permanentes sur l’AGCS :
D’Après Susan George, le 22 novembre 2005 : Depuis quelques semaines le Commissaire européen Peter Mandelson a precisé sa demande dite de « benchmarking » auprès des autres membres de l’OMC en ce qui concerne les services. Non seulement, il rompt avec la méthode de négociations de l’AGCS dite des « listes positives » [l’on n’ouvre aux entreprises des autres pays-membres que les services que l’on choisit, dans les modes de fourniture 1,2,3 ou 4 que l’on choisit également] mais il fixe aussi des seuils pour le nombre de services qui doivent être obligatoirement ouverts [« engagés »] par les uns et par les autres.
L’AGCS compte 12 grands secteurs et 163 sous-secteurs [par exemple dans le secteur Education, les sous-secteurs Education primaire, secondaire....]. Mandelson demande que les pays développés ouvrent 139 sous-secteurs (il y en aurait été ouvert 120 en 1995)-, soit 85% du total des 163 ; que les pays en développement ouvrent les deux-tiers du nombre demandé aux pays développés, soit 93 sur 163 sous-secteurs (ce qui, pour eux, serait énorme compte tenu du « peu » de services et sous-services jusqu’alors libéralisés dans ces pays ; de ce fait, ce serait un véritable « rapt » sur les services du sud qu’effectueraient les pays du Nord, ce qui empêcherait ces pays d’établir une certaine égalité de traitement des services pour leurs populations, surtout les plus pauvres !); qu’enfin les pays les moins avancés [à peine 1% du commerce mondial, ils ne comptent pas] fassent ce qu’ils peuvent. Puisque les pays-membres ont encore le « choix » des services qu’ils acceptent d’ouvrir parmi les 163, le Commissaire prétend qu’il ne rompt pas radicalement avec les modalités de négociation des listes positives, mises en oeuvre jusqu’ici. Il y a, au contraire, clairement rupture et ceci sans consultation ni consensus. Il s’agit d’une tentative de coup de force..
Il n’est pas dit, toutefois, que cette proposition soit entérinée. Quatorze pays en développement ont déjà pris position contre elle, mais comme les négociations de Hong Kong doivent aboutir a un engagement unique [rien n’est signé tant que tout n’est pas signé], on ne sait pas ce qui pourrait être accepté en échange d’autre chose, par exemple en échange de concessions dans le domaine agricole. Tout demeure donc possible et les pays du Sud pourraient encore céder..
Le fait que Peter Mandelson ait pu mettre en avant cette proposition sur l’AGCS suppose que la France l’ait acceptée, comme d’ailleurs les 24 autres gouvernements de l’UE. Notre pays « couvre » ainsi une proposition destructrice à la fois pour le Nord et pour le Sud. Le Sud, à travers les multiples plans néo-liberaux dits « d’ajustement structurel », a dû déjà « ouvrir » la plupart des services publics à la privatisation et aux entreprises étrangères. Le Nord pourra-t-il conserver les siens ? Serait-il possible d’ouvrir les 139 sous-secteurs canoniques de Mandelson sans toucher aux services publics ? Comment un pays européen membre de l’OMC pourrait-il promettre a sa population de sauvegarder tel ou tel service alors qu’il faudrait atteindre le « quota » de 139 ? Quels seraient les 24 sous-secteurs de services sur 163, que l’on pourrait sauver de la commercialisation et qui les choisirait? Faudrait-il que tous les 25 pays de l’UE soient d’accord pour sauvegarder les mêmes sous-secteurs ? Voilà des questions auxquelles nous n’avons pas de réponses, actuellement.
De manière plus générale, ce que l’on sait des négociations permanentes dans le FIPS nous indique qu’en signe de bonne volonté, Américains et Européens ont confirmé qu'ils acceptaient comme base de leurs discussions une proposition des pays émergents du G20 (Brésil, Chine, Inde...) visant à réduire les droits de douane sur les produits agricoles. En contrepartie, le Brésil et l'Inde ont accepté d'activer les discussions sur l'ouverture du marché des services. La "Bande des Quatre" (QUAD), comme les surnomme le patron de l'OMC Pascal Lamy, a ainsi décidé de mettre en place un noyau dur de pays pour redynamiser les négociations sur les services. "Nous n'arriverons à rien à Hong Kong si nous n'avançons pas de manière déterminante dans les négociations sur les produits manufacturés et les services", a averti M. Peter Mandelson. Et M. Amorim (ministre brésilien du commerce) a rappelé que des concessions sur le commerce des services dépendaient des progrès obtenus sur l'agriculture, mais noté que beaucoup de pays membres n'ont toujours pas déposé d'offre dans le domaine des services. Les négociations devront "mettre l'accent sur les services qui intéressent les pays en développement", a-t-il ajouté.

En ce qui concerne la conférence ministérielle de l’OMC à Hong Kong, nous pouvons envisager de conclure notre propos en indiquant quels en sont les enjeux.
La grande diversité des sujets traités et l’imbrication des différents dossiers (agriculture, ADPIC, NEMA) font des négociations un grand marchandage. Globalement, réussir le sommet de Hong Kong pour l’OMC, c’est donc déterminer les pays du Sud d’entrer dans le marchandage général, tout étant négociable et toute combinaison d’échanges étant possible ; ex : levée de subventions agricoles (totale ou partielle ou échelonnée dans le temps ?) contre AGCS, au moins dans l’un de ses modes (ex de l’éventuelle acceptation du seul mode 4 par l’Inde, le Pakistan, le Bangladesch et l’Indonésie …)
A Hong Kong, donc, les perspectives de réussite ou d’échec de cette conférence sont importantes :
- Mais aucun pays n’est prêt à porter la responsabilité d’un nouvel échec.
- Les pays industrialisés, et surtout la Commission européenne particulièrement active, veulent protéger l’OMC des effets d’un nouvel échec.
- Des éléments de convergence existent, mais les causes de blocage durable sont très importantes.
L’un des scénarios possibles pourrait être celui d’un accord minimal permettant la poursuite de la négociation finale du programme de Doha, prévue pour fin 2006. La logique, qui détermine les négociations actuellement en cours, privilégie alors un marchandage autour de la diminution des subventions agricoles contre la simple ouverture du marché des services.
L’OMC ne pouvant se permettre un nouvel échec après ceux de Seattle en 1999 et de Cancun en 2003, l’on peut aussi compter sur Pascal Lamy, nouveau directeur général de l’OMC, pour user de son expérience et de sa force de négociateur pour parvenir à un accord à Hong-Kong : il l’a d’ailleurs rappelé lors de la réunion du Comité des Négociations commerciales de l’OMC du 14 septembre, qu’il présidait : il faut remplir l’intégralité du contrat fixé à Doha et d’ici 2006, date limite prévue! Et diviser comme trouver des arguments contraignants font partie des instruments que Pascal Lamy sait utiliser ! Bien sûr, malgré les énormes pressions exercées par le Nord vers le Sud lors des nombreuses réunions préparatoires au sommet de Hong-Kong, la partie reste encore ouverte, mais les enjeux de pouvoir sont tels qu’un échec de l’OMC à Hong-Kong signerait probablement son déclin institutionnel ! Alors, le grand marchandage va commencer. Mais le Nord peut il faire des propositions suffisamment alléchantes pour amoindrir les réserves de fond, voire l’hostilité du Sud vis à vis du Nord ? Réserves et hostilité, qui dépassent largement les négociations commerciales ! Car les pays du Sud, qui n’ont jusqu’alors rien gagné dans le jeu du libre-échange mais qui ne peuvent se placer hors du jeu des échanges commerciaux de l’OMC s’ils veulent se développer, ces mêmes pays savent bien que l’enjeu est plus global ! Ils ont bien mesuré qu’au delà des négociations commerciales c’est de la domination du Monde qu’il s’agit ! Car « ouvrir leurs marchés », c’est permettre à ceux qui ont quelque chose à exporter de les envahir toujours plus de leurs produits au détriment de leurs propres productions locales ; ils vérifient donc, tous les jours, que « ceux qui ont besoin le plus sont en fait ceux qui perdent le plus » (citation de Carin Smaller, de l’Institute for Agriculture and tade Policy) ! Ils savent aussi qu’ils perdront, après la maîtrise de leurs marchés, le bénéfice politique de l’émancipation issue de la décolonisation ! Car « accroître le libre échange », c’est permettre aux STN, qui contrôlent déjà économiquement et donc politiquement les pays du Nord, de développer toujours plus leur « force de frappe » financière sur l’ensemble de la planète! Ainsi, grâce aux règles de l’OMC, qui visent à restreindre le pouvoir des Etats au contrôle de leur sécurité, donneront-ils à ces mêmes multinationales un pouvoir suffisant pour supprimer leur souveraineté !

Alors, que faire ?

CE QUE NOUS VOULONS !

Les échanges internationaux, quelle que soit leur nature ne sont intrinsèquement ni bons ni mauvais. Ce sont des outils . Ils doivent être mis au service d’objectifs économiques, sociaux et environnementaux définis démocratiquement en fonction de chaque situation. Il s’agit donc de renverser la dynamique actuelle et de faire de l’organisation de ces échanges un outil de développement et non d’asservissement. Aussi :
- La protection des économies et des sociétés doit être reconnu comme un droit légitime des gouvernements
- Les gouvernements doivent retrouver leur capacité de mener des politiques conformes aux intérêts de leurs populations en contrôlant les flux commerciaux et en participant à la régulation des échanges internationaux et des mouvements de capitaux pour ne pas servir en premier lieu les intérêts des multinationales. Or, ce principe est incompatible avec le fonctionnement actuel de l’OMC et d’autres organisations internationales comme le FMI
- Il est souhaitable de favoriser en priorité les échanges sur une base régionale entre pays voisins et similaires, ce qui, corrélativement, limiterait les transports incessants d’un point du globe à l’autre (par l’air, la mer et la route).
- Les échanges nord-sud doivent être organisés sur de nouvelles bases. Il est urgent de mettre en place un système de stabilisation des prix des matières premières pour lutter contre la paupérisation des pays du sud. Il est également urgent de réformer le système monétaire international pour garantir une plus grande stabilité et équité des taux de change.
- L’organisation des échanges internationaux doit être subordonnée à une autre conception de la mondialisation : écologique solidaire et émancipatrice.

CE QU’ATTAC EXIGE !

- Un moratoire sur toute négociation qui renforcerait le libre-échange et donc un moratoire sur les négociations de l’AGCS.
- La réalisation d’une évaluation des résultats des politiques de l’OMC, de ses règles et pratiques avec la pleine participation des mouvements citoyens.
- Le refus de toute négociation qui étendrait les pouvoirs et les domaines de compétences de l’OMC.
- La subordination de l’OMC aux chartes internationales telle la Déclaration des Droits de l’Homme et aux conventions internationales relatives aux question sociales, sanitaires environnementales et culturelles.
- Le retrait du domaine de compétence de l’AGCS des secteurs essentiels ou biens communs que sont l’eau, la santé, l’éducation, la culture, l’audiovisuel, les services de communication, les transports, le logement, l’énergie.
- L’abrogation de l’article 1-3 c de l’AGCS qui limite les services publics à ceux fournis gratuitement et sans concurrence .
- Le respect systématique du principe de précaution en matière d’environnement, de santé publique et d’alimentation.
- L’interdiction du brevet sur le vivant : plantes, animaux, micro-organismes et gènes.
- L’accès effectif de l’ensemble de l’humanité aux médicaments.
- Le droit des pays et des macros régions à assurer leur souveraineté et leur sécurité alimentaires et à protéger leur agriculture paysanne.
- La redéfinition du mandat de négociation de la commission européenne

LES ACTIONS

Collectivités locales hors AGCS :
Cette action a été lancée en France en 2002. Elle visait à atteindre 100 puis 500 communes. Aujourd’hui, en France, ce sont près de 750 collectivités locales qui se sont déclarées « zone hors AGCS » ou demande un moratoire sur les négociations en cours :
- 18 conseils régionaux,
- 28 conseils généraux
- 28 villes préfectures ou sous préfectures dont Paris et Vendôme.
- des centaines de communes de plus ou moins grande importance (Molineuf dans notre département).
Cette campagne se mène également sur le plan international. Il est difficile d’obtenir une liste des communes relayant cette action mais on peut citer Vancouver, Toronto, Québec, Montréal ( et plus d’un cinquantaine de communes québécoises), Manchester, Oxford, Melbourne, Vienne ( près de 300 communes en Autriche), Genève, Fribourg ( et près de 70 communes suisses), Liège, Namur, Mons, Gênes, Turin…
Toutes les collectivités locales sont invitées à apposer ce logo pour afficher clairement leur opposition à cet accord.

OMC 10 ans ça suffit !
C’est une campagne associant plus d’une vingtaine d’associations et de syndicats.
Elle invite les citoyens à se mobiliser pour protester contre la conférence ministérielle et les diverses réunions préparatoires.
Il s’agit essentiellement de donner la plus grande publicité à l’AGCS en organisant notamment en sollicitant les élus et en organisant et en participant à l’une des 100 conférences qui auront lieu en France dans la 2ème quinzaine de novembre.

Le Monde n’est pas à vendre ! alors, citoyennes, citoyens, laisserons nous mourir le Monde ?

GLOSSAIRE
Accords de Bretton Woods : Accords passés entre 45 Etats en juillet 1944 dont l'objectif était la reconstruction de l'Europe au lendemain de la guerre et le règlement des problèmes monétaires (dont l'instabilité des taux de change et les pratiques commerciales protectionnistes). Cet accord a créé un nouveau système monétaire international reposant sur la convertibilité des devises, la stabilité des taux de change et le libre-échange. Pour atteindre ces objectifs, deux organismes ont été créés : le FMI et la Banque mondiale.
ADPIC : Accord sur les droits de propriété intellectuelle liés au commerce

AGCS : Accord général sur le commerce des services

ALENA ( ou NAFTA) : accord de libre échange nord américain

Banque mondiale : Créée par les Accords de Bretton Woods, elle avait pour objet la re-construction de l'Europe. Ses missions se sont élargies. Elle possède un capital apporté par les pays membres et emprunte sur les marchés internationaux de capitaux. Elle finance aujourd'hui des projets sectoriels, publics ou privés, à destination des pays du tiers monde et des pays de l'Est. Elle a trois filiales : la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD), l'Association internationale pour le développement (AID) et la Société financière internationale (SFI). Face à l'accroissement de l'endettement des pays du Sud, elle a développé, avec le FMI, des politiques macro-économiques visant à équilibrer la balance des paiements des pays endettés en encourageant la réduction des déficits budgétaires, en mobilisant l'épargne interne, en encourageant les politiques d'exportation...

CYCLE DE DOHA : nouveau cycle de négociations démarré à la conférence interministérielle de Doha au Katar en 2001. Il fixe de nouveaux objectifs pour des négociations globales. Il est aussi appelé « cycle du millénaire » ou « cycle du développement »
FMI : Fonds monétaire international / IMF International Monetary Fund. Créé par les accords de Bretton Woods pour défendre le nouveau système de changes fixes, le FMI est devenu aujourd’hui le gendarme et le pompier du capitalisme mondialisé. Il impose des programmes d’ajustements structurels et intervient financièrement pour renflouer les Etats victimes de crises financières. Il est chargé de faciliter la coopération monétaire internationale, faciliter l’expansion et l’accroissement harmonieux du commerce interna-tional, promouvoir la stabilité des changes, aider à établir un système multilatéral de règlement des transactions courantes entre les Etats membres…
GROUPE DE CAIRNS : pays exportateurs de produits agricoles qui n’accordent ni aides internes ni subventions à l’exportation.

G 10 : groupe des pays développés importateurs nets de produits agricoles : Bulgarie, Corée, Islande, Israël, Japon, Liechtenstein, Maurice, Norvège, Suisse et Chine-Taiwan

G 20 : Groupe de 20 pays créé à la veille de la conférence de Cancun pour empêcher un accord préalable intervenu entre l’UE et les USA : Afrique du Sud, Argentine, Bolivie, Brésil, Chili, Chine, Cuba, Egypte, Guatemala, Inde, Indonésie, Mexique, Nigeria, Pakistan, Paraguay, Philippines, Tanzanie, Thaïlande, Venezuela, Zimbabwe.

G 33 : groupe d’environ 40 pays en développement qui se préoccupe de la protection de leur marché intérieur et de leur petite paysannerie.

G 90 : groupe des pays les moins avancés ( pays de l’Union Africaine et les pays de l’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique )

OMC : Organisation mondiale du commerce

PMA : pays les moins avancés

NAMA ( non agricultural market access ) : accès aux marchés non agricoles

NCM : négociation commerciales multilatérales

NPF : nation la plus favorisée

PEV : pays en développement

ORD : organe de règlement des différents. Véritable tribunal de l’OMC chargé de faire respecter les accords.

QUAD ( le quadripartite ) : groupe des 4 pays menant les négociations préparatoires : Japon, Canada, Etats Unis et Union Européenne

STN : sociétés transnationales.
Il y a dans le monde, selon la CNUCED, 60.000 entreprises installées dans plusieurs Etats. Elles disposeraient au total d’un demi million de filiales. Les 200 plus grandes de ces grandes entreprises (qui demeurent en règle générale liées à leur Etat d’origine, raison pour laquelle il est préférable de parler de transnationales plutôt que de multinationales) contrôlent le quart de l’activité économique mondiale.

Quelques déclarations…

« Je définirais la mondialisation comme la liberté pour mon groupe d’investir où il veut, pour produire ce qu’il veut, en s’approvisionnant où il veut et en ayant le moins de contraintes possibles en matière de droit du travail et de conventions sociales »
P BARNEVIK, PDG de Asean Boveri

« Il y a beaucoup de façons de parler de la télévision. Mais dans une perspective « business », soyons réaliste : à la base, le métier de TF, c’est d’aider Coca Cola par exemple à vendre son produit …
Or pour qu’un message publicitaire soit perçu, il faut que le cerveau du téléspectateur soit disponible. Nos émissions ont pour vocation de le rendre disponible : c’est à dire de le divertir, de le détendre pour le préparer entre deux messages. Ce que nous vendons à Coca Cola, c’est du temps de cerveau humain disponible… »
P LE LAY , PDG de TF1

« Je doute que les gouvernements aient encore apprécié toute l’étendue de leurs engagements »
R RUGGIERO, Directeur général de l’OMC en 1998

« L’AGCS n’est pas seulement un accord entre gouvernements, c’est avant tout un instrument au bénéfice des milieux d’affaires »
Commission européenne, juillet 2000

« Faites ce que vous pouvez, avec ce que vous avez, là où vous êtes »
Théodore ROOSEVELT

« Ceux qui ont besoin le plus besoin sont en fait ceux qui perdent le plus »
Carin SMALLER, Institute for Agriculture and Trade
“Il n’y a point d’assujettissement si parfait que celui qui garde l’apparence de la liberté » Jean-.Jacques ROUSSEAU
Albert Richez
Membre du Conseil Scientifique d’ATTAC France.