Introduction : « L’Europe a un problème avec ses peuples » ; elle se construit sans eux : seul le Traité de Maastricht a été ratifié par le peuple français à 51%, le TCE de 2005 étant un projet de Constitution ; en France, un seul élargissement, celui de 1973 avec la Grande Bretagne, l’Irlande et le Danemark, a été soumis à référendum, les autres modifications fondamentales se sont effectuées sans lui (Acte unique ; Traités d’Amsterdam et de Nice…) ; dans d’autres pays, il est même arrivé que l’on refasse revoter, après un référendum négatif, le même texte à grand renfort de propagande (traité de Nice en Irlande, par exemple); cette formule ayant toutes chances d’échouer, cette fois en France, le président de la République Française se rend coupable d’un double déni de démocratie : (1) un « mini traité » strictement institutionnel (partie 1 du TCE) nous est annoncé ; de ce fait, il n’aurait plus besoin d’un référendum puisque la partie 3, estimée cause du rejet de 2005, n’y figure plus; (2) le « Mini Traité » étant l’amorce d’un Vrai Traité, il est aussi complexe et volumineux que le TCE, dont il intègre les parties incriminées lors des 2 référendum(s) « perdus » de 2005. Est-ce ainsi que l’Union européenne (UE) rendra citoyens d’Europe les européens ? Aux élections des « euro députés » de 2004, 220 millions d’électeurs européens sur 375 millions d’inscrits ne s’étaient pas déplacés aux urnes ; combien d’européens se déplaceront pour les prochaines élections de 2009 ? Véritable texte fondamental pour l’Europe, choix économique, choix politique : voilà de ce dont il est question dans le nouveau texte, que l’on veut soustraire à notre arbitrage : comme citoyens européens, nous laisserons nous faire ?
1° Partie : Un rapide point d’Histoire : Après un « galop d’essai » de 1950 à 1957, le traité de Rome institue les Communautés Européennes en 1957 (appelé dans le nouveau projet de Traité « TFUE » : Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne) ; à l’époque, l’Europe était conçue pour entériner ou construire pragmatiquement, secteur par secteur (Charbon-acier - 52 ; transports - 53; agriculture – 54 ; énergie atomique – 57) l’existence de communautés; après la CECA intervenue dès 52, seuls finalement 6 pays mettent en place, 2 autres communautés lors du Traité de Rome : la communauté économique européenne (CEE) et la communauté européenne de l’énergie atomique (Euratom); il s’agissait de « réalisations concrètes, créant d’abord une solidarité de fait » et faisant progressivement sa place à la supranationalité. Deux grandes projets d’Europe se faisaient face: celle des « socialistes », pour lesquels l’intégration économique créerait, par effet d’engrenage, l’intégration politique ; et celle des « libéraux » pour qui le grand marché enclencherait, toujours par engrenage, une marche accélérée vers l’Europe de la concurrence. Dans les 2 cas, l’économique était premier : pas d’idée de Constituante ; et, pour les uns comme pour les autres, en pleine « guerre froide », l’Europe se plaçait sous la protection de l’OTAN. Après l’Acte Unique (1986 : libre circulation des marchandises et des capitaux) et le traité de Maastricht (BCE indépendante des Etats ; monnaie unique ; définition des critères de déficit public), l’UE concrétisait le projet libéral ; en 1997, s’il accroît les pouvoirs du Parlement, le Traité d’Amsterdam confirme celui de Maastricht en accentuant ses effets, puisqu’un Pacte de Stabilité (sans référence à la croissance et à l’emploi) définit l’unique mission de la BCE : la lutte contre l’inflation ; en 2000, le Traité de Nice institue des minorités de blocage due aux effets du système de votes à majorité qualifiée combinant la majorité des Etats membres (55%) et un ratio de 65% des populations européennes. Et le pouvoir des Etats et de l’Union se réduit, notamment en économie ! C’est donc au nom de cette situation institutionnelle réputée « difficile » , qu’est préparée, par une Convention et non par une Constituante, le projet de Constitution de 2005 (appelée dans le « Mini Traité » « Traité établissant une Constitution pour l’Europe » : TCE, le « Mini-Traité » étant appelé, quant à lui TUE : Traité sur l’Union européenne). Ce Traité de 2005, « valant constitution pour l’UE » récapitule les dispositions libérales économiques des précédents traités (partie 3) ; il tente, dans sa partie I, quelques avancées institutionnelles tout en s’articulant avec sa finalité libérale développée dans sa partie 3 ; ainsi, s’il propose, par ex, une présidence de l’UE de 2 ans et demie et la création d’un poste de ministre des affaires étrangères européen, dès l’article I-3, &2, il est indiqué que « L’Union offre à ses citoyens un espace de liberté, de sécurité et de justice sans frontières intérieures, et un marché intérieur où la concurrence est libre et non faussée » ; en I-30, il fixe le statut et la mission exclusive de la BCE en matière de maîtrise de l’inflation ; en I-53, il indique que le budget européen « doit être équilibré en recettes et en dépenses » interdisant tout emprunt en vue de l’investissement, la partie I s’articulant donc avec l’orientation libérale économique de la partie III. Il est bien question, dans la partie 2 d’une Charte des Droits Fondamentaux, mais celle-ci ne reprend pas les Droits institués dans les Etats les plus « avancés » sur le plan social et, surtout, elle ne s’impose pas au Droit des Etats. Enfin, dans la partie 4 intitulée « dispositions générales et finales », est instituée, tout à la fois, un prétendu droit de pétition donnant à 1 million de citoyens la possibilité de faire des propositions à la commission, qui doivent respecter le droit de l’Union, et la règle de l’unanimité des Etats pour modifier cette Constitution.
C’est cette Constitution, qui fut rejetée en 2005 par 54,7% des Français et 61,5% des néerlandais pour 3 raisons essentielles :
- Précaution sociale : nombre d’Européens étant attachés aux Services Publics, à la solidarité, à la justice sociale, et au partage des richesses, ne croient majoritairement plus aux « réformes » néo libérales préconisées par Bruxelles.
- Précaution démocratique : la confiance des européens chute vis à vis du système politique actuel, du mode de construction de l’UE et de toutes les institutions européennes.
- Désir, enfin, d’une Europe des citoyens : ceux-ci veulent être, protégés de tout hégémonisme, y compris américain ; ils désirent une Europe, qui soit un modèle économique et social et qui mène la politique voulue par la majorité de ses citoyens.
Alors, accusés de « Moutons noirs », les citoyens Français « nonnistes » auraient « bloqué l’Europe » ! D’où la fièvre des « politiques », dits responsables, pour trouver une solution destinée à « faire de nouveau avancer l’Europe ». C’est de cette fièvre qu’est née l’idée du Traité sur l’Union européenne (TUE ou Traité Modificatif Européen : TME), imaginé à partir de la modification du TCE lors de la Conférence Intergouvernementale du 27 Juillet 2007 et signé à Lisbonne par les Chefs d’Etats et de Gouvernements des 27 pays composant l’UE actuelle. L’on trouve la version de ce projet de traité sur Internet à : www.consilium.europa.eu. Il est la synthèse de tous les précédents textes institutionnels de l’UE (traités de Rome, Maastricht, Amsterdam, Nice, projet de constitution de 2005). Finalement, le TUE est une véritable Constitution : « Le fait que le principe de primauté ne soit pas inscrit dans le futur traité ne modifie en rien l’existence de ce principe, ni la jurisprudence en vigueur de la Cour de justice », affirme avec raison un avis du service juridique du Conseil repris dans la déclaration additive n° 27. Qu’on les pare ou non des oripeaux d’une Constitution, les traités européens constituent la loi fondamentale commune à toutes les institutions européennes, mais aussi à tous les États membres. L’article 1-54 du TUE donne d’ailleurs « la personnalité juridique » à l’Union, lui permettant d’exister sur la scène internationale, en lieu et place des États membres, et de conclure des traités dans le champ de ses compétences. « On avance encore dans la constitutionnalisation des traités sans Constitution », se félicitait Mario Telô, président de l’Institut d’études européennes de l’Université libre de Bruxelles, le 9 juillet dans « le Soir ».
Sur le plan institutionnel, le TME reprend donc toutes les innovations du TCE :
- la création d’un poste de président du Conseil européen pour un mandat de 2 ans et demi renouvelable une fois, au lieu d’une présidence tournante semestrielle ;
- la création d’une nouvelle fonction de haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité ;
- la réduction du nombre de commissaires à deux tiers du nombre des États membres et le renforcement du rôle du président de la Commission ;
- l’instauration du système de vote au Conseil à la double majorité (55 % des États représentant 65 % de la population de l’UE) ;
- l’extension du champ des décisions prises à la majorité qualifiée à une quarantaine de nouveaux domaines, et principalement sur la coopération judiciaire et policière ;
- l’extension des domaines où s’applique la codécision (Parlement européen et Conseil) aux questions de justice, de sécurité et d’immigration légale ;
- la possibilité pour les parlements nationaux de demander à la Commission de revoir une proposition s’ils jugent qu’elle empiète sur leurs compétences...
Et, dans l’article 1-1, il ajoute au préambule du TUE un point fondamental relatif aux « héritages culturels, religieux et humanistes », plaçant la construction européenne dans une filiation identitaire, qui inclut le « religieux », rejeté comme tel dans le TCE.
2° Partie : Alors, aujourd’hui, que va t’il se passer ?
Dans 26 pays de l’Union européenne, ce projet sera soumis au vote des Parlementaires, l’Irlande étant seule obligée de soumettre constitutionnellement le texte à un référendum.
En France, après avis du Conseil Constitutionnel sur la constitutionnalité du projet de Traité, l’adoption du TUE par le Congrès exige le changement de l’article 88-1 de la Constitution Française, ce qui nécessite le vote de 3/5° des 2 Chambres réunies en Congrès ; dans cet article de la Constitution, il est dit : « La République participe aux Communautés européennes et à l’Union européenne, constituée d’Etats qui ont choisi librement, en vertu des traités qui les ont institués, d’exercer en commun certaines de leurs compétences. Elle peut participer à l’Union européenne dans les conditions prévues par le traité établissant une Constitution pour l’Europe signé le 29 Octobre 2004 ». Pour faire passer le vote du TUE par voie parlementaire, il faut supprimer cette 2° phrase de l’article 88-1. Avant de voter le Traité, il faut donc passer par 2 phases :
- la 1° phase commence le 14 janvier à l’Assemblée Nationale et passe ensuite au Sénat le 28 janvier pour s’achever, le 4 Février, au Congrès.
- Le vote du texte signé à Lisbonne le 13 Décembre 2007, soit par les Chambres parlementaires, soit par référendum, est ensuite déterminé par le résultat du scrutin des Grands Electeurs au Congrès. Si 2/5 ou plus des grands électeurs s’opposent à l’adoption du TUE par les Assemblées, Nicolas Sarkozy est obligé de le soumettre aux citoyens par voir référendaire.
Et, à supposer que le texte soit adopté en France, il faut ensuite qu’il le soit dans les 26 autres pays , où nous savons que, là aussi, des protestations s’élèvent pour obtenir un référendum
Ce n’est qu’ensuite, en cas de vote favorable en faveur du TUE par la totalité des 27 pays de l’Union Européenne (UE) que le traité lui-même sera rédigé par 12 Sages simplement cooptés . L’orientation de ce traité respecterait, bien sûr, l’orientation libérale de l’épure du Traité.
Face à cette situation, la question se pose de savoir si les citoyens français et néerlandais ont été « entendus » après les résultats négatifs de leurs référendums successifs ?
3° Partie : Qu’est devenu le projet de Constitution de l’UE dans sa nouvelle mouture (TUE ou Traité Européen Modifié : TME) :
Sur la Forme : (a) S’agit-il d’un Mini Traité ? (b) Permet-il, enfin, l’éclosion d’une Europe des Citoyens ?
(a) D’un point de vue formel, il ne s’agit pas d’un « mini traité » : Le corps du traité comporte 152 pages, auxquelles il convient d’ajouter un préambule (2 pages), 13 protocoles additionnels (77 pages), 68 déclarations (28 pages). Le TME réécrit presque intégralement la Constitution pour l’Union européenne (TCE) ; il modifie totalement plus d’un tiers des 314 articles du Traité instituant la Communauté européenne (traité de Rome ou TFUE). Il ne s’agit donc pas d’un texte s’attachant à fonder des points institutionnels de l’ancienne partie I, comme l’avait indiqué, lors de sa campagne, Nicolas Sarkozy, à supposer que, contrairement à ce que j’ai démontré, cette partie ne soit qu’institutionnelle. Ce n’est pas non plus un « traité simplifié » : le TME ne compte que 7 articles. Mais le premier, qui s’étend sur 38 pages, comprend 62 points qui constituent au moins autant de modifications du TCE puisque certains points sont eux-mêmes subdivisés en sous-points a), b), c)... Le second article, dont la rédaction compte... 120 pages recense toutes les modifications apportées au Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne (traité de Rome); il ne rassemble pas moins de 294 points. Les cinq derniers articles constituent les « dispositions finales » du traité. Si chaque point avait été présenté comme un article, le TME ou TUE n’en comporterait pas 7 mais 361, ce qui, en volume, le différencie peu du TCE, qui en comptait 448 en incluant les 69 articles de la Charte des droits fondamentaux, qui, cette fois figure en annexe du traité. « Les juristes n’ont pas proposé d’innovations », écrit Valéry Giscard d’Estaing dans une tribune adressée à vingt-sept quotidiens nationaux et publiée le 26 octobre 2007 dans Le Monde. « Ils sont partis du texte du traité constitutionnel, dont ils ont fait éclater les éléments, un par un, en les renvoyant, par voie d’amendements aux deux traités existants de Rome (1957) et de Maastricht (1992) ». VGE voit un « intérêt » à cette « subtile manœuvre » de multiplication des amendements aux traités antérieurs : « D’abord et avant tout il permet d’échapper à la contrainte du recours au référendum, et grâce à la dispersion des articles, il apparaît comme un renoncement au vocabulaire constitutionnel ». Les différences entre les deux textes sont donc « d’ordre cosmétique » ; l’emballage a changé, mais le contenu est le même. À lui seul, ce constat justifierait que les peuples, qui s’étaient prononcés contre le TCE, soient à nouveau consultés.
(b) Nous sommes donc en présence d’un déni de démocratie. Sans consultation populaire, il n’y aura pas de débat sur l’avenir de l’Europe et sur sa finalité alors que cette exigence était implicite dès le 29 Mai 2005.
Si l’on examine maintenant les détails de son contenu, qu’est-ce qui, dans ce texte, améliorerait le lien des citoyens avec l’UE ? Tout d’abord, pas de changement par rapport au « tce » sur la confusion des pouvoirs au niveau des institutions :
- La Commission n’est pas élue ; seul le président est élu par le Parlement mais sur proposition du Conseil Européen (les Chefs d’Etat : tue 9 A-1/ tce I-20-1), qui tient compte des résultats des élections au Parlement européen (tue 9-D-8/ tce I-20-1) ; les commissaires ne sont pas choisis pour correspondre à une majorité parlementaire mais « en raison de leur compétence générale et de leur engagement européen et parmi les personnalités offrant toutes garanties d’indépendance » (tue 9 D-3/ tce I-20-1). Conformément aux conclusions du Traité de Nice, la Commission est composée, dans un 1° temps, d’un commissaire par Etat membre pour un mandat de 5 ans ; chaque commissaire est proposé par son Etat ; à partir de novembre 2014, la Commission ne comprend plus que des représentants de 2/3 des Etats membres, ceux-ci étant traités sur un strict pied d’égalité (tue 9 D-5/ tce I-26-6) Cette Commission mêle des pouvoirs législatifs (initiative des lois : tue 9 D-2/ tce I-26-2), exécutifs (sur la concurrence) et judiciaires (surveillance de l’application des lois) (tue 9 D-1 et 2/ tce I-26-1 et 2) . La commission peut donc être considérée comme le gouvernement européen.
- Le Conseil Européen (qui représente les exécutifs nationaux) est le seul organe qui vote toutes les lois (hormis celles qui concernent la monnaie, qui dépend de la BCE) ; avec le Conseil des Ministres et en accord unanime avec lui, il reste maître de la politique étrangère et de sécurité ; en matière de commerce des services culturels et audiovisuels et en ce qui concerne le commerce des services sociaux, d’éducation et de santé, le Conseil ne statue à l’unanimité que si ces accords risquent de « perturber gravement l’organisation de ces services au niveau national et de porter atteinte à la responsabilité des Etats membres pour la fourniture de ces services » (tfue 188 C-4-a/ tce III-315-4-a) ; de ce fait, ce sera à la Cour de Justice de l’UE (CJUE), dont les magistrats sont nommés (et donc dépendants), d’apprécier si le droit de veto des Etats membres s’applique ou non. Le Conseil européen nomme le « Haut Représentant de l’Union pour les Affaires Etrangères et la Sécurité », en accord avec le Président de la Commission, et il peut le démettre ( tue 9 D-1/ tce I-28-1) ; ce haut représentant est membre de la Commission et conduit la politique étrangère et de sécurité commune (tue 9vD-2) : il a donc les mêmes fonctions que le Ministre des Affaires étrangères prévu pae le défunt TCE (tce I-28-2).
- Le Parlement, composé d’élus, est exclu de 21 domaines de délibération sur 90 ; il ne vote qu’une partie du budget et, en tous cas, pas les recettes ; il ne vote donc pas l’impôt, décidé par le Conseil après unanimité des Etats membres (tfue 269/ tce I-54-3). Les euros députés peuvent rejeter ou amender la seule partie « dépenses » du budget (tfue 272/ tce III-404). Il reste écarté de la politique monétaire, qui échappe donc à tout contrôle des Etats et de leur peuple. Il n’est que consulté sur la politique étrangère et de sécurité, sur la sécurité et la protection sociale (tfue 137-2/ tce III-210-3). Il est exclu de toute décision sur le marché intérieur et sur l’essentiel de la politique agricole. Il n’a pas l’initiative des lois et, tout au plus, il peut faire des propositions à la Commission, qui peut ne pas y donner suite, tout en étant obligée de motiver son refus (tfue 192/ tce III-332). Le Parlement peut démettre la Commission à la majorité des 2/3 des suffrages exprimés (tue 9 D-6/ tce I-26-8, tfue 201/ tce III-240), ce qui signifie que la commission peut gouverner en n’ayant que le soutien d’un tiers des députés élus.
- La Banque Centrale européenne (BCE), dont le Président est nommé, reste indépendante du pouvoir des Etats (tue 105/ tce III-188) ; dans le TME, l’UE adopte les mêmes objectifs que la BCE : « développement durable de l’Europe fondé sur une croissance économique équilibrée et sur la stabilité des prix » (tue 3-3/ tce III-185).
Ajoutez à cette situation de carence de démocratie de l’UE le fait que tous les européens ne sont pas « égaux » devant le suffrage universel, contrairement à ce qu’affirme le « tue » dans son chapitre 8 ; en effet, s’il est écrit que « la représentation des citoyens est assurée de façon dégressive et proportionnellement, avec un seuil minimum de 6 membres par Etat membre …, aucun Etat ne se voyant attribuer plus de 96 sièges », ce mode de calcul est totalement inégalitaire ; pour ne citer qu’un exemple, les maltais ont un député par tranche de 66000 habitants tandis qu’il faut 860000 allemands pour l’élection d’un de leurs représentants au Parlement Européen.
Ces informations confirment donc que le TUE n’est qu’une reprise des anciens traités et projet de Constitution et que, comme tel, il devait être soumis à référendum après le vote négatif de 2005 !
Alors, les conditions de fonctionnement de l’UE donnent-ils envie de croire en l’Europe que nous voulons ?
4° Partie : Sur le Fond, c’est à dire sur le projet politique européen, il convient de s’interroger : Y a t’il changement par rapport au projet de Constitution de 2005 ?
On l’a déjà vu : peu de changement dans les institutions entre tue et tce. Mais, contrairement aux promesses du candidat Sarkozy, qui affirmait tenir compte du vote du 29 mai 2005, le traité signé par les chefs d’Etat et de gouvernement européens trace une ligne politique conforme au projet de Constitution de 2005 rejeté par les français et les néerlandais ; économiquement, ce projet est marqué par le sceau libéral ; sur le plan militaire, l’UE s’inscrit dans le dispositif de l’OTAN ; les politiques agricole et monétaire ne subissent aucune variation ; le contrôle de l’immigration est conforme aux accords de Schengen et l’article 188-B (qui reprend l’article II-314 du « tce ») établit que les orientations économiques de l’UE en matière de politique étrangère et de commerce international, à l’OMC par exemple, demeureront inchangées. Mais détaillons :
Projet économique : « la concurrence libre et non faussée » a bien été rayée des objectifs de l’Union (tue 3-2/ tce I-5-2) mais elle réapparaît dans le protocole 6, qui a une portée juridique équivalente au traité, et il est écrit dans l’article 3 du tue que « le marché intérieur comprend un système garantissant que la concurrence n’est pas faussée ». A partir de cette logique, les dispositions, qui lui correspondent, sont présentées dans un certain nombre d’articles, en parallèle étroit avec les précédents articles du tce :
- généralités sur la « libre concurrence :
• Art 3 du tfue (repris par l’art 97 ter du TFUE) : il indique que « l’Union dispose d’une compétence exclusive dans l’établissement des règles de concurrence nécessaires au fonctionnement du marché intérieur »
• Art 87 du tue : il stipule « l’incompatibilité avec le marché intérieur des aides accordées par les Etats ou au moyen de ressources d’Etat à des entreprises ou à des productions » (y compris publiques)
• Art 88 et 96 du tue : il présente les sanctions applicables en cas de non respect de cette dernière orientation économique par un Etat.
• Art 93 du tue : il présente « les dispositions d’harmonisation des législations relatives aux taxes sur les chiffres d’affaires, aux droits d’accises et autres impôts indirects, dans la mesure où cette harmonisation est nécessaire pour assurer l’établissement et le fonctionnement du marché intérieur et pour éviter des distorsions de concurrence ».
• Art 105 du tue : il indique que « le Système Européen des Banques Centrales (SEBC), dont l’objectif est de maintenir la stabilité des prix, agit conformément au principe d’une économie de marché ouverte, où la concurrence est libre… »
• Art 137 du tue : il indique que « Sur la politique sociale … le Conseil et le Parlement européen peuvent arrêter par voie de directives des prescriptions minimales applicables progressivement, compte tenu des conditions et réglementations techniques existantes dans chacun des Etats membres. Ces directives évitent d’imposer des contraintes administratives, financières et juridiques (ex du Code du travail), telles qu’elles contrarieraient la création et le développement de petites et moyennes entreprises ».
Dans cet article, est posée la question des Services Publics (à distinguer des Services d’Intérêt Economique Général européens (SIEG : services marchands) et des Services d’Intérêt Général européens (SIG : Services actuellement non marchands mais pouvant être mis en concurrence avec des services du même type (ex : santé, éducation, recherche) ; ces services européens se distinguent des Services Publics à la Française permettant aux citoyens de bénéficier d’une « péréquation de tarif » et aux fonctionnaires d’un statut public ; les SIEG actuels (poste, transports aériens, transports ferroviaires…) sont déjà largement « ouverts à la concurrence » ou « privatisés », mais quelle garantie pour les autres SIG, dans la mesure où ils sont concurrencés de fait (Hôpitaux, Universités, Ecoles) et que rien ne définit, en Europe, ce qu’est un Service Public ; finalement, cette définition s’effectuerait à postériori, à partir de plaintes tranchées par la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE), et des privatisations de fait pourraient en résulter (les cas de l’enseignement supérieur et de la recherche sont emblématiques de ce risque).
• Art 86, 2° alinéa : il stipule que « les entreprises chargées de la gestion de services d’intérêt économique d’intérêt général ou présentant le caractère d’un monopole fiscal sont soumises aux règles du présent traité, notamment aux règles de concurrence, dans la limite où l’application de ces règles ne fait pas échec à l’accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui leur est impartie…. »
• Art 53 : il indique que « les Etats membres s’efforcent de procéder à la libéralisation des services au-delà de la mesure qui est obligatoire en vertu des directives arrêtées en application de l’article 52, si leur situation économique générale et la situation du secteur intéressé le leur permettent. La Commission adresse aux Etats membres des recommandations à cet effet. »
• Art 82 : il stipule qu’« est incompatible avec le marché intérieur et interdit, dans la mesure où le commerce entre les Etats membres est susceptible d’en être affecté, le fait pour une ou plusieurs entreprises d’exploiter de manière abusive une position dominante sur le marché intérieur ou dans une partie substantielle de celle-ci. »
La question de la circulation des capitaux « sans entraves » est aussi posée :
• Art tce III 156 et tue 56-2 : il indique que « Toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les Etats membres et les pays tiers sont interdites. »
Sur le plan économique, comme on le voit ici, tce et tue se rejoignent, y compris dans le détail, sur les mêmes options libérales ; nous ne sommes donc plus devant un texte institutionnel mais de politique économique.
Projet militaire : Dans la droite ligne du projet de Constitution de 2005, le TUE définit sa politique militaire dans le cadre de l’Organisation du Traité de défense de l’Atlantique Nord (OTAN) :
• Art tue 27-2 et tce I-41-2 : il indique que « la politique de l’Union » doit être « compatible avec la politique » arrêtée dans le cadre de l’OTAN.
• Art tue 27-7 et tce I-41-7 : il stipule qu’« au cas où un Etat membre serait l’objet d’une agression armée sur son territoire, les autres Etats membres lui doivent aide et assistance par tous les moyens en leur pouvoir, conformément à l’article 51 de la Charte des Nations Unies … Les engagements et la coopération dans ce domaine demeurent conformes aux engagements souscrits au sein de l’OTAN »
A tel point que le projet de traité invite les Etats membres à renforcer leurs armements :
• Art tue 27-3 et tce I-41-3 : « les Etats membres s’engagent à améliorer progressivement leurs capacités militaires ».
Politique agricole : La PAC demeure, bien sûr, une politique protégée, mais de plus, dans le cadre d’objectifs qui ne vont pas dans le sens de la sécurité alimentaire mondiale : reprenant 2 articles de traités précédents, le TUE considère l’augmentation de la productivité de l’agriculture comme le 1° but de la PAC, sans se préoccuper le moins du monde d’autres objectifs souhaitables comme le maintien de l’emploi agricole ou le respect de l’environnement.
Politique monétaire et budgétaire: la BCE dispose toujours, sans contrôle, des pleins pouvoirs sur la monnaie ; et le pacte de stabilité comme la rigueur budgétaire pour les Etats demeurent les règles en vigueur.
Politique Sociale : À en croire Bernard Kouchner et Jean-Pierre Jouyet, respectivement ministre des Affaires étrangères et secrétaire d’État aux affaires européennes de notre pays, avec le TME, nous aurions « une Europe davantage protectrice de ses citoyens et respectueuse des droits de l’homme, avec une charte des droits fondamentaux contraignante». Certes, le TME crée un article 6 dans le TUE qui indique que la Charte « a la même valeur juridique que les traités ». Elle serait donc « juridiquement contraignante » (déclaration n° 31). Mais les droits sociaux, comme les droits dits de troisième génération (bioéthique, informatique, protection de l’environnement et des consommateurs...), sont de bien faible portée. Il en va ainsi du « droit de travailler » ou du « droit d’accès aux prestations de sécurité sociale et aux services sociaux » (art. 34). En outre, nombre de droits, dont la liberté de la presse, qui devient « la liberté des médias » (art. 11), ne sont pas « garantis » mais « respectés ». Même la très européiste Confédération européenne des syndicats (CES) se dit « préoccupée par le statut réduit de la Charte des droits fondamentaux » par rapport à l’ancien projet de traité constitutionnel et « doute de son degré de force exécutoire dans les États membres ». Il est vrai que le Royaume-Uni et la Pologne ont obtenu d’en être dispensés, preuve s’il en est que ces droits prétendument fondamentaux le sont moins que le droit de la concurrence, dont on ne déroge pas. L’examen de la seule disposition juridique vraiment nouvelle du TME - elle ne figurait pas dans le TCE - est révélateur du peu d’impact effectif de la Charte des droits fondamentaux, quand ceux à qui elle s’adresse (les institutions de l’Union) mettent en œuvre le droit de l’Union. L’article 2-29 du TUE, qui reprend l’article15 bis du TFUE, reprend en son premier alinéa un droit de la Charte : «Toute personne a droit à la protection des données à caractère personnel la concernant » -, avant de préciser que le Parlement européen et le Conseil fixent « les règles relatives à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel [...] et à la libre circulation de ces données ». Mais ce droit de regard du Parlement n’est valable que pour le territoire de l’Union. Car dès lors qu’il serait question de transmettre ces données à un État tiers, l’article 24 du TUE (nouveau lui aussi) précise que la procédure n’est plus la même et que, seul, le Conseil (les représentants des gouvernements) est compétent.
5° Partie : Et maintenant ?
Pour comprendre ce que nous prépare l’application de ce projet de traité, alors que l’on avance toujours, vis à vis d’ATTAC, l’argument double d’une facilité de critiques et d’une absence de propositions, évoquons d’abord, aux fins de la comparaison, les 10 principes pour un Traité démocratique, qui fonderait l’Europe, avancés par 17 ATTAC d’Europe :
Sur le Processus :
Principe 1 : Lancer un processus démocratique :
Une Constitution, c’est d’abord l’affaire du peuple (des peuples d’Europe) et donc d’une Constituante élue, avec la participation des Parlements nationaux, avec une réelle parité « hommes-femmes » et une consultation référendaire issue d’un vrai débat des peuples, une fois les propositions élaborées par les élus, en ayant le souci de préserver ce débat d’une influence prépondérante des intérêts économiques et des médias, qui en dépendent.
Sur le Contenu Institutionnel :
Principe 2 : Améliorer la démocratie :
Ceci passe d’abord par une séparation effective des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire, ce qui signifie le rétablissement des fonctions des organes élus, tant Parlements nationaux qu’européen, les uns et les autres pouvant jouer tout leur tôle dans la proposition et l’élaboration des lois ; chaque niveau de compétences de l’Union comme des Etats doit être clairement défini, afin que s’exerce normalement la subsidiarité ; aucun organe technique (ex de la CJUE) ne peut, de facto, avoir un rôle législatif, ce qui s’apparente à de la technocratie ; la BCE doit être soumise à un contrôle démocratique et ses objectifs doivent être la justice économique, le plein emploi et la sécurité sociale pour tous les citoyens européens ; l’Eurogroupe doit assurer ses responsabilités politiques dans la définition de la politique de change.
Principe 3 : Installer la transparence :
Les citoyens européens ne sont pas en mesure actuellement de suivre et de comprendre la politique européenne, trop confuse pour un « profane » du droit européen ; tout débat concernant cette politique, y compris dans les organes techniques (ex du Comité des représentants permanents ) doivent être ouverts au public et permettre l’accès compréhensible à l’information ; le « lobbying », méthode amplement usitée au niveau européen, doit être contrôlé, ne serait-ce que par la diffusion des intérêts des parties prenantes et de leurs sources de financement ; même règle pour les membres des organes européens officiels : Parlement, Commission et Comités.
Principe 4 : Développer la participation et la démocratie directe :
Les formes de démocratie directe doivent être étendues, compréhensibles et applicables ; ceci suppose les possibilités suivantes pour un nombre de citoyens européens à définir: proposer la discussion d’une loi ou un référendum, dont les résultats seraient contraignants ; par ailleurs, une limite devrait être fixée aux entreprises quant à leur influence sur les décisions de l’UE : ceci passe par la transparence des actes ; enfin, tout nouveau projet de loi devrait être soumis à la consultation des mouvements sociaux et ONG, sur la même base que les autres groupes d’intérêts. Et, bien sûr, le 1° référendum à organiser dans tous les Etats membres devrait porter sur le nouveau traité.
Sur les politiques européennes :
Principe 5 : Améliorer les droits fondamentaux :
Les Droits Fondamentaux énumérés dans la Charte sociale européenne de Turin (18-10-1961) et le Code Européen de la Sécurité sociale (à ratifier par l’UE) doivent servir de base à la défense des travailleurs devant les tribunaux de tout Etat membre ; leurs décisions doivent être assujetties à la juridiction de la CJUE ; ces droits fondamentaux doivent échapper à toute interprétation d’une loi européenne ou nationale ; tout nouveau traité met l’accent sur l’égalité d’accès aux droits sociaux et aux droits du travail, indépendamment du pays d’origine ; la citoyenneté européenne est attribuée à tous les résidents européens ; les droits, précédemment mentionnés, doivent également être respectés dans les politiques extérieures de l’UE (par ex vis à vis des négociations de l’actuelle Organisation Mondiale du Commerce OMC).
Principe 6 : Protéger et améliorer les conquêtes démocratiques :
L’UE doit se considérer comme une union coopérative, dont la finalité est d’améliorer en permanence les normes environnementales et sociales afin de satisfaire aux principes constitutionnels de sécurité sociale et de durabilité ; pour ce faire, des règles devront être adoptées pour résister aux dumping fiscal et social (droit de propriété en accord avec l’intérêt du bien-être général ; démocratie et participation au pouvoir économique à parfaire à tous les niveaux) .
Principe 7 : Ouvrir le champ à un ordre économique alternatif :
Il ne peut y avoir, dans les textes fondamentaux européens, de modèle économique particulier afin de permettre des politiques alternatives ; la « libre concurrence », si elle est décidée dans tel ou tel domaine, doit être la résultante d’une décision démocratique ; la loi européenne ne peut en aucun cas saper le droit des Etats membres à définir, organiser et financer des biens publics (eau, santé, éducation, transports, énergie…). Procurer des biens publics à tous niveaux doit, au contraire, être un objectif essentiel de la construction européenne.
Principe 8 : Définir les fins et non les moyens :
Une démocratie réelle, vivante, détermine les moyens par lesquels atteindre les objectifs de sa constitution. Les objectifs sont donc toujours premiers ; ainsi, pour les transports, ce pourrait être « l’égal accès à tous à la mobilité » ; pour l’agriculture, ce pourrait être « le maintien de l’emploi agricole » et « la production d’une nourriture saine et suffisante » ; pour la BCE, ce devrait être « la justice économique, le plein emploi et le bien-être pour tous » ; la « durabilité écologique » doit guider les politiques énergétiques, des transports et de l’agriculture.
Principe 9 : Viser haut en matière sociale et fiscale :
Les économies de l’UE sont engagées depuis des décennies dans une forte libéralisation du commerce, des finances et des investissements ; ceci a pour conséquence d’avoir engagé les Etats membres dans une course vers le bas dans leurs politiques sociales et fiscales. Pour corriger cette histoire et cette tendance fondamentales, il est nécessaire de combattre l’évasion et la concurrence fiscales en fixant des normes minimales ambitieuses sur la taxation des revenus des entreprises et du capital ; une politique sociale doit aussi être définie et celle-ci passe par un ensemble transparent et applicable de droits et minima sociaux ambitieux ; ces droits pourraient être calculés à partir des PIB de chaque pays; ceci n’exclut pas que des Etats puissent choisir d’adopter des normes sociales plus élevées.
Principe 10 : Instaurer l’obligation de la paix et de la solidarité :
L’UE doit être un acteur clé dans la définition d’un nouvel ordre international et multilatéral, voué à construire la paix et à dénoncer la guerre et la militarisation comme moyens de résolution des conflits internationaux. Ceci passe par le refus de « missions militaires préventives », par le respect absolu du droit international (Déclaration Universelle des droits de l’Homme et Traité de non-prolifération nucléaire), par l’indépendance à l’égard de l’OTAN et par la contribution déterminée de l’UE à la réforme de l’Organisation des Nations Unies (ONU) pour rendre cette organisation véritablement démocratique.
Il est clair que ces propositions pourraient rallier les européens sur une Constitution Européenne, car elles s’inscrivent dans un ordre Citoyen. Mais nous ne sommes pas en présence de tels principes pour le TUE.
En effet, et ce point peut nous servir de conclusion, l’UE a choisi le libre échange comme objectif 1° plutôt que les valeurs de la citoyenneté ; ceci s’inscrit parfaitement dans les objectifs de la mondialisation libérale, telle qu’elle existe et se constitue. A partir de là, il suffit de dérouler les textes fondateurs de l’UE qui sont en parfaite cohérence les uns avec les autres. Le TUE n’est pas une erreur de trajet ; il est une étape de ce trajet. BCE instituant un euro fort et des taux d’intérêt bas permettent la spéculation sur notre monnaie et l’afflux de capitaux ; voilà pourquoi le seul objectif de la BCE est la lutte contre l’inflation, ce qui ne permet pas d’envisager une politique d’investissement et, donc, de grands travaux qui serviraient l’emploi, et aucune « largesse » en matière de hausse de salaires et d’harmonisation progressive des protections sociales par le haut. En définissant et en appliquant cette politique, la BCE est en pleine cohérence avec la politique du commissaire européen au Commerce Peter Mendelson, qui défend, à l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), l’Accord Général sur le Commerce des Services (AGCS), c’est à dire la vente concurrentielle de nos services aux pays tiers ; et nos Services Publics doivent alors devenir marchands, la directive Bolkestein (qui n’a pas été modifiée significativement malgré les engagements de 2005) permettant, à l’interne, de les calquer sur le mode 4 de l’AGCS ; par voie de conséquence, le Code du Travail doit être corrigé pour ne pas gêner cette « libre concurrence » ; et le dumping social doivent accélérer cette évolution ; d’où la difficulté de rendre pleinement opérante une Charte des droits fondamentaux ! Toujours dans la même logique, le travail ne peut être considéré que sous la forme d’un coût et toute hausse des salaires doit être évitée, pour attirer les entreprises dans l’UE ; la baisse continue des impôts sur les bénéfices des entreprises doit aussi les maintenir dans l’UE ou aider à leur implantation ; les capitaux et leurs mouvements ne doivent surtout pas être taxés : surtout pas de restriction aux investissements étrangers directs ; la zone de libre échange de l’Europe doit s’élargir, si possible en créant un vaste marché transatlantique déjà rêvé, dès les années 90, par le commissaire à la concurrence d’alors, lord Brittan. Tout ceci n’a rien à voir avec le développement des pays du Sud, qui ne seront considérés que s’ils fournissent les mains d’œuvre nécessaires à meilleur coût grâce au mode 4 de l’AGCS, les accords de Schengen étant destinés à éviter toute dérive à cette politique. Le développement des pays dépendants n’est évidemment pas à l’ordre du jour, d’où le retard pris par les accords du Millénaire. La démocratie, si elle rassemblait les électeurs sur d’autres valeurs, serait évidemment un frein, voire un obstacle pour la réalisation de tels objectifs ; l’abstention massive et la distance entre vœux des peuples et orientations des politiques est donc plus que bienvenue ; et il convient de l’entretenir grâce à un détournement des attentions vers d’autres sujets que politiques : aux médias et à la presse « people » de s’en charger. Et tout ceci n’est possible que grâce à une politique d’armement et d’alliances militaires prêtes à intervenir sur tout terrain, face à la contestation d’une telle politique mondiale. Telle est donc la logique adoptée par l’Union européenne en parfait accord avec celle du Consensus de Washington .
L’éducation populaire est donc de plus en plus justifiée pour révéler le sens de cette logique aux citoyens. Mais elle ne suffit pas si, enfin, n’est pas, envisagée la question de l’accès au pouvoir et de l’internationalisation coordonnée de cette exigence ; faire des propositions, c’est bien ; se donner les moyens unitaires de les appliquer, c’est devenu essentiel ; d’où la nécessité de penser l’altermondialisme en ces termes lors des Forums Sociaux Mondiaux, ce qui n’est, bien sûr, pas totalement acquis !
Face à ce projet de traité européen modifié, il y a donc des actions prioritaires, qui empêchent aux Européens d’adopter ce projet (et ceci passe par des informations, des pétitions, des manifestations …), et des actions de plus long terme qu’il nous appartient de définir ensemble afin que les questions de fond, et notamment celle de l’accès au pouvoir, soient vraiment et enfin posées.
Albert Richez,
Militant d’ATTAC-France.
Notes :
1°phrase de l’Introduction de Politis du 6 au 12 décembre 2007
Cf article I-1 du Projet de Traité Constitutionnel européen : « Inspirée par la volonté des citoyens et des Etats d’Europe de bâtir un avenir commun, la présente Constitution établit l’Union européenne … »
Cf le même N° de Politis précité :
« Mythe d’une Union rendue impuissante par les élargissements successifs, à qui il faudrait d’urgence redonner les moyens d’agir. La réalité n’est pas celle-là. « Avant le grand élargissement de mai 2004, il fallait en moyenne dix-huit mois entre le dépôt d’une proposition par la Commission et son adoption par le Conseil et, éventuellement, le Parlement, notait Renaud Dehousse, directeur du Centre d’études européennes de Sciences-Po, dans Libération, le 21 juin. Depuis l’entrée des dix nouveaux États membres, ce délai est passé en moyenne à... moins de douze mois. En outre, on ne vote pas moins, et même un peu plus qu’avant. Les craintes d’un blocage, y compris les miennes, étaient donc infondées ». Quand il s’agit de libéraliser des secteurs entiers (chemins de fer, poste, énergie...) chacun peut d’ailleurs constater avec quelle célérité l’Europe avance. Cela n’empêche pas nombre de nos élites, de droite comme de gauche, de prétendre que le nouveau traité permettra d’« améliorer le fonctionnement » de l’Europe, notamment grâce à l’extension des domaines où les décisions seront prises « à la majorité qualifiée ». Notons déjà que le nouveau système de vote du Conseil n’entrera en vigueur qu’en 2014 au mieux, après un compromis complexe avec la Pologne « . L’impuissance institutionnelle de l’UE relève donc du mythe qui exigerait une procédure d’urgence pour redonner à l’UE les moyens d’agir.
Dans « L’Humanité » du 21 Décembre 2007, il est fait état de campagnes et d’actions en faveur de consultations référendaires en France, bien sûr, mais aussi en Allemagne (pétition + demande de modification de la Constitution permettant un référendum par le « Die Linke »), en Irlande (où, selon un sondage, 25% des citoyens seulement soutiendraient le traité), en Suède (où 65 à 70% de sondés souhaiteraient un référendum face à un gouvernement conservateur, qui trouve la procédure trop compliquée). Aux Pays-Bas, le Parti Socialiste a pris parti pour la voie référendaire et va porter un projet de loi au Parlement, qui pourrait être soutenu par les Verts et Démocrates 66 ; en Grande Bretagne, le mouvement syndical et de nombreux députés travaillistes, conservateurs et du parti national écossais sont également hostiles au projet de Traité ; au Portugal enfin, une discussion au Parlement devrait avoir lieu très prochainement dans un climat rendu tendu par le volte face sur la question des socialistes et des conservateurs, qui s’étaient prononcés en sa faveur lors des élections législatives de 2006,
C’est alors un "groupe de réflexion", présidé par l'espagnol Felipe Gonzales et composé de la lettone Vaira Vike-Freiberga et de l'ancien PDG de Nokia Jorma Ollida, qui sera chargé de donner un contenu, naturellement "libéral économique", à ce traité. Ce groupe serait composé de 12 « Sages » cooptés et non élus.
Cf Politis de la semaine du 6 au 12 décembre 2007 : « Sur le fond, la législation continue d’opérer une distinction entre les Services d’intérêt économique général (SIEG) et les Services d’intérêt général (SIG). La nécessité d’assurer aux premiers les conditions « économiques et financières qui leur permettent d’accomplir leur mission » est reconnue à l’article 2-27 du TME, qui indique que « le Parlement européen et le Conseil [...] établissent ces principes et fixent ces conditions ». Mais la mise en œuvre de cet article reste subordonnée aux articles 86 et 87 du TFUE, qui soumet drastiquement les SIEG aux règles de la concurrence et rend quasi impossible toute aide de l’État. Les SIG, quant à eux, apparaissent pour la première fois dans un texte de portée juridique équivalente aux traités (Protocole 9, art. 2), qui protège les « services non économiques d’intérêt général » des règles de la concurrence. Mais qu’est-ce qu’un service non économique ? Un arrêt de la Cour de justice indique que « constitue une activité économique toute activité consistant à offrir des biens et des services sur un marché donné ». Et la Commission a toujours refusé d’établir a priori une liste des SIG devant être considérés comme non économiques. Le 20 novembre, devant le Parlement européen, José Manuel Barroso a jugé « inutile » d’envisager une loi-cadre européenne pour clarifier la place des services d’intérêt général. « Nous n’aurons jamais de consensus sur la question, il est inutile de perdre du temps », a-t-il insisté, estimant qu’il n’était pas possible de « faire mieux en termes de valeur légale » que le protocole du TME. Les incertitudes juridiques qui pèsent sur les SIG vont donc perdurer. »
cf les Conclusions de l’arrêt Valshom en Suède :
Quelles conclusions de l’arrêt Vaxholm par rapport aux travailleurs d’une entreprise lettone Laval en Suède? L’affaire concernait un conflit opposant les syndicats suédois à une entreprise lettone, Laval, qui chargée de construire une école à Vaxholm, refusait d’appliquer la convention collective du bâtiment à des travailleurs lettons détachés pour ce faire. La Cour a donné raison à l’entreprise lettone. Il faut remarquer que ce qui est en jeu n’est pas l’application du principe du pays d’origine prônée par le texte initial de la directive Bolkestein. A aucun moment, la Cour n’indique que les salariés lettons détachés en Suède doivent se voir appliquer le droit social letton. Ce qui est en jeu ce sont les conditions d’application de la directive 96/71 sur le détachement des travailleurs. Force est de constater que la Cour en fait une lecture extrêmement limitée en s’appuyant sur deux aspects, le caractère « d’application générale » (législative ou autre) des dispositions concernant les conditions de travail et d’emploi des travailleurs détachés et le fait que ces dispositions n’ont pas vocation à être plus favorables que les normes minimales fixées nationalement lors de la transcription en droit national de la directive. La Cour rend, de fait, caduc un article de la directive (art. 3-7) qui permet à un Etat de promouvoir des normes plus favorables. Plus grave, la Cour considère comme illégitime une action collective visant à imposer pour les salariés détachés les mêmes conditions de travail et d’emploi que celles existant pour les salariés du pays d’accueil. Cet arrêt illustre bien la nature du droit européen. La logique est imparable. La libre prestation des services est une liberté fondamentale explicitement garantie par le traité. Elle peut certes, en principe, être limitée pour protéger d’autres droits fondamentaux. Le problème est de définir le contenu de ces droits fondamentaux susceptibles de pouvoir limiter des libertés inscrites dans le traité. Ainsi, le fait d’exiger les mêmes conditions de travail et d’emploi pour les salariés détachés que celles qui s’appliquent aux salariés du pays d’accueil n’en fait pas partie. Agir pour l’application de ce droit est donc considéré comme une entrave à la libre prestation des services. Plus même, c’est à chaque fois à ces droits fondamentaux de faire la preuve, en application du principe de proportionnalité, qu’ils n’entravent pas de façon exagérée les règles du marché intérieur. On le voit, la Cour pousse jusqu’au bout la logique du droit européen directement dérivé des traités et des directives. C’est au contenu de ceux-ci qu’il faut s’attaquer si l’on ne veut pas voir se reproduire régulièrement ce type d’arrêt. Cet arrêt rend plus que jamais nécessaire le débat public sur la nature de l’Union européenne et le combat pour une « autre Europe » qui mettrait au premier plan l’harmonisation par le haut des conditions de travail et d’emploi des salariés européens.
Le Consensus de Washington c’est : moins d’Etat économique et plus d’Etat sécuritaire, ce qui entraîne la baisse de la fiscalité directe et progressive ainsi que la privatisation des Services Publics ; l’extension du chômage, qui va de pair avec la lutte contre les syndicats ; les politiques désinflationnistes systématiques, qui s’opposent à la relance de l’investissement, de l’emploi et de la
jeudi 10 janvier 2008
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