Imaginons une séance de négociation à l'OMC sur l'AGCS:
Cela ressemble un peu au jeu des sept familles. Les participants sont 148, un par Etat membre de l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC).
Nous sommes à Cancun, station balnéaire mexicaine on ne peut plus touristique. Et cela se passe en cette période si agréable de la mi-septembre.
Le jeu consiste à s'échanger des cartes, à en demander et à en offrir. Chaque carte représente l'un des nombreux "services" apportés ou vendus aux consommateurs de la planète: assurances, audiovisuel, éducation, distribution d'eau, santé, télécommunications, transport, tourisme ou plis postaux … Lorsqu'un pays se défausse d'une carte sur la table de ce casino planétaire, cela signifie qu'il accepte de libéraliser ce secteur, de l'ouvrir à la concurrence des entreprises des 147 autres joueurs.
Le joueur mandaté par l'Union Européenne s'appelle Pascal Lamy. Imaginez le, drapeau européen flottant sur son coin de table, fixant un à un ses interlocuteurs: "Dans la famille distribution d'eau, je voudrais le Canada, la Chine, les Etats-Unis et le Nigeria." Si l'un de ces quatre pays souhaite répondre favorablement, il posera sa carte "distribution d'eau" à la vue de tous. Pascal Lamy se frottera les mains et ne pourra retenir un sourire de satisfaction. Il pense aux PDG de Suez et de Vivendi, les deux groupes européens - français de surcroît - qui détiennent déjà 70% du marché mondial de l'eau. Ils seront ravis de pouvoir conquérir de nouveaux horizons. Imaginez …
Le sourire de Pascal Lamy tombe au moment où le redoutable joueur états-unien, Robert Zoellick, ancien conseiller de Reagan, prend la parole: "Dans la famille "enseignement supérieur", je voudrais le Brésil, l'Inde et l'Union européenne." Harvard installant une université privée en face de la Sorbonne! Une goutte de sueur perle sur le front du négociateur européen. S'il ne lui accorde pas cette carte, cet ultra-libéral de Zoellick refusera sûrement de se débarrasser de celle de l'énergie que Pascal Lamy compte bien lui demander au prochain tour de table. EDF gérant le réseau électrique de New York vaut bien une succursale d'Harvard face à la Sorbonne. Qu'importent les manifs qui ne manqueront pas d'avoir lieu. Imaginez …
(Extrait du TC N° 3072 du 4 septembre 2003, page 14, dans l'article "OMC, le dessous des cartes" d'Yvan Du Roy).
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