« Nous, citoyens français, constatons que le Président de la République française, élu le 6 mai 2007, nous a trompés par des promesses qu’il n’applique pas. Le pouvoir d’achat n’augmente pas, la dette augmente, l’environnement est négligé, l’aide au logement est insuffisant, le Traité Modificatif Européen reconduit l’essentiel de l’ancien projet rejeté par les Français lors du référendum de 2005. Il s’agit-là d’autant d’exemples de ces reniements. Et Nicolas Sarkozy continue de nous tromper en engageant des promesses que l’Union Européenne lui interdit de tenir (monnaie européenne, aide par les Etats aux entreprises en difficulté alors que ceci s’oppose à la règle de la « concurrence libre et non faussée »). Il jette de la poudre aux yeux avec sa « politique de civilisation » ou sa « laïcité active ». Il agit au coup par coup par mesures catégorielles, visant à satisfaire son électorat et ses amis financiers et à détourner l’attention des citoyens français des vrais problèmes qu’ils rencontrent.
Nous, citoyens français, constatons que les campagnes électorales sont le moment du spectacle et des promesses démagogiques ou contradictoires.
Nous, citoyens français, constatons que l’Europe est dorénavant illégitime bien que légale. Légale parce que le traité de Lisbonne a été ratifié dans le respect de la constitution française, illégitime parce que cette ratification s’oppose à la volonté du peuple souverain manifestée en 2005, mais tenue à l’écart en 2008.
Nous, citoyens français, constatons que le très rare exercice de démocratie « participative » qui a eu lieu lors du Grenelle sur les OGM, qui avait promis de garantir le « libre choix de produire et de consommer sans OGM », est trahi par les sénateurs et le gouvernement, qui choisissent, au contraire, de généraliser la contamination.
Nous, citoyens français, exigeons le respect de toute la démocratie, qui ne se limite pas à un vote tous les 5 ans mais nécessite que les actions engagées correspondent à notre volonté au fil du temps. Cette démocratie participative doit s’imposer au gouvernement et aux élus. Nous voulons « faire la démocratie » avec un nouveau système électif, qui permettra un contrôle permanent des mandats et un nécessaire partenariat entre les élus et la société.
Nous, citoyens français, tirons toutes les conclusions de notre mise à l’écart en dehors des périodes d’élections.
Nous, citoyens français, avons besoin d’institutions modifiées en profondeur pour que tous les sujets, qui nous concernent tous, soient discutés par tous et que les décisions ne soient pas prises par quelques élus hors de tout contrôle.
Nous, citoyens français, nous nous prononçons pour une nouvelle constitution qui sera établie grâce à la désignation d’une assemblée constituante. Celle-ci devra consulter largement pour établir les règles nouvelles qui permettront l’implication active de la société.
En attendant, comme cela se fait au Venezuela à mi mandat présidentiel, nous demandons que soit organisé, en 2009 ou en 2010, un référendum révocatoire pour vérifier la confiance des Français à l’égard de leur Président de la République.
Nous nous engageons, hors de tout parti, à diffuser cette pétition pour qu’elle atteigne le plus grand nombre de citoyens. »
mardi 19 février 2008
dimanche 17 février 2008
participation à Charte de Gauche Avenir
L’UNITE de toute la Gauche est nécessaire si elle veut réussir à proposer une alternative crédible. Dire qu’on refuse l’alliance avec le Centre ne suffit pas. L’UNITE ne peut qu’être fondée sur le refus du cours politique actuel, néo-libéral, de la globalisation mondiale; pas de changement possible et de recherche idéologique fondatrice sans ce refus dans l’UNITE. Mais ceci ne suffit pas : il faut proposer une alternative. Et, dans cette recherche idéologique fondatrice, l’on ne peut dissocier le « Mondial » du « Local ». Notre démarche doit aussi s’afficher comme nécessairement « démocratique », ce qui n’est pas contraire au changement radical à engager. La racine de nos valeurs (ce qui vaut pour tous les humains d’aujourd’hui et de demain), s’enracinent dans la solidarité de tous pour le développement de tous, à l’interne du continent européen comme sur toute la surface de la planète .
Ceci m’amène à préciser certains points :
• Evaluation et Valeurs (1)
• Démarche : Démocratie et « Citoyennisation » (2)
• Mondialisation et Europe, mitage du capitalisme, remise en cause du mythe de la croissance (3)
• Politique intérieure (4)
• Domaines d’action prioritaires et sens : Information ; Objectifs de l’Ecole (5)
• Alliances (6)
(1) Il convient, d’abord, d’évaluer les effets des politiques mondiales, qui sont les mêmes partout, puisque toutes résultent de l'application du Consensus de Washington, véritable idéologie néo-libérale économique résultant des conclusions de « l’école de Chicago ». L’on s’apercevra alors qu’elles transforment toute réalité, tout produit issu de la nature ou de l’ingénierie humaine en marchandise, quels qu’en soient les effets sur l’humanité, largement négatifs pour l’immense majorité des humains. Or, ce qui « vaut », c’est ce qui correspond au bien du plus grand nombre. Il existe des Biens Communs Mondiaux ; sans eux, pas de développement possible. Ces Biens doivent être garantis à tous par les puissances politiques résultant des expressions démocratiques de tous. Il y a donc des biens matériels (eau, énergies, souveraineté alimentaire, santé, développement, biodiversité …) et citoyens (démocratie,instruction, information, culture…). Pas de valeur qui ne passe par le droit de tous de disposer de ces biens. Ceci passe par l’établissement de Services Publics établis sur des bases d’égalité, de liberté et de fraternité ; la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme est le garant de la valeur de ces biens et de ces services ; et si ces derniers ont un coût, la péréquation de leur prix est un moyen de les rendre égaux pour tous; leur prix n’est pas marchand mais doit relever de la décision politique.
(2) Toute atteinte aux droits de l’homme est une violence. Notre démarche, démocratique, exclut cette violence. D’où la nécessité d’affirmer que des organes politiques garantissant la paix dans tous les pays et entre les pays doivent disposer des moyens leur permettant d’agir avec le consentement des ETATS, qui définissent les actions à conduire pour le Développement et la Paix, et ce à partir de décisions collectives prises démocratiquement à égalité de pouvoir pour chaque Etat. Ceci signifie la réforme d’un certain nombre d’institutions internationales, soit politiques (ONU …), soit financières (Banque Mondiale, Banques Centrales, FMI, clubs divers …), soit commerciales (OMC), qui servent de fait à mettre en œuvre le Consensus de Washington. Ceci ne signifie pas la fin de toute régulation, bien au contraire, mais la soumission des coordinations nécessaires à la gouvernance politique démocratique. Et, comme tous les Etats ne sont pas démocratiques, il convient d’engager des démarches collectives permettant, pacifiquement mais fermement, de provoquer les transitions nécessaires des Etats dictatoriaux vers des Etats régis par des procédures démocratiques (démarches diplomatiques mais, aussi, si elles ne parviennent pas à leur fin, gels des avoirs bancaires, boycott commercial, par exemple …). Précisons aussi, pour la vie politique interne, que la pratique démocratique ne se limite pas aux périodes électorales, mais qu’elle doit s’étendre à toutes les fonctions de la vie sociale (séparation totale des 3 pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire, dans l’entreprise pour tous les salariés, avec des gestions tripartites dans les Services Publics : Etat, citoyens, travailleurs du service considéré, avec l’assistance juridique gratuite pour les nécessiteux, par exemple…) A cet égard, des organismes comme les outils de communication (ex des chaînes de TV) ou de protection sociale (Sécurité Sociale) doivent être extraites du secteur marchand et gérées de manière tripartite (usagers, Etat, travailleurs du secteur). Des débats sur des sujets citoyens doivent pouvoir être organisés (conférences de citoyens …), à l’initiative d’un quota de citoyens à définir (référendums d’initiatives citoyenne). Tout mandat d’élu doit faire l’objet de contrôles citoyens. Ces mandats doivent être strictement limités, en nombre de fonctions (au maximum 1 mandat local et 1 mandat national ou européen). La parité « Hommes-Femmes » doit être établie dans des délais les plus courts grâce à l’établissement d’un statut de l’élu, le libérant de charges et de risques, qui rendent impossibles certains engagements.
(3) Le « nouveau » capitalisme, à dominance financière (d’où l’appellation de néo-libéralisme économique), est à l’origine de l’état actuel des tensions guerrières dans le monde et de la remise en cause de l’équilibre écologique de la planète, dans la mesure où il n’est que marchand ; tout au plus, ce capitalisme là encourage t’il certaines actions humanitaires, réduit à du caritatif qui ne remet pas en cause son pouvoir politique. L’illustration du fonctionnement des institutions néo-libérales (OMC, FMI …), qui a comme principe 1° « une libre concurrence » toujours plus avancée, démontre à lui seul que ce système économique n’est pas compatible avec l’autonomie d’Etats démocratiques, libres et autonomes. Ce ne sont pas les Etats qui doivent être soumis à ces organismes et à tout organe technique mais ce sont ces organismes, qui doivent être soumis à leur pouvoir démocratique. Une Gauche renouvelée ne peut donc faire aucune concession aux principes du capitalisme. Elle doit les combattre constamment, y compris en encourageant tout système économique dit « alternatif », tel que commerce équitable, coopératives ouvrières autogérées … qui permettra de le miter. Des encouragements publics à ce type de structure doivent être engagés. Si l’on veut définir des principes d’action, il convient de se référer aux propositions suivantes : « (1) s’approprier comme étant « politique » ce qui, dans l’économie, est décrété aujourd’hui purement économique ; ainsi, le partage du temps de travail ou les retraites ne sont pas qu’une question économique ; ce sont des conditions pour « disposer d’un Temps pour la politique ». (2) politiser dans l’économie ce qui est indispensable à la politique pour agir sur le social ; ainsi, en s’interrogeant sur le « Que produire ? », l’on est amené à se poser des questions sur la nécessité de biens ou de services, qui permettent la réalisation de la démocratie ; et l’on s’aperçoit alors que ces biens et services doivent être produits pour que tous y aient accès dans les mêmes conditions » (réf sur ces sujets à l’ouvrage de Patrick Braibant : « Lettre eux anticapitalistes (et aux autres) », éditions L’Harmattan). C’est ainsi que la démocratie prendra le pas sur « l’économisme » du capitalisme. Pour parvenir à ces fins, il est nécessaire de s’appuyer sur une autre construction européenne, qui tourne le dos au TME, et ce à partir d’une Constituante résultant de la consultation et du vote référendaire des peuples européens ; parmi les points clés à inscrire dans ce texte, il convient de noter : séparation des 3 pouvoirs, restitution du rôle entier du Parlement, remise en cause du principe de la concurrence libre et non faussée, soumission de la BCE aux pouvoirs politiques, vrai budget qui permette une aide significative aux nouveaux entrants pour permettre leur développement, vraie Charte sociale, harmonisation des droits sociaux et des fiscalités, redéfinition de services publics « péréqués »…. Il conviendrait aussi ici de rompre avec le mythe d’une économie de la croissance, contradictoire avec la défense de la planète ; des thèses comme celles de Amartya Sen, mettant en exergue les valeurs de Développement global dans la justice et la liberté de tous, devraient présider à la définition d’une économie alternative au « tout croissance » incompatible avec le Développement et la Paix.
(4) C’est sur ces fondements que doit être pensée la politique intérieure de la France, car le Global détermine le Local ; il est évident en effet qu’AGCS (Accord Général sur le Commerce des Services) et Directive Bolkestein ou arrêt Vaxholm correspondent à la même philosophie politique de type libéral ; en conséquence, conditions de travail avec code protégeant les travailleurs et permettant un retour véritable à la valeur « travail » en termes de rémunération comme de protection sociale pourront être appliqués en faveur du Travail dès lors que des positions claires seront arrêtées et appliquées au niveau du Global. Les politiques de logement, d’urbanisme, de sécurité dans les zones sensibles destinées à être corrigées par une meilleure mixité sociale, la lutte contre le chômage par une diminution véritable et généralisée du Temps de travail, une autre approche du système de financement des retraites, une véritable politique industrielle à l’échelle de l’Europe, tous ces points deviennent des éléments de déclinaison d’une politique économique Globale au niveau du Monde et de l’Europe ; doivent être mis en place des systèmes de protection des travailleurs et de rétorsion pour les représentants du Capital qui ne jouent pas le jeu de la citoyenneté et des valeurs qui seraient instituées. Je ne m’étendrais pas sur ces points qui découlent de ce qui précède.
(5) Néanmoins, des politiques prioritaires doivent faire l’objet de toute notre attention ; elles concernent l’information et l’éducation. En effet, les citoyens sont, actuellement, ou non informés ou contre informés par des systèmes d’information sous influence ou financière ou politique. Un seul pouvoir doit présider à la définition des orientations de l’information : une gestion tripartite par l’Etat, les usagers et les travailleurs de l’information ; exit donc tous les responsables, qui ne se plieraient pas aux décisions de ces instances tripartites, l’objectif étant de rendre l’information complète et la plus impartiale possible ; c’est à partir de là qu’un pouvoir citoyen pourra vraiment s’exercer en toute lucidité. L’Ecole doit, parallèlement,être refondée, sa mission première étant de préparer des citoyens instruits et partageant les valeurs de la République ; exit donc la kyrielle de réformes purement techniques visant à en faire un maillon de la chaîne de l’exploitation des travailleurs par le Capital selon les principes définis à Lisbonne en 2000 (l’Europe de la performance). Et l’on ne doit pas exclure que, sur le plan de l’engagement citoyen, un Service Civil correctement encadré, qui remplace le Service Militaire, soit organisé pour tous les jeunes d’une classe d’âge, les préparant d’abord à partager concrètement des valeurs citoyennes (celles de la République) et leur donnant les bases d’un apprentissage ayant pour objet de mettre en place une défense assurée par la totalité de la Nation entraînée régulièrement aux exercices de la Défense Nationale.
(6) Dans l’Europe (et non l’Union européenne, appellation qui faut référence à un modèle économique plus que citoyen), les représentants politiques de notre pays doivent agir pour qu’un changement d’alliances se dessine au niveau mondial du fait de la priorité rendue à la coopération et au développement ; l’Europe doit sortir de l’OTAN et exclure toute idée de Zone de Libre Echange Transatlantique ; la coopération étant à la base de nos relations avec les autres pays, il est clair que les objectifs du sommet du Millénaire doivent être appliqués (0,7% des PIB), que les dettes des pays du Sud doivent être effacées, que les relations officielles avec les dictatures néo colonialistes doivent faire l’objet de transformation radicale pour encourager les peuples des pays victimes de ces régimes à s’en libérer pour accéder à la démocratie et au développement. Ces orientations et ces principes doivent déterminer nos alliances privilégiées avec les pays du sud peu développés et une prise de distance progressive avec les EU d’Amérique, en tant que berceau du libéralisme et de politiques « impériales » à son service ; la question d’une défense européenne forte et indépendante de l’OTAN est, par là-même posée.
Ceci m’amène à préciser certains points :
• Evaluation et Valeurs (1)
• Démarche : Démocratie et « Citoyennisation » (2)
• Mondialisation et Europe, mitage du capitalisme, remise en cause du mythe de la croissance (3)
• Politique intérieure (4)
• Domaines d’action prioritaires et sens : Information ; Objectifs de l’Ecole (5)
• Alliances (6)
(1) Il convient, d’abord, d’évaluer les effets des politiques mondiales, qui sont les mêmes partout, puisque toutes résultent de l'application du Consensus de Washington, véritable idéologie néo-libérale économique résultant des conclusions de « l’école de Chicago ». L’on s’apercevra alors qu’elles transforment toute réalité, tout produit issu de la nature ou de l’ingénierie humaine en marchandise, quels qu’en soient les effets sur l’humanité, largement négatifs pour l’immense majorité des humains. Or, ce qui « vaut », c’est ce qui correspond au bien du plus grand nombre. Il existe des Biens Communs Mondiaux ; sans eux, pas de développement possible. Ces Biens doivent être garantis à tous par les puissances politiques résultant des expressions démocratiques de tous. Il y a donc des biens matériels (eau, énergies, souveraineté alimentaire, santé, développement, biodiversité …) et citoyens (démocratie,instruction, information, culture…). Pas de valeur qui ne passe par le droit de tous de disposer de ces biens. Ceci passe par l’établissement de Services Publics établis sur des bases d’égalité, de liberté et de fraternité ; la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme est le garant de la valeur de ces biens et de ces services ; et si ces derniers ont un coût, la péréquation de leur prix est un moyen de les rendre égaux pour tous; leur prix n’est pas marchand mais doit relever de la décision politique.
(2) Toute atteinte aux droits de l’homme est une violence. Notre démarche, démocratique, exclut cette violence. D’où la nécessité d’affirmer que des organes politiques garantissant la paix dans tous les pays et entre les pays doivent disposer des moyens leur permettant d’agir avec le consentement des ETATS, qui définissent les actions à conduire pour le Développement et la Paix, et ce à partir de décisions collectives prises démocratiquement à égalité de pouvoir pour chaque Etat. Ceci signifie la réforme d’un certain nombre d’institutions internationales, soit politiques (ONU …), soit financières (Banque Mondiale, Banques Centrales, FMI, clubs divers …), soit commerciales (OMC), qui servent de fait à mettre en œuvre le Consensus de Washington. Ceci ne signifie pas la fin de toute régulation, bien au contraire, mais la soumission des coordinations nécessaires à la gouvernance politique démocratique. Et, comme tous les Etats ne sont pas démocratiques, il convient d’engager des démarches collectives permettant, pacifiquement mais fermement, de provoquer les transitions nécessaires des Etats dictatoriaux vers des Etats régis par des procédures démocratiques (démarches diplomatiques mais, aussi, si elles ne parviennent pas à leur fin, gels des avoirs bancaires, boycott commercial, par exemple …). Précisons aussi, pour la vie politique interne, que la pratique démocratique ne se limite pas aux périodes électorales, mais qu’elle doit s’étendre à toutes les fonctions de la vie sociale (séparation totale des 3 pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire, dans l’entreprise pour tous les salariés, avec des gestions tripartites dans les Services Publics : Etat, citoyens, travailleurs du service considéré, avec l’assistance juridique gratuite pour les nécessiteux, par exemple…) A cet égard, des organismes comme les outils de communication (ex des chaînes de TV) ou de protection sociale (Sécurité Sociale) doivent être extraites du secteur marchand et gérées de manière tripartite (usagers, Etat, travailleurs du secteur). Des débats sur des sujets citoyens doivent pouvoir être organisés (conférences de citoyens …), à l’initiative d’un quota de citoyens à définir (référendums d’initiatives citoyenne). Tout mandat d’élu doit faire l’objet de contrôles citoyens. Ces mandats doivent être strictement limités, en nombre de fonctions (au maximum 1 mandat local et 1 mandat national ou européen). La parité « Hommes-Femmes » doit être établie dans des délais les plus courts grâce à l’établissement d’un statut de l’élu, le libérant de charges et de risques, qui rendent impossibles certains engagements.
(3) Le « nouveau » capitalisme, à dominance financière (d’où l’appellation de néo-libéralisme économique), est à l’origine de l’état actuel des tensions guerrières dans le monde et de la remise en cause de l’équilibre écologique de la planète, dans la mesure où il n’est que marchand ; tout au plus, ce capitalisme là encourage t’il certaines actions humanitaires, réduit à du caritatif qui ne remet pas en cause son pouvoir politique. L’illustration du fonctionnement des institutions néo-libérales (OMC, FMI …), qui a comme principe 1° « une libre concurrence » toujours plus avancée, démontre à lui seul que ce système économique n’est pas compatible avec l’autonomie d’Etats démocratiques, libres et autonomes. Ce ne sont pas les Etats qui doivent être soumis à ces organismes et à tout organe technique mais ce sont ces organismes, qui doivent être soumis à leur pouvoir démocratique. Une Gauche renouvelée ne peut donc faire aucune concession aux principes du capitalisme. Elle doit les combattre constamment, y compris en encourageant tout système économique dit « alternatif », tel que commerce équitable, coopératives ouvrières autogérées … qui permettra de le miter. Des encouragements publics à ce type de structure doivent être engagés. Si l’on veut définir des principes d’action, il convient de se référer aux propositions suivantes : « (1) s’approprier comme étant « politique » ce qui, dans l’économie, est décrété aujourd’hui purement économique ; ainsi, le partage du temps de travail ou les retraites ne sont pas qu’une question économique ; ce sont des conditions pour « disposer d’un Temps pour la politique ». (2) politiser dans l’économie ce qui est indispensable à la politique pour agir sur le social ; ainsi, en s’interrogeant sur le « Que produire ? », l’on est amené à se poser des questions sur la nécessité de biens ou de services, qui permettent la réalisation de la démocratie ; et l’on s’aperçoit alors que ces biens et services doivent être produits pour que tous y aient accès dans les mêmes conditions » (réf sur ces sujets à l’ouvrage de Patrick Braibant : « Lettre eux anticapitalistes (et aux autres) », éditions L’Harmattan). C’est ainsi que la démocratie prendra le pas sur « l’économisme » du capitalisme. Pour parvenir à ces fins, il est nécessaire de s’appuyer sur une autre construction européenne, qui tourne le dos au TME, et ce à partir d’une Constituante résultant de la consultation et du vote référendaire des peuples européens ; parmi les points clés à inscrire dans ce texte, il convient de noter : séparation des 3 pouvoirs, restitution du rôle entier du Parlement, remise en cause du principe de la concurrence libre et non faussée, soumission de la BCE aux pouvoirs politiques, vrai budget qui permette une aide significative aux nouveaux entrants pour permettre leur développement, vraie Charte sociale, harmonisation des droits sociaux et des fiscalités, redéfinition de services publics « péréqués »…. Il conviendrait aussi ici de rompre avec le mythe d’une économie de la croissance, contradictoire avec la défense de la planète ; des thèses comme celles de Amartya Sen, mettant en exergue les valeurs de Développement global dans la justice et la liberté de tous, devraient présider à la définition d’une économie alternative au « tout croissance » incompatible avec le Développement et la Paix.
(4) C’est sur ces fondements que doit être pensée la politique intérieure de la France, car le Global détermine le Local ; il est évident en effet qu’AGCS (Accord Général sur le Commerce des Services) et Directive Bolkestein ou arrêt Vaxholm correspondent à la même philosophie politique de type libéral ; en conséquence, conditions de travail avec code protégeant les travailleurs et permettant un retour véritable à la valeur « travail » en termes de rémunération comme de protection sociale pourront être appliqués en faveur du Travail dès lors que des positions claires seront arrêtées et appliquées au niveau du Global. Les politiques de logement, d’urbanisme, de sécurité dans les zones sensibles destinées à être corrigées par une meilleure mixité sociale, la lutte contre le chômage par une diminution véritable et généralisée du Temps de travail, une autre approche du système de financement des retraites, une véritable politique industrielle à l’échelle de l’Europe, tous ces points deviennent des éléments de déclinaison d’une politique économique Globale au niveau du Monde et de l’Europe ; doivent être mis en place des systèmes de protection des travailleurs et de rétorsion pour les représentants du Capital qui ne jouent pas le jeu de la citoyenneté et des valeurs qui seraient instituées. Je ne m’étendrais pas sur ces points qui découlent de ce qui précède.
(5) Néanmoins, des politiques prioritaires doivent faire l’objet de toute notre attention ; elles concernent l’information et l’éducation. En effet, les citoyens sont, actuellement, ou non informés ou contre informés par des systèmes d’information sous influence ou financière ou politique. Un seul pouvoir doit présider à la définition des orientations de l’information : une gestion tripartite par l’Etat, les usagers et les travailleurs de l’information ; exit donc tous les responsables, qui ne se plieraient pas aux décisions de ces instances tripartites, l’objectif étant de rendre l’information complète et la plus impartiale possible ; c’est à partir de là qu’un pouvoir citoyen pourra vraiment s’exercer en toute lucidité. L’Ecole doit, parallèlement,être refondée, sa mission première étant de préparer des citoyens instruits et partageant les valeurs de la République ; exit donc la kyrielle de réformes purement techniques visant à en faire un maillon de la chaîne de l’exploitation des travailleurs par le Capital selon les principes définis à Lisbonne en 2000 (l’Europe de la performance). Et l’on ne doit pas exclure que, sur le plan de l’engagement citoyen, un Service Civil correctement encadré, qui remplace le Service Militaire, soit organisé pour tous les jeunes d’une classe d’âge, les préparant d’abord à partager concrètement des valeurs citoyennes (celles de la République) et leur donnant les bases d’un apprentissage ayant pour objet de mettre en place une défense assurée par la totalité de la Nation entraînée régulièrement aux exercices de la Défense Nationale.
(6) Dans l’Europe (et non l’Union européenne, appellation qui faut référence à un modèle économique plus que citoyen), les représentants politiques de notre pays doivent agir pour qu’un changement d’alliances se dessine au niveau mondial du fait de la priorité rendue à la coopération et au développement ; l’Europe doit sortir de l’OTAN et exclure toute idée de Zone de Libre Echange Transatlantique ; la coopération étant à la base de nos relations avec les autres pays, il est clair que les objectifs du sommet du Millénaire doivent être appliqués (0,7% des PIB), que les dettes des pays du Sud doivent être effacées, que les relations officielles avec les dictatures néo colonialistes doivent faire l’objet de transformation radicale pour encourager les peuples des pays victimes de ces régimes à s’en libérer pour accéder à la démocratie et au développement. Ces orientations et ces principes doivent déterminer nos alliances privilégiées avec les pays du sud peu développés et une prise de distance progressive avec les EU d’Amérique, en tant que berceau du libéralisme et de politiques « impériales » à son service ; la question d’une défense européenne forte et indépendante de l’OTAN est, par là-même posée.
vendredi 8 février 2008
AGCS et Municipales de Montélimar
AGCS et Municipales 2008 à Montélimar :
A Plan de l’intervention :
Définition : L’AGCS (Accord Général sur le Commerce des Services) est une annexe à la réglementation de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), votée en novembre 1994 à l’occasion du passage de la structure GATT (General Agreement on Tarifs and Trade ou « Accord Général sur les Tarifs Douaniers et le Commerce »), faisant partie de l’Organisation des Nations Unies (ONU) à la structure OMC, indépendante de l’ONU, de sa Charte, de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, du Pacte des Droits Economiques, sociaux et culturels et de la Charte des Droits et Devoirs Economiques des Etats. .
Comprendre l’AGCS :
• les règles de l’OMC
• les règles de l’AGCS
Ces règles surpassent celles des Etats et s’imposent à toutes les instances publiques issues du vote citoyen, du local (communes, communauté de communes) au global (Union de peuples comme l’Union Européenne (UE) ; Etats ; Conférence Mondiale des Etats ou d’Union d’Etats, en tant qu’entités commerciales).
De l’AGCS à la doctrine économique de l’UE : même logique, même combat : « la concurrence libre et non faussée ». Services Publics (SP), Services d’Intérêt Economique Général (SIEG) et Services d’Intérêt Général (SIG) : différences importantes entre ces « services », appuyées sur des exemples : Eau, Transports, Energie, Communications (services marchands)… mais aussi Education, Santé (Services dits « non marchands ») ; et pourtant … ?
Les risques qu’encourent tous services publics et réglementation citoyennes avec l’AGCS et « la concurrence libre et non faussée » qu’il défend : les distorsions de concurrence étant un frein à l’AGCS, il faut donc les limiter, voire les supprimer. Exemples, généraux d’abord, communaux ensuite.
Alors, que faire ?
- les luttes engagées
- les engagements à prendre et à réaliser
- les informations à donner, les formations à dispenser ;
Le vrai combat citoyen, face à l’AGCS, est le combat pour la DEMOCRATIE, aux niveaux mondial et européen, et à tous les niveaux électifs nationaux, régionaux et locaux. Exemples à l’appui : OMC, ONU, Union Européenne (UE), Communes (« du global au local »).
Débat ouvert à la situation locale.
Albert Richez,
Membre du Conseil Scientifique d’ATTAC France
Intervention :
Dans quelques semaines, vous allez élire un nouveau Conseil Municipal avec la conviction qu’il peut changer la donne à Montélimar dans bien des domaines, tels que celui d’une démocratie plus proche des citoyens ou tel que l’établissement ou le rétablissement de services municipaux, qui auraient valeur de SP. Anne Jahandier (04 75 53 07 36) et Marcel Magnon (04 75 53 05 32), que je remercie pour leur accueil et leurs compléments d’information lors de nos 1° contacts, m’ont expliqué la réalité politique montilienne d’aujourd’hui, tant en termes de variation d’options politiques (y compris chez un même élu) que d’historique des pseudo-alternances dans cette même ville ; j’ai été particulièrement intéressé par les faits suivants, dont ils m’ont informé: les services de l’eau ont été privatisés dès 1986 (SOR ; STIE) et, plus récemment, le nettoyage des écoles et des bâtiments municipaux ont été confiés à une société privée ; ces 2 faits concernent les SP dans une collectivité territoriale. Alors, en quoi une réflexion sur l’Accord Général sur le Commerce des Services (AGCS) peut elle aider les Montiliens à rétablir ou à instituer de vrais services publics dans votre ville grâce à un nouveau Conseil ?
Cette question devrait être simple à traiter si nous étions dans une vraie démocratie et hors d’influences de pouvoirs gigognes qui, de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), à la commune en passant par l’Union Européenne et les lois de décentralisation de 82-83 et 99, ne nous emprisonnaient pas dans des règles juridiques et dans des carcans financiers, qui font du Capital aujourd’hui le maître de bien des décisions. Les arcanes de l’AGCS expliquent assez bien les pouvoirs gigognes que nous subissons ; un communiqué de Danielle Mitterand du 31 janvier 2008 pour France-libertés et à propos d’un conflit juridique, que les habitants de Neufchateau dans les Vosges ont perdu face à Véolia en décidant de récupérer leur gestion de l’eau, nous informe sur le 2° risque : le tribunal administratif de Nancy les a en effet condamnés à verser près de 1,7 millions d’euros (soit plus de 217 euros par habitants, y compris les enfants) à une filiale du groupe VEOLIA pour compenser le manque à gagner financier de ses actionnaires lors du retour de l’eau en régie municipale.
Une fois connus les informations et les risques liés aux arcanes juridiques , comment agir ? J’émettrai quelques suggestions et, surtout, nous débattrons.
D’abord l’AGCS :
Rapide Historique : L’AGCS (Accord Général sur le Commerce des Services) est donc une annexe à la réglementation de l’OMC, votée en novembre 1994 au sommet de l’Uruguay Round de Marrakech, à l’occasion du passage de la structure GATT (« Accord Général sur les Tarifs Douaniers et le Commerce ») à la structure OMC; primitivement, en 1946, John Maynard Keynes, qui était l’architecte de la Banque Mondiale et du Fond Monétaire International (FMI) dans le cadre des Nations Unies, voulait créer un 3° pilier pour équilibrer l’ensemble de son œuvre ; et, effectivement, après son décès survenu en 1946, la Conférence de La Havane de 47-48 négocia les statuts de l’Organisation Internationale du Commerce (OIC), qui correspondait à l’intuition de Keynes, en présence de 56 pays. L’OIC faisait partie de l’Organisation des Nations Unies (ONU). Mais les Etats-Unis d’Amérique ayant refusé de ratifier sa Charte, parce qu’elle prévoyait de substantielles garanties pour les travailleurs, seul ne survécut de cette Charte que son chapitre IV sous le nom de GATT ; et celui-ci, travaillant par cycles de négociations successifs appelés Rounds, a réussi, en 40 ans d’existence, à abaisser les droits de douane des produits manufacturés de 40-50% à 4-5%. Lors de la conclusion du dernier Round à Marrakech, les 132 pays appartenant alors au GATT, en entérinant les milliers de pages des statuts de la nouvelle structure et de ses annexes , acceptaient ses principes libéraux et ses règles, censés avoir une valeur juridique supérieure à celle des Etats et indépendante de l’ONU, de sa Charte, de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, du Pacte des Droits Economiques, sociaux et culturels et de la Charte des Droits et Devoirs Economiques des Etats. Dans les textes ainsi votés, figuraient donc toute une série d’accords , dont l’AGCS.
Comprendre l’AGCS , c’est d’abord comprendre l’OMC :
L’OMC vise à instaurer un libre-échange intégral, conforme aux fondements et à l’expérimentation qui donna naissance au Consensus de Washington , sans que puissent lui être opposées les lois des Etats et de toutes les instances publiques issues du vote citoyen, du local (communes, communauté de communes) au global (Union de peuples comme l’Union Européenne (UE) ; Conférence Mondiale des Etats ou d’Union d’Etats), ni des impératifs sociaux ou environnementaux. Les Etats sont donc réduits, de fait, à n’être que des entités commerciales.
Et l’OMC est porteuse de cette idéologie dans son organisation, ses modes de fonctionnement et ses principes directeurs :
- Idéologie : L’extension indéfinie du libre échange est censée faire baisser les prix et, par voie de conséquence, accroître la croissance, augmenter l’allocation de ressources et accélérer le développement. Cette idéologie, érigée en dogme, est totalement infirmée par les faits : les plus pauvres deviennent plus pauvres et les riches plus riches ; les SP disparaissent peu à peu en tant qu’établissant l’égalité pour tous face à un certain nombre de Biens, entraînant notamment un recul de l’alphabétisation et de la santé.
- Organisation et fonctionnement : les compétences de l’OMC portant sur tout type de produits (le GATT n’avait compétence que sur les produits manufacturés), l’OMC fonctionne à partir de 29 accords sectorisés, tels « Agriculture » (AsA) ; Droits de propriété intellectuelle liés au commerce (ADPIC); Investissement ; Règles et procédures concernant l’Organe de Règlement des différends (ORD), dont certains arrêts sont célèbres : Banane, bœuf aux hormones, guerre du coton; Accès aux marchés non agricoles (NAMA), Accord Général sur le Commerce des Services (AGCS). A partir de ces accords décidés à Marrakech, sont « négociées », tous les 2 ans, des listes de secteurs à libéraliser avec les représentants des Etats ou de groupements d’Etats (UE), lors des conférences ministérielles et de manière quasi permanente, lors de négociations incessantes au siège de l’OMC à Genève ou lors des séances en formation restreinte du Conseil Général de l’OMC ; et ces décisions, prises sans vote mais « à l’unanimité, » deviennent immédiatement applicables pour l’ensemble des membres de l’OMC. Et, dès qu’un accord multilatéral de libre échange est signé dans un domaine ou par un marchandage entre divers domaines, l’OMC vise de nouveaux accords dans d’autres domaines : le libre échange avance et ne recule jamais, sauf par compensation au prix fort, accordée lors d’une nouvelle négociation ! Et sur quelles bases sont négociés ces accords ? A partir de principes qui guident l’action de l’OMC :
• Interdiction de réserves (politiques, économiques, environnementales, sociales) aux échanges commerciaux … Ainsi est-il interdit de discriminer la valeur de produits similaires sur la base de processus et de méthodes de production (PMP), qui pourraient justifier des prix plus élevés (travail des enfants, par ex) !
• Négociations permanentes sans qu’un terme ne soit jamais fixé, l’objectif étant d’atteindre sur le long terme le libre échange intégral.
• Transparence des décisions des Etats, qui doivent rendre compte à l’OMC de nouvelles lois qui modifieraient les contrats passés lors des conférences ministérielles internationales antérieures.
• « Nation la plus favorisée » (NPF) , selon laquelle un pays membre de l’OMC ne peut accorder une faveur à un autre membre sans qu’il l’accorde à tous ; ainsi, les subventions étant concernées par ce dispositif, les subventions versées à tel metteur en scène du cinéma africain doivent l’être aussi à ceux d’Hollywood !
• Traitement National (TN) : les mêmes décideurs s’engagent à traiter les fournisseurs étrangers au moins aussi bien que les fournisseurs nationaux.
• Accès aux marchés : une instance décisionnelle (Etat, Conseil Général ou Régional, Commune ou Communauté de Communes, par exemple) ne doit limiter ni le nombre de ses fournisseurs ni le montant de leurs investissements ou le volume de leurs transactions (cf marché publics en France mais aussi dans les pays moins développés ..)
• Interdiction (théorique) du dumping : Ceci voudrait dire, par ex, que ne pouvant vendre en dessous des coûts de production, toute aide de l’Etat à des producteurs pour faciliter leurs exportations devrait être interdite. Or, il n’en est rien : cf les aides que les EU d’Amérique accordent à leurs producteurs d’acier ou à leurs agriculteurs; de même pour la PAC dans l’UE (même déguisées par le système des « boîtes rouge, orange, verte et bleue »).
Ces orientations ont déterminés les orientations des travaux de tous les sommets de l’OMC, de Singapour (97) à Hong Kong (2005), en passant par Seattle(99), Doha (2003), Cancun (2005) ; il s’agit, pour l’OMC, de maintenir une parfaite continuité de politique commerciale.
C’est dans ce contexte que l’AGCS s’applique aux services : Bien qu’accord annexe, l'AGCS est un accord fondateur pour l'OMC! Elle est un atout pour l’Europe libérale et, bien sûr, pour les Sociétés Transnationales (STN) : "tout doit devenir "marchandise!" Pour l’UE, l’AGCS revêt une importance économique majeure; d’ores et déjà, l’UE est le 1° exportateur mondial de services avec plus de 40% des mouvements commerciaux dans ce domaine et, à terme, les services représenteront 85% des emplois. Enfin, les Services correspondent à 25% des mouvements commerciaux dans le Monde!
La complexité, la discrétion, voire l'opacité, qui entourent les négociations sur l'AGCS, rendent difficile sa compréhension par le grand public, voire même par les élus nationaux, souvent écartés des procédures de négociations européennes! Par contre, l'ensemble des domaines de négociation de l'OMC sont suivis avec une grande vigilance par les STN, qui n'hésitent pas à pratiquer un lobbiing incessant auprès des commissaires politiques des divers entités politiques et, même auprès des élus, notamment au parlement européen! Les négociations sur l’AGCS sont incessantes ; et elles n'ont pour seul objet que d'élever progressivement le niveau de libéralisation, l'AGCS concernant "tous les services, présents et futurs » ; ceux-ci sont classés en 12 secteurs: "services aux entreprises, communications, travaux publics et "ingienierie", distribution, éducation, environnement (dont l'eau); finances, santé et services sociaux, tourisme, loisirs, culture et sports, transports et "autres"! Les services peuvent être fournis de 4 manières appelés "modes": Mode 1- La prestation transfrontière: le service passe la frontière, en partant d'un pays pour être consommé dans un autre pays (ex : la diffusion d'un programme de télévision par satellite, la transmission d'une consultation d'avocat à un client situé à l'étranger par courrier, fax ou mél, l'exécution d'une opération de change par un opérateur londonien pour un épargnant parisien ). Mode 2 - La consommation à l'étranger: le consommateur passe la frontière (ex : le touriste se rend dans un hôtel à l'étranger puis y loue un véhicule ). Mode 3 - L'établissement à l’étranger: le fournisseur passe juridiquement la frontière pour venir investir et s'implanter dans un pays étranger (ex : une compagnie aérienne ouvre un bureau de représentation à l'étranger, une banque ouvre une succursale, une chaîne de coiffure ouvre un salon ). Mode 4 - Le mouvement temporaire de personnes physiques: le fournisseur du service passe la frontière sous forme d'un déplacement physique de personnes, pour une période limitée (ex : la réalisation d'une mission d'audit ou d'expertise, l'envoi d'agents sur un chantier de construction). Ce mode 4 est particulièrement dangereux pour « casser les salaires »; ainsi peut-il permettre l’entrée de travailleurs dans l’exacte mesure des exigences des employeurs transnationaux ou faire accomplir le travail ailleurs, et le salaire comme les avantages sociaux peuvent demeurer ceux du « pays d’origine » ; c’est ainsi que l’OMC elle-même délocalise ses traductions chez des travailleurs à domicile dans des pays partout dans le Monde.
Chronologiquement, après l'échec de l'Accord Multilatéral d'Investissement (AMI) en 1997 - qui était une anticipation de l'AGCS-, grâce à la décision du gouvernement Jospin, la négociation sur l'AGCS a été relancée au sommet de l'OMC de Doha en novembre 2001! Et selon un calendrier précis, qui devait aboutir à l'application des décisions le 1° janvier 95! Le sommet de Cancun était, dans ce processus, un moment fort de la négociation! Mais, pour d'autres raisons que celles de l'AGCS, Cancun n'a pu aller à son terme. Nous savons maintenant quels sont les "services", qui, après Doha, avaient été proposés à la libéralisation par l'Europe aux autres pays de l'OMC. Il s'agissait:
- des services postaux et du courrier
- des services de télécommunication
- des services des bâtiments et travaux publics
- des services de distribution
- des services de l'environnement (notamment le traitement des déchets …)
- des services financiers.
Nous savons aussi que, même si la santé, l'enseignement, l'audiovisuel et l'eau étaient théoriquement exclus des offres de libéralisation en tant que secteurs, par l'intermédiaire des modalités de fournitures de services 3 et 4, qui concernent la libéralisation de l'investissement étranger et l'accès au marché du travail de travailleurs d'autres pays, ces secteurs sont concernés (ex des informaticiens indiens dans les Universités)…
Tous les services publics sont donc bien menacés, d’autant qu’un flou juridique est entretenu à leur sujet. En effet, les services de propagande de l’OMC font grand cas du fait que les gouvernements ne sont pas obligés d’inscrire l’éducation, la santé, l’environnement, la culture ou tout autre service sur leurs listes d’engagements de libéralisation ; ils peuvent aussi, disent-ils, choisir le degré d’accès au marché qu’ils sont prêts à accorder dans chaque domaine. C’est exact mais ce qui n’est pas dit, c’est que ces listes d’engagements sont destinées à être allongées au cours des négociations successives. Si l’on se réfère aux textes connus de l’OMC, l’éducation, l’environnement, la santé sont dans la ligne de mire de l’OMC en ce qui concerne leur libéralisation . Mais une autre confusion juridique menace certains services publics, telle l’éducation et la santé ; dans l’article I,3, b de l’AGCS, il est dit que les services objets d’un accord « comprennent tous les services dans tous les secteurs, à l’exception des services fournis dans l’exercice du pouvoir gouvernemental ». Or, l’éducation et la santé sont fournis dans « l’exercice du pouvoir gouvernemental » ; mais, dès le I,3, c, cette exception est aussitôt réduite, car, pour échapper aux règles de l’AGCS, le service ne doit être fourni par le gouvernement ni sur une base commerciale ni en concurrence avec un ou plusieurs fournisseurs de service. » Or, les services éducatifs et de santé étant concurrencés par des services privés, ils n’échappent donc pas aux règles de l’OMC. Toute activité humaine est donc, dès lors, menacée par les règles de l’AGCS !
Et nous pouvons maintenant imaginer, en illustration et au regard des règles de « libre échange » à étendre dans tous les secteurs d’activités humaines, les conséquences de l'application de l'AGCS sur l'ensemble des services de notre pays et sur les SP en particulier:
• toute entreprise bénéficiant d'un régime particulier en accord avec les lois d'un Etat apparaît immédiatement comme relevant des sanctions de l'OMC puisque ces réglementations sont immédiatement invoquées comme autant d'obstacles à la concurrence: ex des coopératives et des mutuelles d'une part, ainsi que les associations recevant des subventions d'autre part …
• dans le domaine social du travail, le SMIC est répertorié comme obstacle au commerce! La Sécu parce que ne remboursant que les soins dispensés sur le territoire national! Les limitations de redevances d'eau, d'électricité, de gaz pour les familles nécessiteuses sont directement menacées! La Médecine du Travail, les quotas d'emploi de personnes handicapées, les prud'hommes sont autant d'entraves à la possibilité de fixer des prix sans entraves! De même pour les diplômes, les normes de qualification, les statuts professionnels, qui encadrent les conventions collectives! Les lois informatiques sur la protection de la vie privée! Enfin, toutes les dispositions réglementaires et fiscales, qui garantissent un accès universel à un service (ex des villages enclavés) et la péréquation tarifaire des SP!
• Dans le domaine de l'environnement, mêmes objections à toute entrave réglementaire au commerce: ainsi des lois de protection des nappes phréatiques ou de protection des espaces naturels … ex de l'UE qui a demandé au Mexique et au Brésil l'abrogation de leurs lois sur la protection des littoraux et des nappes phréatiques, afin de permettre le pompage de ces nappes sans contrainte, comme c'est déjà le cas parfois pour le pétrole!
Et l'on pourrait poursuivre …
Et, vous l’avez sans doute remarqué : nous nous situons là dans le même contexte que ce que nous avait présenté le projet de Constitution Européenne (et maintenant le TME) lorsqu’il nous présentait le principe de « la concurrence libre et non faussée » comme l’axe directeur de l’économie et de la politique européennes ! De l’AGCS à la doctrine économique de l’UE : même logique, même combat . L’exemple le plus probant à cet égard est celui des SP ; il ne s’agit pas d’entretenir la confusion, comme avait tenté de le faire J Chirac, dans l’émission préparatoire au vote du projet de Constitution avec les jeunes, entre Services Publics à la française (SP), Services d’Intérêt Economique Général (SIEG) et Services d’Intérêt Général (SIG) : entre ces 3 expressions, les différences sont de taille : les 1° sont délivrés avec « péréquation de prix » (prix « politique ») et avec des fonctionnaires disposant d’un statut public, les SIEG sont marchands, c’est à dire que leur prix correspond à un coût dans un contexte au départ concurrentiel, et les SIG, comme on l’a vu tout à l’heure, dès lors qu’ils sont concurrencés, peuvent être privatisés. Exemples : Eau, Transports, Energie, Communications (services marchands)… mais aussi Education, Santé (Services dits « non marchands ») … Les risques qu’encourent tous services publics dans le cadre de l’AGCS sont donc liés à « la concurrence libre et non faussée », que cet accord promeut ; et les distorsions de concurrence étant un frein à l’AGCS, il faut donc les limiter, voire les supprimer.
Face à cette situation, évoquons les exigences citoyennes à revendiquer :
- Sur le plan général, ce que nous voulons, c’est :
• Le Droit des gouvernements à protéger leurs économies
• La Capacité des Gouvernements de mener des politiques conformes aux intérêts de leurs populations.
• La Possibilité de favoriser en priorité les échanges sur une base régionale.
• La Réforme du système d’échange Nord Sud pour le stabiliser, ce qui suppose de travailler à la fois sur la fixation des prix des matières premières et sur le système monétaire international .
• L’Etablissement de bases nouvelles pour les échanges internationaux : une écologie solidaire et émancipatrice.
- Toujours sur le plan général, ce qu’ATTAC exige, c’est :
• Un moratoire sur toute négociation fondée sur le libre échange ;
• une évaluation des politiques de l’OMC ;
• le refus de toute augmentation des pouvoirs et compétences de l’OMC ;
• la subordination de l’OMC aux Chartes internationales des Droits de l’Homme ;
• le retrait de la compétence de l’OMC des secteurs essentiels ou Biens Communs de l’Humanité ;
• l’abrogation de l’article 1-3-c de l’AGCS en ce qui concerne les Services Publics soumis à la concurrence ;
• le respect systématique du principe de précaution ;
• l’interdiction du brevetage du vivant ;
• l’accès effectif de l’ensemble de l’humanité aux médicaments ;
• le droit des pays et des macro-régions d’assurer la souveraineté et la sécurité alimentaires de leurs ressortissants et de protéger leur agriculture paysanne ;
• la redéfinition du mandat de la commission européenne à l’OMC.
Mais il est temps, maintenant, d’en venir aux situations locales et à la situation montilienne : face aux risques que révèle l’AGCS, que peut-on et doit-on faire localement?
Nous ne sommes pas sans outils : ATTAC a travaillé sur cette question du local, à partir des années 2000 avec des acteurs de collectivités locales. Ces travaux sont rapportés dans un petit livre des Mille et une Nuits « Agir local, penser global ». Dans les annexes de ce petit livre, l’on trouve (1) l’Appel de Morsang, (2) une information sur les collectivités locales et (3) la Charte Européenne dans la ville ; ces 3 documents peuvent guider utilement les réflexions d’un élu municipal ; je m’appuierai ici, exclusivement, sur l’Appel de Morsang pour lancer le débat de ce soir :
• Cet Appel a été réalisé lors d’un Colloque National réalisé à Morsang (Essonne) par ATTAC-France, avec la collaboration active de la municipalité de cette ville, les 28 et 29 janvier 2000. Il résulte de la prise de conscience par un certain nombre de militants et d’élus du danger représenté par l’AGCS.. C’est un appel aux élus locaux pour qu’ils répondent à une quintuple demande des citoyens de leur ville : démocratie locale ; besoins de financement en faveur de l’emploi et du développement ; besoin de développement, qui, avec les acteurs locaux et des acteurs privilégiés que sont les entreprises du secteur coopératif et de l’économie solidaire, rompt avec la marchandisation de certains biens publics (notamment l’eau) ; besoins culturels ; besoins d’échanges et de coopération. Partant des besoins et non d’une vision strictement marchande des relations sociales, l’appel de Morsang est un appel aux municipalités à faire de la démocratie participative locale et des Services Publics, qui en découlent, l’axe de leur politique locale. Et, symboliquement, c’est un appel à toutes les collectivités territoriales du monde à s’exclure du champ de l’AGCS ; et cet appel a réussi ! Vous trouverez sur le site d’ATTAC les noms des 816 collectivités, qui se sont déclarés « hors AGCS » (Conseils Régionaux et Généraux, Communes et communautés intercommunales, Universités … villes d’autres pays européens), ainsi que le type de motion, qui peut être adoptée par une collectivité, lorsqu’elle se déclare « hors AGCS » et, enfin, l’argumentation à opposer au préfet si celui-ci somme une collectivité de retirer son voeu
• Le nouveau Conseil Municipal de Montélimar peut donc émettre un vœu déclarant la commune hors AGCS, comme l’ont fait le Conseil Général de la Drôme ainsi que les communes d’Eygalaye, Comps, Beaumont sur Diois, Mirabel et Blacons, Romans, St Marcellin, St Michel de Savasse et St Vallier sur Rhône.
• Mais ceci n’est pas l’essentiel.
Le vrai combat citoyen, face à l’AGCS, est le combat pour la DEMOCRATIE, à tous les niveaux électifs mondiaux, nationaux, régionaux et locaux.
Cela veut dire concrètement : permettre la confrontation, au quotidien, des élus avec les citoyens de base, en prenant appui sur des expériences communales qui existent sur ce sujet dans d’autres collectivités conduisant des actions volontaristes dans le domaine de la démocratie participative (cf ATTAC National) ; ce qui veut dire aussi : créer des commissions extra municipales ; engager des expériences de budget participatif (soit, comme à Porto Alegre, une part de budget vis à vis duquel les habitants d’un quartier peuvent faire des propositions directes d’emploi) ; encourager la vie associative, conduire une politique de services publics dans des domaines comme le logement, l’eau, l’assainissement, les réseaux de communication, le traitement des déchets ménagers, la restauration collective, l’aide à la personne notamment en ce qui concerne les personnes âgées et les handicapés, les transports inter et entra urbains ; doter les écoles de moyens qui permettent de donner toutes leurs chances aux enfants des milieux les plus défavorisés ; développer des structures culturelles ; porter une attention soutenue à tout ce qui touche à la préservation des activités salariées dans le bassin d’emploi et soutenir une activité qui s’avérerait en danger … Et l’on peut, en fonction de la situation locale, préciser ou allonger la liste. A l’objectif marchand développé par l’OMC ou l’UE, dans l’AGCS ou dans des directives du type Bolkestein, une collectivité, qui se veut citoyenne, engage ainsi une politique, qui construit de la solidarité et de la responsabilité collective, la contradiction à éviter étant, bien sûr, de se « déclarer hors AGCS » et livrer au secteur privé un service public, de transport ou de restauration collective, par ex – et il se trouve que ce type de comportement a existé dans certaines villes « hors AGCS »….
Voilà, j’ai fourni de l’information et suggéré des pistes : il est temps de passer au débat pour préparer de manière citoyenne les prochaines municipales à Montélimar.
Débat ouvert à la situation locale.
Albert Richez,
Membre du Conseil Scientifique d’ATTAC.
Notes de fin de document :
Cf texte de Danielle Mitterand :
31 janvier 2008
France-libertes.fr - Vous trouverez ci-dessous le texte intégral du communiqué que j’adresse ce jour à l’AFP pour prendre la défense des habitants de Neufchâteau et de leur maire
« La commune de Neufchâteau (Vosges) c’est-à-dire ses presque de 8000 habitants ont été condamnés par le Tribunal Administratif de Nancy à verser près de 1,7 millions d’euros (soit plus de 217 euros par habitants y compris les enfants) à une filiale du groupe VEOLIA à cause de la résiliation par le maire du contrat de gestion de l’eau qui liait (et étranglait) la commune à ce géant de l’Eau pour cause d’irrégularités et pour manque absolu de transparence.
L’UFC Que choisir avait déjà souligné les surfacturations importantes du service de l’eau fournis dans de nombreuses villes par les géants privés de la distribution de l’eau comme Veolia et Suez.
Pour nous tous, cette condamnation est un avertissement : inconsidéré. Une entreprise privée qui n’est plus autorisée par des élus du peuple à faire des profits sur le dos des citoyens dans un service public vital, a le pouvoir de faire payer à ces mêmes citoyens des amendes colossales pour compenser le manque à gagner financier de ses actionnaires.
Pendant que nos politiciens nous amusent avec des idées vagues, des images de comédie et de boulevard ou nous effraient avec le chiffon rouge élimé du danger migratoire, des enjeux démocratiques fondamentaux sont gravement menacés en coulisse : Les conditions de notre survie, de notre dignité, de notre citoyenneté réelles sont en train d’échapper totalement à notre contrôle pour le plus grand profit d’une oligarchie que nous n’avons pas élue et sur laquelle nous n’avons AUCUN contrôle. C’est cela qui devrait être en couverture du Nouvel Observateur ou de l’Express et pas telle ou telle starlette d’un jour.
Ne nous laissons pas impressionner par des explications alambiquées et contradictoires, par des schémas économiques plus ou moins controuvées, des arguments statistiques ou financiers facilement maquillées.
Ce qui est en jeu est très simple : la domination d’intérêts financiers privés totalement incontrôlables sur tous les aspects de notre vie. L’eau que vous buvez, les transports publics que vous emprunterez pour aller vous promener ou travailler, le journal où vous croyiez lire des faits objectifs, la nourriture que vous croyiez saine et sans tromperie, et demain peut-être l’air que vous respirerez, seront entièrement aux mains de gens qui n’ont AUCUN compte à vous rendre. » Danielle Mitterrand
FICHE SIGNALETIQUE DE L’OMC :
Siège : GENEVE (Suisse)
Création : 1er Janvier 1995 par les accords de Marrakech suite aux négociations de
l’Uruguay Round (1986-1994). Elle succède au GATT, qui est un accord douanier destiné à abaisser les droits de douane. Le GATT fait partie des organes annexes de l’ONU.
Pays membres : 148 ( au 16 février 2005)
Pays observateurs (pays ayant ou devant engager des négociations dans les 5 ans pour entrer à l’OMC) : 33, dont la Russie, l’Iran, l’Irak, l’Arabie, l’Algérie, le Vietnam …
Budget : 169 Millions de Francs suisses pour 2005
Effectifs : 630 personnes pour le secrétariat
Directeur général : Pascal LAMY (depuis le premier septembre 2005), précédemment commissaire européen au commerce (avant Peter Mandelson). Mandat de 4 ans.
Fonctions :
- administration des accords commerciaux de l’OMC
- cadre pour les négociations commerciales
- règlement des différents commerciaux
- suivi des politiques commerciales nationales
- assistance technique et formation pour les pays en développement
- coopération avec d’autres organisations internationales
Conférence ministérielle : c’est l’organe de décision suprême de l’OMC. Elle se réunit au moins une fois tous les deux ans. La dernière a eu lieu à Hongkong en décembre 2005.
Conseil général de l’OMC : instance qui réunit les ambassadeurs des états membres avec des pouvoirs équivalents à une conférence ministérielle.
Négociateur européen pour le commerce extérieur (qui négocie l’ensemble des négociations commerciales, dont l’AGCS, l’Agriculture…. : Peter MANDELSON commissaire anglais .
Il existe d’autres négociateur européen à l’OMC ; ex, pour l’agriculture : Mariann FISCHER BOEL, commissaire danois.
600 pages et des milliers de pages d’annexes, toutes en anglais.
Les principaux « accords » de l’OMC : l’Accord sur les obstacles techniques au commerce (OTC) et l’Accord des mesures sanitaires et phytosanitaires (SPS) ; l’Accord sur les droits de propriété intellectuelle liés au commerce (ADPIC ou TRIPS) ; l’Organe de Règlement des Différends, véritable tribunal de l’OMC (ORD) ; l’Accord sur l’Agriculture (AoA) ; l’Accord Général sur le Commerce des Services (AGCS/GATS), Accès aux marchés non agricoles (NAMA)...
Imaginons une séance de négociation à l'OMC sur l'AGCS:
Cela ressemble un peu au jeu des sept familles. Les participants sont 148, un par Etat membre de l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC).
Nous sommes à Cancun, station balnéaire mexicaine on ne peut plus touristique. Et cela se passe en cette période si agréable de la mi-septembre.
Le jeu consiste à s'échanger des cartes, à en demander et à en offrir. Chaque carte représente l'un des nombreux "services" apportés ou vendus aux consommateurs de la planète: assurances, audiovisuel, éducation, distribution d'eau, santé, télécommunications, transport, tourisme ou plis postaux … Lorsqu'un pays se défausse d'une carte sur la table de ce casino planétaire, cela signifie qu'il accepte de libéraliser ce secteur, de l'ouvrir à la concurrence des entreprises des 147 autres joueurs.
Le joueur mandaté par l'Union Européenne s'appelle Pascal Lamy. Imaginez le, drapeau européen flottant sur son coin de table, fixant un à un ses interlocuteurs: "Dans la famille distribution d'eau, je voudrais le Canada, la Chine, les Etats-Unis et le Nigeria." Si l'un de ces quatre pays souhaite répondre favorablement, il posera sa carte "distribution d'eau" à la vue de tous. Pascal Lamy se frottera les mains et ne pourra retenir un sourire de satisfaction. Il pense aux PDG de Suez et de Vivendi, les deux groupes européens - français de surcroît - qui détiennent déjà 70% du marché mondial de l'eau. Ils seront ravis de pouvoir conquérir de nouveaux horizons. Imaginez …
Le sourire de Pascal Lamy tombe au moment où le redoutable joueur états-unien, Robert Zoellick, ancien conseiller de Reagan, prend la parole: "Dans la famille "enseignement supérieur", je voudrais le Brésil, l'Inde et l'Union européenne." Harvard installant une université privée en face de la Sorbonne! Une goutte de sueur perle sur le front du négociateur européen. S'il ne lui accorde pas cette carte, cet ultra-libéral de Zoellick refusera sûrement de se débarrasser de celle de l'énergie que Pascal Lamy compte bien lui demander au prochain tour de table. EDF gérant le réseau électrique de New York vaut bien une succursale d'Harvard face à la Sorbonne. Qu'importent les manifs qui ne manqueront pas d'avoir lieu. Imaginez …
(Extrait du TC N° 3072 du 4 septembre 2003, page 14, dans l'article "OMC, le dessous des cartes" d'Yvan Du Roy).
- Le Consensus de Washington, appelé ainsi parce qu’il fut décidé au G7 de Washington en 1990, n’est que la Conclusion concrète des règles du néo-libéralisme économique établies par l’Ecole de Chicago dans les années 45 et expérimentées politiquement par les gouvernements des dictatures d’Amérique Latine des années 70 et de Reagan et de Thatcher. L’on peut résumer ainsi le Consensus de Washington : (1) croissance économique maximale ; (2) libre échange tendant vers l’absolu ; (3) liberté de l’investissement et des mouvements de capitaux hors frontières ; (4) déréglementation et réduction du rôle de l’Etat ; (5) privatisation des services publics (sauf défense et police, fonctions régaliennes de l’Etat, qu’il ne convient pas de faire entrer dans le domaine de la concurrence commerciale car non nécessairement commercialisables et « rentables ») ; (6) maîtrise stricte de l’inflation par l’établissement et le maintien de taux d’intérêt élevés !
Après le G7 de Washington, quel que soit le régime en place dans tel ou tel Etat et dans quelque institution internationale que ce soit (OMC, FMI, Banque Mondiale), ce sont ces principes qui inspirent les politiques nationales et des grands ensembles de nations ; et les G7 puis G8 successifs font, depuis, un point régulier sur l’application par la politique des Etats des orientations économiques adoptées dans les institutions précitées.
Cf la Directive Bolkestein, qui a fait tant de bruit au moment du vote de projet de Constitution de 2005, et qui n’a pas beaucoup changé sur le plan du fond de son texte, même si la référence aux droits du « pays d’origine » a disparu du texte. Cf aussi un arrêt récent de la Cour de Justice Européenne (CJUE), qui ne se réfère pas au « principe du pays d’origine ». Cette affaire porte le nom d’arrêt Vaxholm de la CJUE : cet arrêt du 18 décembre 2007 est important tant par le sujet abordé que par l’argumentation de la Cour européenne de justice. L’affaire concernait un conflit opposant les syndicats suédois à une entreprise lettone, Laval, qui chargée de construire une école à Vaxholm, refusait d’appliquer la convention collective du bâtiment à des travailleurs lettons détachés pour ce faire. La Cour a donné raison à l’entreprise lettone. Au-delà du fait que cet arrêt revient à détricoter le droit du travail national suédois, il est important de rentrer dans l’argumentation juridique ayant abouti à cette décision pour en analyser la portée. Dans les législations européenne et suédoise, les droits des travailleurs détachés en matière de conditions de travail et d’emploi relèvent de la directive 96/71 (On entend par travailleur détaché tout travailleur qui pendant une période limitée exécute son travail sur le territoire d’un État membre autre que l'État où il travaille habituellement. La période de détachement est de moins d’un an). Les sujets concernés sont : les périodes maximales de travail et les périodes minimales de repos ; la durée minimale des congés annuels payés ; les taux de salaire minimal, y compris ceux majorés pour les heures supplémentaires ; les conditions de mise à disposition des travailleurs, notamment par des entreprises de travail intérimaire ; la sécurité, la santé et l’hygiène au travail ; les mesures protectrices applicables aux conditions de travail et d’emploi des femmes enceintes et des femmes venant d’accoucher, des enfants et des jeunes, et l’égalité de traitement entre hommes et femmes ainsi que d’autres dispositions en matière de non-discrimination. La directive 96/71 indique dans son article 3 que les conditions de travail et d’emploi des travailleurs détachés sont fixées par « des dispositions législatives, réglementaires ou administratives et/ou par des conventions collectives ou sentences arbitrales déclarées d’applications générale (...) qui doivent être respectées par toutes les entreprises appartenant au secteur ou à la profession concernés ». La directive 96/71 définit des droits minimaux pour les travailleurs détachés. Elle ne doit pas empêcher « l’application de conditions d’emploi et de travail plus favorables aux travailleurs » (art. 3-7). Contrairement à la France, le droit du travail suédois ne comporte pas un système d’application générale des conventions collectives. Les entreprises suédoises ne sont pas obligées par la loi d’adhérer à une convention collective alors qu’en France, une fois celle-ci « étendue », elle s’applique à toutes les entreprises du secteur. Dans la pratique, en Suède, au vu du poids des syndicats et des rapports de forces, la plupart des entreprises adhèrent à la convention collective de leur secteur d’activité, mais il n’y a pas d’obligation légale. De plus, la législation suédoise ne prévoit pas de taux de salaire minimal et en règle générale les conventions collectives ne le fixent pas. Enfin, la réglementation suédoise interdit les actions collectives pour obtenir la modification ou l’abrogation d’une convention collective. Seules sont autorisées des actions contre des entreprises qui ne sont pas liées à une convention collective. C’est dans ce dernier cadre que se déploie l’argumentation de la Cour de justice.
Cf propos de Michel Servoz, l’un des ex-collaborateurs directs du Directeur Général de l’OMC, devenu depuis Chef d’Unité au Secrétariat de la Commission Européenne: « l’éducation et la santé sont mûres pour la libéralisation » (Washington Trade Daily, 4 juin 1999, « Education and health are ripe for liberalisation ». De même, toujours du même M Servoz pour l’environnement, la construction, la distribution, l’éducation, dans « Commentary », Gats 2000 : News Directions in Services Trade Liberalisation (sous la Direction de Pierre Sauvé et de Robert Stern).
Exemple de vœu relatif à l’AGCS
Dans le cadre de l’Accord général sur le commerce des services (AGCS), les pays membres de l’OMC mènent actuellement des négociations dont la conclusion devrait s’achever d’ici début 2005. Il s’agit de soumettre de nouveaux secteurs des services aux règles de l’AGCS. Considérant que :
L’AGCS s’applique à tous les échelons administratifs, de l’Etat aux communes.
L’AGCS peut concerner, à brève échéance, presque tous les services, dont les services publics.
Les secteurs de services engagés dans l’AGCS sont soumis à des règles internationales dont le respect est imposé par l’OMC (laquelle dispose pour cela d’un organe de règlement des différents, sorte de tribunal), ce qui réduit drastiquement les marges de manœuvre des élus locaux. En outre, ces règles, soumises au principe de « supériorité du libre échange », sont lourdes de conséquences à la fois sociales, sur l’environnement, ainsi que sur les activités et la diversité culturelles.
Selon le texte de l’AGCS les services engagés le sont en fait de manière irréversible.
L’AGCS accentue la mise en concurrence des territoires locaux en livrant toujours plus d’activité de service au commerce mondial et aux investisseurs internationaux (l’AGCS comporte son propre accord sur l’investissement).
L’AGCS crée, par étapes successives, un marché mondial du travail temporaire, ce qui renforcera considérablement la compétition entre travailleurs, tirera les salaires et les conditions de travail vers le bas et poussera à des mobilités non choisies, aggravant les dé-structurations sociales et familiales, et les difficultés des collectivités locales.
Les négociations pour l’extension du champ d’application de l’AGCS sont marquées par le manque de transparence et l’absence totale de consultation des collectivités locales et des populations. Le Conseil municipal, de communauté, général, régional de XXX, inquiet des conséquences des négociations en cours sur l’avenir des collectivités locales :
Demande la diffusion publique immédiate des négociations AGCS ;
Prend position, en tant qu’assemblée élue, contre l’obligation qui lui serait faite par l’AGCS de privatiser des services publics qu’elle considère devoir rester dans le domaine public ;
Demande un moratoire (suspension) des négociations AGCS ;
Demande l’ouverture d’un débat national sur l’AGCS impliquant la pleine participation des collectivités locales et des populations ;
Déclare la ville de xxx zone non AGCS.
Accueil du site > Campagnes > OMC - AGCS > Kit campagne OMC-AGCS
Lorsque les préfets menacent
article publié le 19/07/2004
auteur-e(s) : Fréderic Viale
Argumentaire pour les élus voulant se déclarer zone hors AGCS et menacés par le préfet d’annulation de ce voeu
Il arrive que certains préfets, encore assez peu nombreux, fassent savoir aux collectivités locales qui se déclarent zone hors-Agcs qu’elles sont dans l’illégalité, au motif qu’elles n’ont pas compétence pour prendre des décisions concernant les engagements internationaux de la France.
Il faut apporter les précisions de droit suivantes :
La loi du 2 mars 1982 portant décentralisation de la France prévoit que les collectivités locales sont compétentes pour gérer "les affaires locales", c’est-à-dire celles qui sont délégués par l’Etat (ce qu’on appelle les "blocs de compétences").
Néanmoins, les collectivités locales restent soumises au respect du droit français, la République demeurant une et indivisible. Concrètement, cela veut dire qu’une collectivité locale ne peut pas déroger aux règles générales du droit français dans lequel ses décisions s’inscrivent.
Le préfet, représentant de l’Etat dans la région et le département, est chargé de veiller à la compatibilité des décisions des collectivités locales avec le droit national. Pour cela, il exerce une contrôle.
Ce contrôle a trois caractéristiques : 1- Il s’exerce a posteriori, cad après que la décision de la collectivité locale soit prise. 2- Il est juridictionalisé, cad que le préfet n’annule pas lui même une décision, il la défère au juge administratif qui tranche en droit. 3- Il s’exerce en droit et non en opportunité. Ce dernier point est important, il veut dire que le préfet ne déférera les décisions uniquement pour des motifs de droit, et non pour des motifs d’opportunité. Les seuls motifs de droit qu’il peut invoquer est que la décision en question n’est pas compatible avec la réglementation nationale.
Concernant la campagne "500 collectivités hors-Agcs" :
Les collectivités locales signataires émettent un voeu, cad une décision politique. Cette décision est politique sens fort du terme, elle a un sens et une portée. Néanmoins, elle ne va pas à l’encontre de la législation ni de la réglementation nationale puisqu’il n’y a pas là une décision qui irait concrètement contrarier ces dernières. Techniquement, le juge ne peut censurer qu’un acte d’une collectivité qui créé un droit nouveau en dehors de la loi, ou en supprime un contre les dispositions de la loi. Le voeu de se déclarer "zone hors AGCS" n’a pas ces caractéristiques.
Dès lors le juge administratif qui serait éventuellement saisi par un préfet au motif que ce voeu ne serait pas compatible avec la loi nationale ne pourrait trouver de base à une censure. On ne peut arguer ni de la contrariété à la loi nationale (le voeu ne la contrarie pas, puisqu’il n’est pas la déclaration de la collectivité de ne pas appliquer la loi), ni d’une incompétence (la collectivité ne prend pas une décision hors de sa compétence, puisque cette décision n’est pas techniquement de caractère réglementaire).
Aussi, il faut considérer que ce voeu est conforme à la loi puisqu’il ne l’atteint pas. Il s’agit bien d’une décision politique. Or, le représentant de l’Etat n’a pas le droit d’apprécier les décisions des collectivités locales sur la base de l’opportunité, mais de la compatibilité avec le droit seulement.
Exemple de vœu relatif à l’AGCS
Dans le cadre de l’Accord général sur le commerce des services (AGCS), les pays membres de l’OMC mènent actuellement des négociations dont la conclusion devrait s’achever d’ici début 2005. Il s’agit de soumettre de nouveaux secteurs des services aux règles de l’AGCS. Considérant que :
L’AGCS s’applique à tous les échelons administratifs, de l’Etat aux communes.
L’AGCS peut concerner, à brève échéance, presque tous les services, dont les services publics.
Les secteurs de services engagés dans l’AGCS sont soumis à des règles internationales dont le respect est imposé par l’OMC (laquelle dispose pour cela d’un organe de règlement des différents, sorte de tribunal), ce qui réduit drastiquement les marges de manœuvre des élus locaux. En outre, ces règles, soumises au principe de « supériorité du libre échange », sont lourdes de conséquences à la fois sociales, sur l’environnement, ainsi que sur les activités et la diversité culturelles.
Selon le texte de l’AGCS les services engagés le sont en fait de manière irréversible.
L’AGCS accentue la mise en concurrence des territoires locaux en livrant toujours plus d’activité de service au commerce mondial et aux investisseurs internationaux (l’AGCS comporte son propre accord sur l’investissement).
L’AGCS crée, par étapes successives, un marché mondial du travail temporaire, ce qui renforcera considérablement la compétition entre travailleurs, tirera les salaires et les conditions de travail vers le bas et poussera à des mobilités non choisies, aggravant les dé-structurations sociales et familiales, et les difficultés des collectivités locales.
Les négociations pour l’extension du champ d’application de l’AGCS sont marquées par le manque de transparence et l’absence totale de consultation des collectivités locales et des populations. Le Conseil municipal, de communauté, général, régional de XXX, inquiet des conséquences des négociations en cours sur l’avenir des collectivités locales :
Demande la diffusion publique immédiate des négociations AGCS ;
Prend position, en tant qu’assemblée élue, contre l’obligation qui lui serait faite par l’AGCS de privatiser des services publics qu’elle considère devoir rester dans le domaine public ;
Demande un moratoire (suspension) des négociations AGCS ;
Demande l’ouverture d’un débat national sur l’AGCS impliquant la pleine participation des collectivités locales et des populations ;
Déclare la ville de xxx zone non AGCS.
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Lorsque les préfets menacent
article publié le 19/07/2004
auteur-e(s) : Fréderic Viale
Argumentaire pour les élus voulant se déclarer zone hors AGCS et menacés par le préfet d’annulation de ce voeu
Il arrive que certains préfets, encore assez peu nombreux, fassent savoir aux collectivités locales qui se déclarent zone hors-Agcs qu’elles sont dans l’illégalité, au motif qu’elles n’ont pas compétence pour prendre des décisions concernant les engagements internationaux de la France.
Il faut apporter les précisions de droit suivantes :
La loi du 2 mars 1982 portant décentralisation de la France prévoit que les collectivités locales sont compétentes pour gérer "les affaires locales", c’est-à-dire celles qui sont délégués par l’Etat (ce qu’on appelle les "blocs de compétences").
Néanmoins, les collectivités locales restent soumises au respect du droit français, la République demeurant une et indivisible. Concrètement, cela veut dire qu’une collectivité locale ne peut pas déroger aux règles générales du droit français dans lequel ses décisions s’inscrivent.
Le préfet, représentant de l’Etat dans la région et le département, est chargé de veiller à la compatibilité des décisions des collectivités locales avec le droit national. Pour cela, il exerce une contrôle.
Ce contrôle a trois caractéristiques : 1- Il s’exerce a posteriori, cad après que la décision de la collectivité locale soit prise. 2- Il est juridictionalisé, cad que le préfet n’annule pas lui même une décision, il la défère au juge administratif qui tranche en droit. 3- Il s’exerce en droit et non en opportunité. Ce dernier point est important, il veut dire que le préfet ne déférera les décisions uniquement pour des motifs de droit, et non pour des motifs d’opportunité. Les seuls motifs de droit qu’il peut invoquer est que la décision en question n’est pas compatible avec la réglementation nationale.
Concernant la campagne "500 collectivités hors-Agcs" :
Les collectivités locales signataires émettent un voeu, cad une décision politique. Cette décision est politique sens fort du terme, elle a un sens et une portée. Néanmoins, elle ne va pas à l’encontre de la législation ni de la réglementation nationale puisqu’il n’y a pas là une décision qui irait concrètement contrarier ces dernières. Techniquement, le juge ne peut censurer qu’un acte d’une collectivité qui créé un droit nouveau en dehors de la loi, ou en supprime un contre les dispositions de la loi. Le voeu de se déclarer "zone hors AGCS" n’a pas ces caractéristiques.
Dès lors le juge administratif qui serait éventuellement saisi par un préfet au motif que ce voeu ne serait pas compatible avec la loi nationale ne pourrait trouver de base à une censure. On ne peut arguer ni de la contrariété à la loi nationale (le voeu ne la contrarie pas, puisqu’il n’est pas la déclaration de la collectivité de ne pas appliquer la loi), ni d’une incompétence (la collectivité ne prend pas une décision hors de sa compétence, puisque cette décision n’est pas techniquement de caractère réglementaire).
Aussi, il faut considérer que ce voeu est conforme à la loi puisqu’il ne l’atteint pas. Il s’agit bien d’une décision politique. Or, le représentant de l’Etat n’a pas le droit d’apprécier les décisions des collectivités locales sur la base de l’opportunité, mais de la compatibilité avec le droit seulement.
Bibliographie :
• ATTAC Mille et Une Nuits : Remettre l’OMC à sa place de Susan George.
• ATTAC Mille et Une Nuits : Agir local, penser global, 8 auteurs membres d’ATTAC.
• Service public, lasolidarité face au libéralisme, de Pierre Cours-Salies, Jean-François Gerfaut, Jérémie Lefebvre, éditions Syllepse.
• Service public et principe de précaution, groupe d’auteurs sous la direction de JC Boual et de Philippe Brachet, Edictions l’Harmattan.
A Plan de l’intervention :
Définition : L’AGCS (Accord Général sur le Commerce des Services) est une annexe à la réglementation de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), votée en novembre 1994 à l’occasion du passage de la structure GATT (General Agreement on Tarifs and Trade ou « Accord Général sur les Tarifs Douaniers et le Commerce »), faisant partie de l’Organisation des Nations Unies (ONU) à la structure OMC, indépendante de l’ONU, de sa Charte, de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, du Pacte des Droits Economiques, sociaux et culturels et de la Charte des Droits et Devoirs Economiques des Etats. .
Comprendre l’AGCS :
• les règles de l’OMC
• les règles de l’AGCS
Ces règles surpassent celles des Etats et s’imposent à toutes les instances publiques issues du vote citoyen, du local (communes, communauté de communes) au global (Union de peuples comme l’Union Européenne (UE) ; Etats ; Conférence Mondiale des Etats ou d’Union d’Etats, en tant qu’entités commerciales).
De l’AGCS à la doctrine économique de l’UE : même logique, même combat : « la concurrence libre et non faussée ». Services Publics (SP), Services d’Intérêt Economique Général (SIEG) et Services d’Intérêt Général (SIG) : différences importantes entre ces « services », appuyées sur des exemples : Eau, Transports, Energie, Communications (services marchands)… mais aussi Education, Santé (Services dits « non marchands ») ; et pourtant … ?
Les risques qu’encourent tous services publics et réglementation citoyennes avec l’AGCS et « la concurrence libre et non faussée » qu’il défend : les distorsions de concurrence étant un frein à l’AGCS, il faut donc les limiter, voire les supprimer. Exemples, généraux d’abord, communaux ensuite.
Alors, que faire ?
- les luttes engagées
- les engagements à prendre et à réaliser
- les informations à donner, les formations à dispenser ;
Le vrai combat citoyen, face à l’AGCS, est le combat pour la DEMOCRATIE, aux niveaux mondial et européen, et à tous les niveaux électifs nationaux, régionaux et locaux. Exemples à l’appui : OMC, ONU, Union Européenne (UE), Communes (« du global au local »).
Débat ouvert à la situation locale.
Albert Richez,
Membre du Conseil Scientifique d’ATTAC France
Intervention :
Dans quelques semaines, vous allez élire un nouveau Conseil Municipal avec la conviction qu’il peut changer la donne à Montélimar dans bien des domaines, tels que celui d’une démocratie plus proche des citoyens ou tel que l’établissement ou le rétablissement de services municipaux, qui auraient valeur de SP. Anne Jahandier (04 75 53 07 36) et Marcel Magnon (04 75 53 05 32), que je remercie pour leur accueil et leurs compléments d’information lors de nos 1° contacts, m’ont expliqué la réalité politique montilienne d’aujourd’hui, tant en termes de variation d’options politiques (y compris chez un même élu) que d’historique des pseudo-alternances dans cette même ville ; j’ai été particulièrement intéressé par les faits suivants, dont ils m’ont informé: les services de l’eau ont été privatisés dès 1986 (SOR ; STIE) et, plus récemment, le nettoyage des écoles et des bâtiments municipaux ont été confiés à une société privée ; ces 2 faits concernent les SP dans une collectivité territoriale. Alors, en quoi une réflexion sur l’Accord Général sur le Commerce des Services (AGCS) peut elle aider les Montiliens à rétablir ou à instituer de vrais services publics dans votre ville grâce à un nouveau Conseil ?
Cette question devrait être simple à traiter si nous étions dans une vraie démocratie et hors d’influences de pouvoirs gigognes qui, de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), à la commune en passant par l’Union Européenne et les lois de décentralisation de 82-83 et 99, ne nous emprisonnaient pas dans des règles juridiques et dans des carcans financiers, qui font du Capital aujourd’hui le maître de bien des décisions. Les arcanes de l’AGCS expliquent assez bien les pouvoirs gigognes que nous subissons ; un communiqué de Danielle Mitterand du 31 janvier 2008 pour France-libertés et à propos d’un conflit juridique, que les habitants de Neufchateau dans les Vosges ont perdu face à Véolia en décidant de récupérer leur gestion de l’eau, nous informe sur le 2° risque : le tribunal administratif de Nancy les a en effet condamnés à verser près de 1,7 millions d’euros (soit plus de 217 euros par habitants, y compris les enfants) à une filiale du groupe VEOLIA pour compenser le manque à gagner financier de ses actionnaires lors du retour de l’eau en régie municipale.
Une fois connus les informations et les risques liés aux arcanes juridiques , comment agir ? J’émettrai quelques suggestions et, surtout, nous débattrons.
D’abord l’AGCS :
Rapide Historique : L’AGCS (Accord Général sur le Commerce des Services) est donc une annexe à la réglementation de l’OMC, votée en novembre 1994 au sommet de l’Uruguay Round de Marrakech, à l’occasion du passage de la structure GATT (« Accord Général sur les Tarifs Douaniers et le Commerce ») à la structure OMC; primitivement, en 1946, John Maynard Keynes, qui était l’architecte de la Banque Mondiale et du Fond Monétaire International (FMI) dans le cadre des Nations Unies, voulait créer un 3° pilier pour équilibrer l’ensemble de son œuvre ; et, effectivement, après son décès survenu en 1946, la Conférence de La Havane de 47-48 négocia les statuts de l’Organisation Internationale du Commerce (OIC), qui correspondait à l’intuition de Keynes, en présence de 56 pays. L’OIC faisait partie de l’Organisation des Nations Unies (ONU). Mais les Etats-Unis d’Amérique ayant refusé de ratifier sa Charte, parce qu’elle prévoyait de substantielles garanties pour les travailleurs, seul ne survécut de cette Charte que son chapitre IV sous le nom de GATT ; et celui-ci, travaillant par cycles de négociations successifs appelés Rounds, a réussi, en 40 ans d’existence, à abaisser les droits de douane des produits manufacturés de 40-50% à 4-5%. Lors de la conclusion du dernier Round à Marrakech, les 132 pays appartenant alors au GATT, en entérinant les milliers de pages des statuts de la nouvelle structure et de ses annexes , acceptaient ses principes libéraux et ses règles, censés avoir une valeur juridique supérieure à celle des Etats et indépendante de l’ONU, de sa Charte, de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, du Pacte des Droits Economiques, sociaux et culturels et de la Charte des Droits et Devoirs Economiques des Etats. Dans les textes ainsi votés, figuraient donc toute une série d’accords , dont l’AGCS.
Comprendre l’AGCS , c’est d’abord comprendre l’OMC :
L’OMC vise à instaurer un libre-échange intégral, conforme aux fondements et à l’expérimentation qui donna naissance au Consensus de Washington , sans que puissent lui être opposées les lois des Etats et de toutes les instances publiques issues du vote citoyen, du local (communes, communauté de communes) au global (Union de peuples comme l’Union Européenne (UE) ; Conférence Mondiale des Etats ou d’Union d’Etats), ni des impératifs sociaux ou environnementaux. Les Etats sont donc réduits, de fait, à n’être que des entités commerciales.
Et l’OMC est porteuse de cette idéologie dans son organisation, ses modes de fonctionnement et ses principes directeurs :
- Idéologie : L’extension indéfinie du libre échange est censée faire baisser les prix et, par voie de conséquence, accroître la croissance, augmenter l’allocation de ressources et accélérer le développement. Cette idéologie, érigée en dogme, est totalement infirmée par les faits : les plus pauvres deviennent plus pauvres et les riches plus riches ; les SP disparaissent peu à peu en tant qu’établissant l’égalité pour tous face à un certain nombre de Biens, entraînant notamment un recul de l’alphabétisation et de la santé.
- Organisation et fonctionnement : les compétences de l’OMC portant sur tout type de produits (le GATT n’avait compétence que sur les produits manufacturés), l’OMC fonctionne à partir de 29 accords sectorisés, tels « Agriculture » (AsA) ; Droits de propriété intellectuelle liés au commerce (ADPIC); Investissement ; Règles et procédures concernant l’Organe de Règlement des différends (ORD), dont certains arrêts sont célèbres : Banane, bœuf aux hormones, guerre du coton; Accès aux marchés non agricoles (NAMA), Accord Général sur le Commerce des Services (AGCS). A partir de ces accords décidés à Marrakech, sont « négociées », tous les 2 ans, des listes de secteurs à libéraliser avec les représentants des Etats ou de groupements d’Etats (UE), lors des conférences ministérielles et de manière quasi permanente, lors de négociations incessantes au siège de l’OMC à Genève ou lors des séances en formation restreinte du Conseil Général de l’OMC ; et ces décisions, prises sans vote mais « à l’unanimité, » deviennent immédiatement applicables pour l’ensemble des membres de l’OMC. Et, dès qu’un accord multilatéral de libre échange est signé dans un domaine ou par un marchandage entre divers domaines, l’OMC vise de nouveaux accords dans d’autres domaines : le libre échange avance et ne recule jamais, sauf par compensation au prix fort, accordée lors d’une nouvelle négociation ! Et sur quelles bases sont négociés ces accords ? A partir de principes qui guident l’action de l’OMC :
• Interdiction de réserves (politiques, économiques, environnementales, sociales) aux échanges commerciaux … Ainsi est-il interdit de discriminer la valeur de produits similaires sur la base de processus et de méthodes de production (PMP), qui pourraient justifier des prix plus élevés (travail des enfants, par ex) !
• Négociations permanentes sans qu’un terme ne soit jamais fixé, l’objectif étant d’atteindre sur le long terme le libre échange intégral.
• Transparence des décisions des Etats, qui doivent rendre compte à l’OMC de nouvelles lois qui modifieraient les contrats passés lors des conférences ministérielles internationales antérieures.
• « Nation la plus favorisée » (NPF) , selon laquelle un pays membre de l’OMC ne peut accorder une faveur à un autre membre sans qu’il l’accorde à tous ; ainsi, les subventions étant concernées par ce dispositif, les subventions versées à tel metteur en scène du cinéma africain doivent l’être aussi à ceux d’Hollywood !
• Traitement National (TN) : les mêmes décideurs s’engagent à traiter les fournisseurs étrangers au moins aussi bien que les fournisseurs nationaux.
• Accès aux marchés : une instance décisionnelle (Etat, Conseil Général ou Régional, Commune ou Communauté de Communes, par exemple) ne doit limiter ni le nombre de ses fournisseurs ni le montant de leurs investissements ou le volume de leurs transactions (cf marché publics en France mais aussi dans les pays moins développés ..)
• Interdiction (théorique) du dumping : Ceci voudrait dire, par ex, que ne pouvant vendre en dessous des coûts de production, toute aide de l’Etat à des producteurs pour faciliter leurs exportations devrait être interdite. Or, il n’en est rien : cf les aides que les EU d’Amérique accordent à leurs producteurs d’acier ou à leurs agriculteurs; de même pour la PAC dans l’UE (même déguisées par le système des « boîtes rouge, orange, verte et bleue »).
Ces orientations ont déterminés les orientations des travaux de tous les sommets de l’OMC, de Singapour (97) à Hong Kong (2005), en passant par Seattle(99), Doha (2003), Cancun (2005) ; il s’agit, pour l’OMC, de maintenir une parfaite continuité de politique commerciale.
C’est dans ce contexte que l’AGCS s’applique aux services : Bien qu’accord annexe, l'AGCS est un accord fondateur pour l'OMC! Elle est un atout pour l’Europe libérale et, bien sûr, pour les Sociétés Transnationales (STN) : "tout doit devenir "marchandise!" Pour l’UE, l’AGCS revêt une importance économique majeure; d’ores et déjà, l’UE est le 1° exportateur mondial de services avec plus de 40% des mouvements commerciaux dans ce domaine et, à terme, les services représenteront 85% des emplois. Enfin, les Services correspondent à 25% des mouvements commerciaux dans le Monde!
La complexité, la discrétion, voire l'opacité, qui entourent les négociations sur l'AGCS, rendent difficile sa compréhension par le grand public, voire même par les élus nationaux, souvent écartés des procédures de négociations européennes! Par contre, l'ensemble des domaines de négociation de l'OMC sont suivis avec une grande vigilance par les STN, qui n'hésitent pas à pratiquer un lobbiing incessant auprès des commissaires politiques des divers entités politiques et, même auprès des élus, notamment au parlement européen! Les négociations sur l’AGCS sont incessantes ; et elles n'ont pour seul objet que d'élever progressivement le niveau de libéralisation, l'AGCS concernant "tous les services, présents et futurs » ; ceux-ci sont classés en 12 secteurs: "services aux entreprises, communications, travaux publics et "ingienierie", distribution, éducation, environnement (dont l'eau); finances, santé et services sociaux, tourisme, loisirs, culture et sports, transports et "autres"! Les services peuvent être fournis de 4 manières appelés "modes": Mode 1- La prestation transfrontière: le service passe la frontière, en partant d'un pays pour être consommé dans un autre pays (ex : la diffusion d'un programme de télévision par satellite, la transmission d'une consultation d'avocat à un client situé à l'étranger par courrier, fax ou mél, l'exécution d'une opération de change par un opérateur londonien pour un épargnant parisien ). Mode 2 - La consommation à l'étranger: le consommateur passe la frontière (ex : le touriste se rend dans un hôtel à l'étranger puis y loue un véhicule ). Mode 3 - L'établissement à l’étranger: le fournisseur passe juridiquement la frontière pour venir investir et s'implanter dans un pays étranger (ex : une compagnie aérienne ouvre un bureau de représentation à l'étranger, une banque ouvre une succursale, une chaîne de coiffure ouvre un salon ). Mode 4 - Le mouvement temporaire de personnes physiques: le fournisseur du service passe la frontière sous forme d'un déplacement physique de personnes, pour une période limitée (ex : la réalisation d'une mission d'audit ou d'expertise, l'envoi d'agents sur un chantier de construction). Ce mode 4 est particulièrement dangereux pour « casser les salaires »; ainsi peut-il permettre l’entrée de travailleurs dans l’exacte mesure des exigences des employeurs transnationaux ou faire accomplir le travail ailleurs, et le salaire comme les avantages sociaux peuvent demeurer ceux du « pays d’origine » ; c’est ainsi que l’OMC elle-même délocalise ses traductions chez des travailleurs à domicile dans des pays partout dans le Monde.
Chronologiquement, après l'échec de l'Accord Multilatéral d'Investissement (AMI) en 1997 - qui était une anticipation de l'AGCS-, grâce à la décision du gouvernement Jospin, la négociation sur l'AGCS a été relancée au sommet de l'OMC de Doha en novembre 2001! Et selon un calendrier précis, qui devait aboutir à l'application des décisions le 1° janvier 95! Le sommet de Cancun était, dans ce processus, un moment fort de la négociation! Mais, pour d'autres raisons que celles de l'AGCS, Cancun n'a pu aller à son terme. Nous savons maintenant quels sont les "services", qui, après Doha, avaient été proposés à la libéralisation par l'Europe aux autres pays de l'OMC. Il s'agissait:
- des services postaux et du courrier
- des services de télécommunication
- des services des bâtiments et travaux publics
- des services de distribution
- des services de l'environnement (notamment le traitement des déchets …)
- des services financiers.
Nous savons aussi que, même si la santé, l'enseignement, l'audiovisuel et l'eau étaient théoriquement exclus des offres de libéralisation en tant que secteurs, par l'intermédiaire des modalités de fournitures de services 3 et 4, qui concernent la libéralisation de l'investissement étranger et l'accès au marché du travail de travailleurs d'autres pays, ces secteurs sont concernés (ex des informaticiens indiens dans les Universités)…
Tous les services publics sont donc bien menacés, d’autant qu’un flou juridique est entretenu à leur sujet. En effet, les services de propagande de l’OMC font grand cas du fait que les gouvernements ne sont pas obligés d’inscrire l’éducation, la santé, l’environnement, la culture ou tout autre service sur leurs listes d’engagements de libéralisation ; ils peuvent aussi, disent-ils, choisir le degré d’accès au marché qu’ils sont prêts à accorder dans chaque domaine. C’est exact mais ce qui n’est pas dit, c’est que ces listes d’engagements sont destinées à être allongées au cours des négociations successives. Si l’on se réfère aux textes connus de l’OMC, l’éducation, l’environnement, la santé sont dans la ligne de mire de l’OMC en ce qui concerne leur libéralisation . Mais une autre confusion juridique menace certains services publics, telle l’éducation et la santé ; dans l’article I,3, b de l’AGCS, il est dit que les services objets d’un accord « comprennent tous les services dans tous les secteurs, à l’exception des services fournis dans l’exercice du pouvoir gouvernemental ». Or, l’éducation et la santé sont fournis dans « l’exercice du pouvoir gouvernemental » ; mais, dès le I,3, c, cette exception est aussitôt réduite, car, pour échapper aux règles de l’AGCS, le service ne doit être fourni par le gouvernement ni sur une base commerciale ni en concurrence avec un ou plusieurs fournisseurs de service. » Or, les services éducatifs et de santé étant concurrencés par des services privés, ils n’échappent donc pas aux règles de l’OMC. Toute activité humaine est donc, dès lors, menacée par les règles de l’AGCS !
Et nous pouvons maintenant imaginer, en illustration et au regard des règles de « libre échange » à étendre dans tous les secteurs d’activités humaines, les conséquences de l'application de l'AGCS sur l'ensemble des services de notre pays et sur les SP en particulier:
• toute entreprise bénéficiant d'un régime particulier en accord avec les lois d'un Etat apparaît immédiatement comme relevant des sanctions de l'OMC puisque ces réglementations sont immédiatement invoquées comme autant d'obstacles à la concurrence: ex des coopératives et des mutuelles d'une part, ainsi que les associations recevant des subventions d'autre part …
• dans le domaine social du travail, le SMIC est répertorié comme obstacle au commerce! La Sécu parce que ne remboursant que les soins dispensés sur le territoire national! Les limitations de redevances d'eau, d'électricité, de gaz pour les familles nécessiteuses sont directement menacées! La Médecine du Travail, les quotas d'emploi de personnes handicapées, les prud'hommes sont autant d'entraves à la possibilité de fixer des prix sans entraves! De même pour les diplômes, les normes de qualification, les statuts professionnels, qui encadrent les conventions collectives! Les lois informatiques sur la protection de la vie privée! Enfin, toutes les dispositions réglementaires et fiscales, qui garantissent un accès universel à un service (ex des villages enclavés) et la péréquation tarifaire des SP!
• Dans le domaine de l'environnement, mêmes objections à toute entrave réglementaire au commerce: ainsi des lois de protection des nappes phréatiques ou de protection des espaces naturels … ex de l'UE qui a demandé au Mexique et au Brésil l'abrogation de leurs lois sur la protection des littoraux et des nappes phréatiques, afin de permettre le pompage de ces nappes sans contrainte, comme c'est déjà le cas parfois pour le pétrole!
Et l'on pourrait poursuivre …
Et, vous l’avez sans doute remarqué : nous nous situons là dans le même contexte que ce que nous avait présenté le projet de Constitution Européenne (et maintenant le TME) lorsqu’il nous présentait le principe de « la concurrence libre et non faussée » comme l’axe directeur de l’économie et de la politique européennes ! De l’AGCS à la doctrine économique de l’UE : même logique, même combat . L’exemple le plus probant à cet égard est celui des SP ; il ne s’agit pas d’entretenir la confusion, comme avait tenté de le faire J Chirac, dans l’émission préparatoire au vote du projet de Constitution avec les jeunes, entre Services Publics à la française (SP), Services d’Intérêt Economique Général (SIEG) et Services d’Intérêt Général (SIG) : entre ces 3 expressions, les différences sont de taille : les 1° sont délivrés avec « péréquation de prix » (prix « politique ») et avec des fonctionnaires disposant d’un statut public, les SIEG sont marchands, c’est à dire que leur prix correspond à un coût dans un contexte au départ concurrentiel, et les SIG, comme on l’a vu tout à l’heure, dès lors qu’ils sont concurrencés, peuvent être privatisés. Exemples : Eau, Transports, Energie, Communications (services marchands)… mais aussi Education, Santé (Services dits « non marchands ») … Les risques qu’encourent tous services publics dans le cadre de l’AGCS sont donc liés à « la concurrence libre et non faussée », que cet accord promeut ; et les distorsions de concurrence étant un frein à l’AGCS, il faut donc les limiter, voire les supprimer.
Face à cette situation, évoquons les exigences citoyennes à revendiquer :
- Sur le plan général, ce que nous voulons, c’est :
• Le Droit des gouvernements à protéger leurs économies
• La Capacité des Gouvernements de mener des politiques conformes aux intérêts de leurs populations.
• La Possibilité de favoriser en priorité les échanges sur une base régionale.
• La Réforme du système d’échange Nord Sud pour le stabiliser, ce qui suppose de travailler à la fois sur la fixation des prix des matières premières et sur le système monétaire international .
• L’Etablissement de bases nouvelles pour les échanges internationaux : une écologie solidaire et émancipatrice.
- Toujours sur le plan général, ce qu’ATTAC exige, c’est :
• Un moratoire sur toute négociation fondée sur le libre échange ;
• une évaluation des politiques de l’OMC ;
• le refus de toute augmentation des pouvoirs et compétences de l’OMC ;
• la subordination de l’OMC aux Chartes internationales des Droits de l’Homme ;
• le retrait de la compétence de l’OMC des secteurs essentiels ou Biens Communs de l’Humanité ;
• l’abrogation de l’article 1-3-c de l’AGCS en ce qui concerne les Services Publics soumis à la concurrence ;
• le respect systématique du principe de précaution ;
• l’interdiction du brevetage du vivant ;
• l’accès effectif de l’ensemble de l’humanité aux médicaments ;
• le droit des pays et des macro-régions d’assurer la souveraineté et la sécurité alimentaires de leurs ressortissants et de protéger leur agriculture paysanne ;
• la redéfinition du mandat de la commission européenne à l’OMC.
Mais il est temps, maintenant, d’en venir aux situations locales et à la situation montilienne : face aux risques que révèle l’AGCS, que peut-on et doit-on faire localement?
Nous ne sommes pas sans outils : ATTAC a travaillé sur cette question du local, à partir des années 2000 avec des acteurs de collectivités locales. Ces travaux sont rapportés dans un petit livre des Mille et une Nuits « Agir local, penser global ». Dans les annexes de ce petit livre, l’on trouve (1) l’Appel de Morsang, (2) une information sur les collectivités locales et (3) la Charte Européenne dans la ville ; ces 3 documents peuvent guider utilement les réflexions d’un élu municipal ; je m’appuierai ici, exclusivement, sur l’Appel de Morsang pour lancer le débat de ce soir :
• Cet Appel a été réalisé lors d’un Colloque National réalisé à Morsang (Essonne) par ATTAC-France, avec la collaboration active de la municipalité de cette ville, les 28 et 29 janvier 2000. Il résulte de la prise de conscience par un certain nombre de militants et d’élus du danger représenté par l’AGCS.. C’est un appel aux élus locaux pour qu’ils répondent à une quintuple demande des citoyens de leur ville : démocratie locale ; besoins de financement en faveur de l’emploi et du développement ; besoin de développement, qui, avec les acteurs locaux et des acteurs privilégiés que sont les entreprises du secteur coopératif et de l’économie solidaire, rompt avec la marchandisation de certains biens publics (notamment l’eau) ; besoins culturels ; besoins d’échanges et de coopération. Partant des besoins et non d’une vision strictement marchande des relations sociales, l’appel de Morsang est un appel aux municipalités à faire de la démocratie participative locale et des Services Publics, qui en découlent, l’axe de leur politique locale. Et, symboliquement, c’est un appel à toutes les collectivités territoriales du monde à s’exclure du champ de l’AGCS ; et cet appel a réussi ! Vous trouverez sur le site d’ATTAC les noms des 816 collectivités, qui se sont déclarés « hors AGCS » (Conseils Régionaux et Généraux, Communes et communautés intercommunales, Universités … villes d’autres pays européens), ainsi que le type de motion, qui peut être adoptée par une collectivité, lorsqu’elle se déclare « hors AGCS » et, enfin, l’argumentation à opposer au préfet si celui-ci somme une collectivité de retirer son voeu
• Le nouveau Conseil Municipal de Montélimar peut donc émettre un vœu déclarant la commune hors AGCS, comme l’ont fait le Conseil Général de la Drôme ainsi que les communes d’Eygalaye, Comps, Beaumont sur Diois, Mirabel et Blacons, Romans, St Marcellin, St Michel de Savasse et St Vallier sur Rhône.
• Mais ceci n’est pas l’essentiel.
Le vrai combat citoyen, face à l’AGCS, est le combat pour la DEMOCRATIE, à tous les niveaux électifs mondiaux, nationaux, régionaux et locaux.
Cela veut dire concrètement : permettre la confrontation, au quotidien, des élus avec les citoyens de base, en prenant appui sur des expériences communales qui existent sur ce sujet dans d’autres collectivités conduisant des actions volontaristes dans le domaine de la démocratie participative (cf ATTAC National) ; ce qui veut dire aussi : créer des commissions extra municipales ; engager des expériences de budget participatif (soit, comme à Porto Alegre, une part de budget vis à vis duquel les habitants d’un quartier peuvent faire des propositions directes d’emploi) ; encourager la vie associative, conduire une politique de services publics dans des domaines comme le logement, l’eau, l’assainissement, les réseaux de communication, le traitement des déchets ménagers, la restauration collective, l’aide à la personne notamment en ce qui concerne les personnes âgées et les handicapés, les transports inter et entra urbains ; doter les écoles de moyens qui permettent de donner toutes leurs chances aux enfants des milieux les plus défavorisés ; développer des structures culturelles ; porter une attention soutenue à tout ce qui touche à la préservation des activités salariées dans le bassin d’emploi et soutenir une activité qui s’avérerait en danger … Et l’on peut, en fonction de la situation locale, préciser ou allonger la liste. A l’objectif marchand développé par l’OMC ou l’UE, dans l’AGCS ou dans des directives du type Bolkestein, une collectivité, qui se veut citoyenne, engage ainsi une politique, qui construit de la solidarité et de la responsabilité collective, la contradiction à éviter étant, bien sûr, de se « déclarer hors AGCS » et livrer au secteur privé un service public, de transport ou de restauration collective, par ex – et il se trouve que ce type de comportement a existé dans certaines villes « hors AGCS »….
Voilà, j’ai fourni de l’information et suggéré des pistes : il est temps de passer au débat pour préparer de manière citoyenne les prochaines municipales à Montélimar.
Débat ouvert à la situation locale.
Albert Richez,
Membre du Conseil Scientifique d’ATTAC.
Notes de fin de document :
Cf texte de Danielle Mitterand :
31 janvier 2008
France-libertes.fr - Vous trouverez ci-dessous le texte intégral du communiqué que j’adresse ce jour à l’AFP pour prendre la défense des habitants de Neufchâteau et de leur maire
« La commune de Neufchâteau (Vosges) c’est-à-dire ses presque de 8000 habitants ont été condamnés par le Tribunal Administratif de Nancy à verser près de 1,7 millions d’euros (soit plus de 217 euros par habitants y compris les enfants) à une filiale du groupe VEOLIA à cause de la résiliation par le maire du contrat de gestion de l’eau qui liait (et étranglait) la commune à ce géant de l’Eau pour cause d’irrégularités et pour manque absolu de transparence.
L’UFC Que choisir avait déjà souligné les surfacturations importantes du service de l’eau fournis dans de nombreuses villes par les géants privés de la distribution de l’eau comme Veolia et Suez.
Pour nous tous, cette condamnation est un avertissement : inconsidéré. Une entreprise privée qui n’est plus autorisée par des élus du peuple à faire des profits sur le dos des citoyens dans un service public vital, a le pouvoir de faire payer à ces mêmes citoyens des amendes colossales pour compenser le manque à gagner financier de ses actionnaires.
Pendant que nos politiciens nous amusent avec des idées vagues, des images de comédie et de boulevard ou nous effraient avec le chiffon rouge élimé du danger migratoire, des enjeux démocratiques fondamentaux sont gravement menacés en coulisse : Les conditions de notre survie, de notre dignité, de notre citoyenneté réelles sont en train d’échapper totalement à notre contrôle pour le plus grand profit d’une oligarchie que nous n’avons pas élue et sur laquelle nous n’avons AUCUN contrôle. C’est cela qui devrait être en couverture du Nouvel Observateur ou de l’Express et pas telle ou telle starlette d’un jour.
Ne nous laissons pas impressionner par des explications alambiquées et contradictoires, par des schémas économiques plus ou moins controuvées, des arguments statistiques ou financiers facilement maquillées.
Ce qui est en jeu est très simple : la domination d’intérêts financiers privés totalement incontrôlables sur tous les aspects de notre vie. L’eau que vous buvez, les transports publics que vous emprunterez pour aller vous promener ou travailler, le journal où vous croyiez lire des faits objectifs, la nourriture que vous croyiez saine et sans tromperie, et demain peut-être l’air que vous respirerez, seront entièrement aux mains de gens qui n’ont AUCUN compte à vous rendre. » Danielle Mitterrand
FICHE SIGNALETIQUE DE L’OMC :
Siège : GENEVE (Suisse)
Création : 1er Janvier 1995 par les accords de Marrakech suite aux négociations de
l’Uruguay Round (1986-1994). Elle succède au GATT, qui est un accord douanier destiné à abaisser les droits de douane. Le GATT fait partie des organes annexes de l’ONU.
Pays membres : 148 ( au 16 février 2005)
Pays observateurs (pays ayant ou devant engager des négociations dans les 5 ans pour entrer à l’OMC) : 33, dont la Russie, l’Iran, l’Irak, l’Arabie, l’Algérie, le Vietnam …
Budget : 169 Millions de Francs suisses pour 2005
Effectifs : 630 personnes pour le secrétariat
Directeur général : Pascal LAMY (depuis le premier septembre 2005), précédemment commissaire européen au commerce (avant Peter Mandelson). Mandat de 4 ans.
Fonctions :
- administration des accords commerciaux de l’OMC
- cadre pour les négociations commerciales
- règlement des différents commerciaux
- suivi des politiques commerciales nationales
- assistance technique et formation pour les pays en développement
- coopération avec d’autres organisations internationales
Conférence ministérielle : c’est l’organe de décision suprême de l’OMC. Elle se réunit au moins une fois tous les deux ans. La dernière a eu lieu à Hongkong en décembre 2005.
Conseil général de l’OMC : instance qui réunit les ambassadeurs des états membres avec des pouvoirs équivalents à une conférence ministérielle.
Négociateur européen pour le commerce extérieur (qui négocie l’ensemble des négociations commerciales, dont l’AGCS, l’Agriculture…. : Peter MANDELSON commissaire anglais .
Il existe d’autres négociateur européen à l’OMC ; ex, pour l’agriculture : Mariann FISCHER BOEL, commissaire danois.
600 pages et des milliers de pages d’annexes, toutes en anglais.
Les principaux « accords » de l’OMC : l’Accord sur les obstacles techniques au commerce (OTC) et l’Accord des mesures sanitaires et phytosanitaires (SPS) ; l’Accord sur les droits de propriété intellectuelle liés au commerce (ADPIC ou TRIPS) ; l’Organe de Règlement des Différends, véritable tribunal de l’OMC (ORD) ; l’Accord sur l’Agriculture (AoA) ; l’Accord Général sur le Commerce des Services (AGCS/GATS), Accès aux marchés non agricoles (NAMA)...
Imaginons une séance de négociation à l'OMC sur l'AGCS:
Cela ressemble un peu au jeu des sept familles. Les participants sont 148, un par Etat membre de l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC).
Nous sommes à Cancun, station balnéaire mexicaine on ne peut plus touristique. Et cela se passe en cette période si agréable de la mi-septembre.
Le jeu consiste à s'échanger des cartes, à en demander et à en offrir. Chaque carte représente l'un des nombreux "services" apportés ou vendus aux consommateurs de la planète: assurances, audiovisuel, éducation, distribution d'eau, santé, télécommunications, transport, tourisme ou plis postaux … Lorsqu'un pays se défausse d'une carte sur la table de ce casino planétaire, cela signifie qu'il accepte de libéraliser ce secteur, de l'ouvrir à la concurrence des entreprises des 147 autres joueurs.
Le joueur mandaté par l'Union Européenne s'appelle Pascal Lamy. Imaginez le, drapeau européen flottant sur son coin de table, fixant un à un ses interlocuteurs: "Dans la famille distribution d'eau, je voudrais le Canada, la Chine, les Etats-Unis et le Nigeria." Si l'un de ces quatre pays souhaite répondre favorablement, il posera sa carte "distribution d'eau" à la vue de tous. Pascal Lamy se frottera les mains et ne pourra retenir un sourire de satisfaction. Il pense aux PDG de Suez et de Vivendi, les deux groupes européens - français de surcroît - qui détiennent déjà 70% du marché mondial de l'eau. Ils seront ravis de pouvoir conquérir de nouveaux horizons. Imaginez …
Le sourire de Pascal Lamy tombe au moment où le redoutable joueur états-unien, Robert Zoellick, ancien conseiller de Reagan, prend la parole: "Dans la famille "enseignement supérieur", je voudrais le Brésil, l'Inde et l'Union européenne." Harvard installant une université privée en face de la Sorbonne! Une goutte de sueur perle sur le front du négociateur européen. S'il ne lui accorde pas cette carte, cet ultra-libéral de Zoellick refusera sûrement de se débarrasser de celle de l'énergie que Pascal Lamy compte bien lui demander au prochain tour de table. EDF gérant le réseau électrique de New York vaut bien une succursale d'Harvard face à la Sorbonne. Qu'importent les manifs qui ne manqueront pas d'avoir lieu. Imaginez …
(Extrait du TC N° 3072 du 4 septembre 2003, page 14, dans l'article "OMC, le dessous des cartes" d'Yvan Du Roy).
- Le Consensus de Washington, appelé ainsi parce qu’il fut décidé au G7 de Washington en 1990, n’est que la Conclusion concrète des règles du néo-libéralisme économique établies par l’Ecole de Chicago dans les années 45 et expérimentées politiquement par les gouvernements des dictatures d’Amérique Latine des années 70 et de Reagan et de Thatcher. L’on peut résumer ainsi le Consensus de Washington : (1) croissance économique maximale ; (2) libre échange tendant vers l’absolu ; (3) liberté de l’investissement et des mouvements de capitaux hors frontières ; (4) déréglementation et réduction du rôle de l’Etat ; (5) privatisation des services publics (sauf défense et police, fonctions régaliennes de l’Etat, qu’il ne convient pas de faire entrer dans le domaine de la concurrence commerciale car non nécessairement commercialisables et « rentables ») ; (6) maîtrise stricte de l’inflation par l’établissement et le maintien de taux d’intérêt élevés !
Après le G7 de Washington, quel que soit le régime en place dans tel ou tel Etat et dans quelque institution internationale que ce soit (OMC, FMI, Banque Mondiale), ce sont ces principes qui inspirent les politiques nationales et des grands ensembles de nations ; et les G7 puis G8 successifs font, depuis, un point régulier sur l’application par la politique des Etats des orientations économiques adoptées dans les institutions précitées.
Cf la Directive Bolkestein, qui a fait tant de bruit au moment du vote de projet de Constitution de 2005, et qui n’a pas beaucoup changé sur le plan du fond de son texte, même si la référence aux droits du « pays d’origine » a disparu du texte. Cf aussi un arrêt récent de la Cour de Justice Européenne (CJUE), qui ne se réfère pas au « principe du pays d’origine ». Cette affaire porte le nom d’arrêt Vaxholm de la CJUE : cet arrêt du 18 décembre 2007 est important tant par le sujet abordé que par l’argumentation de la Cour européenne de justice. L’affaire concernait un conflit opposant les syndicats suédois à une entreprise lettone, Laval, qui chargée de construire une école à Vaxholm, refusait d’appliquer la convention collective du bâtiment à des travailleurs lettons détachés pour ce faire. La Cour a donné raison à l’entreprise lettone. Au-delà du fait que cet arrêt revient à détricoter le droit du travail national suédois, il est important de rentrer dans l’argumentation juridique ayant abouti à cette décision pour en analyser la portée. Dans les législations européenne et suédoise, les droits des travailleurs détachés en matière de conditions de travail et d’emploi relèvent de la directive 96/71 (On entend par travailleur détaché tout travailleur qui pendant une période limitée exécute son travail sur le territoire d’un État membre autre que l'État où il travaille habituellement. La période de détachement est de moins d’un an). Les sujets concernés sont : les périodes maximales de travail et les périodes minimales de repos ; la durée minimale des congés annuels payés ; les taux de salaire minimal, y compris ceux majorés pour les heures supplémentaires ; les conditions de mise à disposition des travailleurs, notamment par des entreprises de travail intérimaire ; la sécurité, la santé et l’hygiène au travail ; les mesures protectrices applicables aux conditions de travail et d’emploi des femmes enceintes et des femmes venant d’accoucher, des enfants et des jeunes, et l’égalité de traitement entre hommes et femmes ainsi que d’autres dispositions en matière de non-discrimination. La directive 96/71 indique dans son article 3 que les conditions de travail et d’emploi des travailleurs détachés sont fixées par « des dispositions législatives, réglementaires ou administratives et/ou par des conventions collectives ou sentences arbitrales déclarées d’applications générale (...) qui doivent être respectées par toutes les entreprises appartenant au secteur ou à la profession concernés ». La directive 96/71 définit des droits minimaux pour les travailleurs détachés. Elle ne doit pas empêcher « l’application de conditions d’emploi et de travail plus favorables aux travailleurs » (art. 3-7). Contrairement à la France, le droit du travail suédois ne comporte pas un système d’application générale des conventions collectives. Les entreprises suédoises ne sont pas obligées par la loi d’adhérer à une convention collective alors qu’en France, une fois celle-ci « étendue », elle s’applique à toutes les entreprises du secteur. Dans la pratique, en Suède, au vu du poids des syndicats et des rapports de forces, la plupart des entreprises adhèrent à la convention collective de leur secteur d’activité, mais il n’y a pas d’obligation légale. De plus, la législation suédoise ne prévoit pas de taux de salaire minimal et en règle générale les conventions collectives ne le fixent pas. Enfin, la réglementation suédoise interdit les actions collectives pour obtenir la modification ou l’abrogation d’une convention collective. Seules sont autorisées des actions contre des entreprises qui ne sont pas liées à une convention collective. C’est dans ce dernier cadre que se déploie l’argumentation de la Cour de justice.
Cf propos de Michel Servoz, l’un des ex-collaborateurs directs du Directeur Général de l’OMC, devenu depuis Chef d’Unité au Secrétariat de la Commission Européenne: « l’éducation et la santé sont mûres pour la libéralisation » (Washington Trade Daily, 4 juin 1999, « Education and health are ripe for liberalisation ». De même, toujours du même M Servoz pour l’environnement, la construction, la distribution, l’éducation, dans « Commentary », Gats 2000 : News Directions in Services Trade Liberalisation (sous la Direction de Pierre Sauvé et de Robert Stern).
Exemple de vœu relatif à l’AGCS
Dans le cadre de l’Accord général sur le commerce des services (AGCS), les pays membres de l’OMC mènent actuellement des négociations dont la conclusion devrait s’achever d’ici début 2005. Il s’agit de soumettre de nouveaux secteurs des services aux règles de l’AGCS. Considérant que :
L’AGCS s’applique à tous les échelons administratifs, de l’Etat aux communes.
L’AGCS peut concerner, à brève échéance, presque tous les services, dont les services publics.
Les secteurs de services engagés dans l’AGCS sont soumis à des règles internationales dont le respect est imposé par l’OMC (laquelle dispose pour cela d’un organe de règlement des différents, sorte de tribunal), ce qui réduit drastiquement les marges de manœuvre des élus locaux. En outre, ces règles, soumises au principe de « supériorité du libre échange », sont lourdes de conséquences à la fois sociales, sur l’environnement, ainsi que sur les activités et la diversité culturelles.
Selon le texte de l’AGCS les services engagés le sont en fait de manière irréversible.
L’AGCS accentue la mise en concurrence des territoires locaux en livrant toujours plus d’activité de service au commerce mondial et aux investisseurs internationaux (l’AGCS comporte son propre accord sur l’investissement).
L’AGCS crée, par étapes successives, un marché mondial du travail temporaire, ce qui renforcera considérablement la compétition entre travailleurs, tirera les salaires et les conditions de travail vers le bas et poussera à des mobilités non choisies, aggravant les dé-structurations sociales et familiales, et les difficultés des collectivités locales.
Les négociations pour l’extension du champ d’application de l’AGCS sont marquées par le manque de transparence et l’absence totale de consultation des collectivités locales et des populations. Le Conseil municipal, de communauté, général, régional de XXX, inquiet des conséquences des négociations en cours sur l’avenir des collectivités locales :
Demande la diffusion publique immédiate des négociations AGCS ;
Prend position, en tant qu’assemblée élue, contre l’obligation qui lui serait faite par l’AGCS de privatiser des services publics qu’elle considère devoir rester dans le domaine public ;
Demande un moratoire (suspension) des négociations AGCS ;
Demande l’ouverture d’un débat national sur l’AGCS impliquant la pleine participation des collectivités locales et des populations ;
Déclare la ville de xxx zone non AGCS.
Accueil du site > Campagnes > OMC - AGCS > Kit campagne OMC-AGCS
Lorsque les préfets menacent
article publié le 19/07/2004
auteur-e(s) : Fréderic Viale
Argumentaire pour les élus voulant se déclarer zone hors AGCS et menacés par le préfet d’annulation de ce voeu
Il arrive que certains préfets, encore assez peu nombreux, fassent savoir aux collectivités locales qui se déclarent zone hors-Agcs qu’elles sont dans l’illégalité, au motif qu’elles n’ont pas compétence pour prendre des décisions concernant les engagements internationaux de la France.
Il faut apporter les précisions de droit suivantes :
La loi du 2 mars 1982 portant décentralisation de la France prévoit que les collectivités locales sont compétentes pour gérer "les affaires locales", c’est-à-dire celles qui sont délégués par l’Etat (ce qu’on appelle les "blocs de compétences").
Néanmoins, les collectivités locales restent soumises au respect du droit français, la République demeurant une et indivisible. Concrètement, cela veut dire qu’une collectivité locale ne peut pas déroger aux règles générales du droit français dans lequel ses décisions s’inscrivent.
Le préfet, représentant de l’Etat dans la région et le département, est chargé de veiller à la compatibilité des décisions des collectivités locales avec le droit national. Pour cela, il exerce une contrôle.
Ce contrôle a trois caractéristiques : 1- Il s’exerce a posteriori, cad après que la décision de la collectivité locale soit prise. 2- Il est juridictionalisé, cad que le préfet n’annule pas lui même une décision, il la défère au juge administratif qui tranche en droit. 3- Il s’exerce en droit et non en opportunité. Ce dernier point est important, il veut dire que le préfet ne déférera les décisions uniquement pour des motifs de droit, et non pour des motifs d’opportunité. Les seuls motifs de droit qu’il peut invoquer est que la décision en question n’est pas compatible avec la réglementation nationale.
Concernant la campagne "500 collectivités hors-Agcs" :
Les collectivités locales signataires émettent un voeu, cad une décision politique. Cette décision est politique sens fort du terme, elle a un sens et une portée. Néanmoins, elle ne va pas à l’encontre de la législation ni de la réglementation nationale puisqu’il n’y a pas là une décision qui irait concrètement contrarier ces dernières. Techniquement, le juge ne peut censurer qu’un acte d’une collectivité qui créé un droit nouveau en dehors de la loi, ou en supprime un contre les dispositions de la loi. Le voeu de se déclarer "zone hors AGCS" n’a pas ces caractéristiques.
Dès lors le juge administratif qui serait éventuellement saisi par un préfet au motif que ce voeu ne serait pas compatible avec la loi nationale ne pourrait trouver de base à une censure. On ne peut arguer ni de la contrariété à la loi nationale (le voeu ne la contrarie pas, puisqu’il n’est pas la déclaration de la collectivité de ne pas appliquer la loi), ni d’une incompétence (la collectivité ne prend pas une décision hors de sa compétence, puisque cette décision n’est pas techniquement de caractère réglementaire).
Aussi, il faut considérer que ce voeu est conforme à la loi puisqu’il ne l’atteint pas. Il s’agit bien d’une décision politique. Or, le représentant de l’Etat n’a pas le droit d’apprécier les décisions des collectivités locales sur la base de l’opportunité, mais de la compatibilité avec le droit seulement.
Exemple de vœu relatif à l’AGCS
Dans le cadre de l’Accord général sur le commerce des services (AGCS), les pays membres de l’OMC mènent actuellement des négociations dont la conclusion devrait s’achever d’ici début 2005. Il s’agit de soumettre de nouveaux secteurs des services aux règles de l’AGCS. Considérant que :
L’AGCS s’applique à tous les échelons administratifs, de l’Etat aux communes.
L’AGCS peut concerner, à brève échéance, presque tous les services, dont les services publics.
Les secteurs de services engagés dans l’AGCS sont soumis à des règles internationales dont le respect est imposé par l’OMC (laquelle dispose pour cela d’un organe de règlement des différents, sorte de tribunal), ce qui réduit drastiquement les marges de manœuvre des élus locaux. En outre, ces règles, soumises au principe de « supériorité du libre échange », sont lourdes de conséquences à la fois sociales, sur l’environnement, ainsi que sur les activités et la diversité culturelles.
Selon le texte de l’AGCS les services engagés le sont en fait de manière irréversible.
L’AGCS accentue la mise en concurrence des territoires locaux en livrant toujours plus d’activité de service au commerce mondial et aux investisseurs internationaux (l’AGCS comporte son propre accord sur l’investissement).
L’AGCS crée, par étapes successives, un marché mondial du travail temporaire, ce qui renforcera considérablement la compétition entre travailleurs, tirera les salaires et les conditions de travail vers le bas et poussera à des mobilités non choisies, aggravant les dé-structurations sociales et familiales, et les difficultés des collectivités locales.
Les négociations pour l’extension du champ d’application de l’AGCS sont marquées par le manque de transparence et l’absence totale de consultation des collectivités locales et des populations. Le Conseil municipal, de communauté, général, régional de XXX, inquiet des conséquences des négociations en cours sur l’avenir des collectivités locales :
Demande la diffusion publique immédiate des négociations AGCS ;
Prend position, en tant qu’assemblée élue, contre l’obligation qui lui serait faite par l’AGCS de privatiser des services publics qu’elle considère devoir rester dans le domaine public ;
Demande un moratoire (suspension) des négociations AGCS ;
Demande l’ouverture d’un débat national sur l’AGCS impliquant la pleine participation des collectivités locales et des populations ;
Déclare la ville de xxx zone non AGCS.
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Lorsque les préfets menacent
article publié le 19/07/2004
auteur-e(s) : Fréderic Viale
Argumentaire pour les élus voulant se déclarer zone hors AGCS et menacés par le préfet d’annulation de ce voeu
Il arrive que certains préfets, encore assez peu nombreux, fassent savoir aux collectivités locales qui se déclarent zone hors-Agcs qu’elles sont dans l’illégalité, au motif qu’elles n’ont pas compétence pour prendre des décisions concernant les engagements internationaux de la France.
Il faut apporter les précisions de droit suivantes :
La loi du 2 mars 1982 portant décentralisation de la France prévoit que les collectivités locales sont compétentes pour gérer "les affaires locales", c’est-à-dire celles qui sont délégués par l’Etat (ce qu’on appelle les "blocs de compétences").
Néanmoins, les collectivités locales restent soumises au respect du droit français, la République demeurant une et indivisible. Concrètement, cela veut dire qu’une collectivité locale ne peut pas déroger aux règles générales du droit français dans lequel ses décisions s’inscrivent.
Le préfet, représentant de l’Etat dans la région et le département, est chargé de veiller à la compatibilité des décisions des collectivités locales avec le droit national. Pour cela, il exerce une contrôle.
Ce contrôle a trois caractéristiques : 1- Il s’exerce a posteriori, cad après que la décision de la collectivité locale soit prise. 2- Il est juridictionalisé, cad que le préfet n’annule pas lui même une décision, il la défère au juge administratif qui tranche en droit. 3- Il s’exerce en droit et non en opportunité. Ce dernier point est important, il veut dire que le préfet ne déférera les décisions uniquement pour des motifs de droit, et non pour des motifs d’opportunité. Les seuls motifs de droit qu’il peut invoquer est que la décision en question n’est pas compatible avec la réglementation nationale.
Concernant la campagne "500 collectivités hors-Agcs" :
Les collectivités locales signataires émettent un voeu, cad une décision politique. Cette décision est politique sens fort du terme, elle a un sens et une portée. Néanmoins, elle ne va pas à l’encontre de la législation ni de la réglementation nationale puisqu’il n’y a pas là une décision qui irait concrètement contrarier ces dernières. Techniquement, le juge ne peut censurer qu’un acte d’une collectivité qui créé un droit nouveau en dehors de la loi, ou en supprime un contre les dispositions de la loi. Le voeu de se déclarer "zone hors AGCS" n’a pas ces caractéristiques.
Dès lors le juge administratif qui serait éventuellement saisi par un préfet au motif que ce voeu ne serait pas compatible avec la loi nationale ne pourrait trouver de base à une censure. On ne peut arguer ni de la contrariété à la loi nationale (le voeu ne la contrarie pas, puisqu’il n’est pas la déclaration de la collectivité de ne pas appliquer la loi), ni d’une incompétence (la collectivité ne prend pas une décision hors de sa compétence, puisque cette décision n’est pas techniquement de caractère réglementaire).
Aussi, il faut considérer que ce voeu est conforme à la loi puisqu’il ne l’atteint pas. Il s’agit bien d’une décision politique. Or, le représentant de l’Etat n’a pas le droit d’apprécier les décisions des collectivités locales sur la base de l’opportunité, mais de la compatibilité avec le droit seulement.
Bibliographie :
• ATTAC Mille et Une Nuits : Remettre l’OMC à sa place de Susan George.
• ATTAC Mille et Une Nuits : Agir local, penser global, 8 auteurs membres d’ATTAC.
• Service public, lasolidarité face au libéralisme, de Pierre Cours-Salies, Jean-François Gerfaut, Jérémie Lefebvre, éditions Syllepse.
• Service public et principe de précaution, groupe d’auteurs sous la direction de JC Boual et de Philippe Brachet, Edictions l’Harmattan.
dimanche 27 janvier 2008
Socialisme et République, article dans Utopie Critique
Socialisme et République
Par Albert Richez
Professeur de philosophie
Sommes-nous encore en République ? Depuis trop d’années, nous assistons à la destruction de ses valeurs : petits salaires non revalorisés bien que parfois sous le seuil de pauvreté, chômeurs suspectés de paresse mais tributaires de décisions d’embauches qu’ils ne maîtrisent pas, grands patrons qui reçoivent des prébendes financières sans rapport avec le bien-fondé d’un revenu et leurs responsabilités réelles, cadeaux fiscaux pour les plus riches, licenciements constants pour les opérateurs les plus modestes pour seuls motifs financiers, protection sociale menacée au profit d’un système d’assurance qui valorise le risque plutôt que la solidarité… Ces faits nous ramènent, sous couvert de prétendues « réformes », à l’époque antérieure à la conquête d’un statut citoyen des travailleurs. L’égalité s’efface, entraînant la liberté dans sa chute. Aujourd’hui, ceux, qui portent les valeurs du Socialisme, peuvent-ils, s’inspirant de Jaurès, réinventer la République ?
« … Ce que nous constatons, c’est que ce développement prodigieux du machinisme, qui en lui-même est un bien, a, dans le régime spécial de la production qui s’appelle le régime capitaliste, cet effet saisissant que, de plus en plus, la puissance économique appartient à un nombre plus restreint de producteurs, qu’il devient, de plus en plus, impossible au simple salarié, à celui qui n’a que ses bras, d’arriver à l’indépendance, à l’autonomie, à la propriété ; que le régime actuel est la lente et cruelle expropriation de ceux qui n’ont pas les grands capitaux, et qu’il prépare cette concentration souveraine du capital que nous voulons réaliser, nous, pour restituer à tous les travailleurs, dans la propriété nationale, leur part des instruments du travail » (1)
Ce discours de Jaurès réveille en nous des questions essentielles. Qu’est devenu ce socialisme là alors qu’aujourd’hui, acceptant la « victoire du capitalisme », des soi-disant socialistes prétendent le domestiquer !(2) Baisses d’impôts, invention de système d’épargne capitalistique, laisser-faire face à des services publics qui se délitent parce qu’ils deviennent marchands, rien ne les rebute plus. Et, en raison d’une alliance « social démocrate » européenne, tel reste le « credo » de beaucoup d’entre eux, qui osent même, pour demeurer proches de leurs alliés, ne pas respecter le vote de leur peuple !(3) Non, nous avons besoin de nouveaux engagements dignes de Jaurès !
Car la réalité économique, sociale et politique est encore celle d’un combat de classes. Economiquement et politiquement, l’aliénation du travailleur s’est même accentuée, car elle s’est mondialisée ; contrairement à ce que Marx avait prédit, le capitalisme n’a pas succombé à la loi du nombre ; il a systématisé son pouvoir. Après avoir laissé croire qu’il pouvait négocier avec les travailleurs, lors du fordisme puis des Trente Glorieuses, il donne de plus en plus raison à Marx : jamais, la valeur « travail » n’a été aussi éloignée de la réalité « travail » ; se moquant du sens des mots, il arrive même que la valeur « actionnariale » se fasse passer pour la juste rémunération d’un travail ! Spéculation généralisée, matières premières plus rares et plus chères, des deux côtés de la chaîne de la valeur à créer, l’étau se resserre sur la « variable » la plus fragile, celle du travail atomisé, dispersé sur toute la surface du globe et apparaissant divers dans ses modes et intérêts d’exploités, d’où la difficulté d’en rassembler les forces pour en refaire une classe, celle des exclus de la plus value qu’il crée! La loi mondiale des hommes n’est plus qu’économique ; et tout discours, comme toute prétention de pouvoir politique maître de ses choix parce que proche des citoyens, est suspecté et souvent bafoué. Qu’elles sont loin, en France et dans le Monde, les valeurs de la République et du Socialisme !
Et justement la pensée de Jaurès peut aider à redonner une vision différente aux exploités du Capital.
Car il a appris le sens de l’exploitation au travers de sa propre vie. Il était issu d’une bourgeoisie provinciale, non du peuple des pauvres ; mais ses expériences politiques lors de ses campagnes électorales au contact des mineurs et des verriers de Carmaux, sa proximité des grévistes protestant contre le renvoi de leur responsable syndical Jean-Baptiste Calvignac, lui ont appris ce que signifiait la lutte des classes qu’il intégra à sa culture politique de républicain et de socialiste. Contesté dans son parti, même comme créateur et directeur de « L’Humanité », il ne dût son influence politique qu’à sa proximité des travailleurs et à son courage lors de leurs conflits. Agent du rapprochement de son parti avec les syndicats, il approuva tout combat social qui s’ancrait dans une vision politique rassemblant classe ouvrière et petite paysannerie, nourries l’une et l’autre aux idéaux de la grande révolution française. Parce qu’il mesurait les limites de la démocratie parlementaire et des partis nationaux, c’est vers l’action internationale qu’il se tourna pour rechercher l’unité de la classe ouvrière qui aurait pu éviter la guerre. Son expérience des conflits coloniaux rejoint la nôtre lorsque nous analysons les raisons des guerres qui secouent notre planète aujourd’hui : « le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée porte l’orage ». (4) Sa mort tragique est ainsi apparue comme un échec de l’unité, de la paix et de la transformation sociale.
Que peut-il nous apprendre sur ce lien étroit et quasi naturel entre Socialisme et République ?
D’abord, que l’absence de références idéologiques de beaucoup de ceux qui prétendent représenter le socialisme actuel est d’abord l’acceptation de l’idée suivant laquelle la pensée et les valeurs républicaines passent après « l’économisme » du Consensus de Washington (5) ; cette position relève dans leur esprit d’une nécessité fatale liée au dépassement du « politique » par une économie mondialisée ; dès lors, l’Etat perd sa primauté ; la capacité technique l’emporte sur la volonté politique ; le suffrage universel perd son sens et la relativité idéologique s’installe ! Ainsi se développe une situation aux antipodes de ce que souhaitait le grand socialiste lorsqu’il proclamait : « …par le suffrage universel, par la souveraineté nationale, qui trouve son expression définitive et logique dans la République, vous avez fait de tous les citoyens, y compris les salariés, une assemblée de rois. C’est d’eux, c’est de leur volonté souveraine qu’émanent les lois et le gouvernement ; ils révoquent, ils changent leurs mandataires, les législateurs et les ministres ; mais, au moment même où le salarié est souverain dans l’ordre politique, il est dans l’ordre économique réduit à une sorte de servage… » (6). Valeurs universelles dans le temps comme dans l’espace ! Aujourd’hui comme alors, le rétablissement du « politique » passe par la réaffirmation combative des valeurs du Socialisme et de la République.
Bien entendu, aucune nation ne peut s’établir seule. Pas de République française sans reconnaissance politique des autres Nations et de leurs peuples. Mais pas de République sans recherche permanente de la cohésion sociale interne à la Nation, sans rapprochement du politique et du syndical ; les « règles économiques », en particulier le libre échange ne peuvent mettre en cause ces principes ! Et c’est leur refus, l’absence de stratégie de développement, la volonté d’asservir les peuples au nouvel ordre économique, qui mettent en péril la paix et développe des attitudes terroristes. C’est pourquoi l’internationalisme doit se récréer sur des bases qui étaient les siennes avant la guerre de 14, qui fondaient encore la pensée après la deuxième guerre mondiale (7), loin des dérapages mondialistes de prétendues régulations économique et commerciale qui, aujourd’hui, ne servent qu’à justifier l’ordre dominant. L’internationalisme du mouvement des travailleurs peut et doit conduire à un monde où les peuples, respectés dans leurs identités nationales, vivent en paix, dans l’égalité de rapports harmonieux parce qu’égaux.
« Le politique » doit retrouver sa place première, qui est la loi des peuples ; et « l’économique », procédé technique, doit s’inscrire au service de la République des citoyens du Monde ! Tel était le message de Jaurès qui donna sa vie pour la paix et le progrès social.
Notes :
(1) Discours de J Jaurès à la Chambre des Députés, 21 novembre 1893.
(2) Un Social Libéralisme à la Française ?, de la Fondation Copernic, Editions La Découverte.
(3) Voir leur mépris du vote du 29 mai 2005.
(4) Cité par Madeleine Reberioux, p 1025, Encyclopédie Universalis, 1996.
(5) Le Consensus de Washington, modèle néo-libéral de gestion du monde a ses règles : croissance économique maximale, libre-échange tendant vers l'absolu; liberté des mouvements de capitaux et de l'investissement, déréglementation et réduction du rôle de l'Etat; privatisation des services publics, maîtrise stricte de l'inflation et taux d'intérêts élevés.
(6) Discours à la Chambre des députés, 21 novembre 1893.
(7) Charte de La Havane.
Par Albert Richez
Professeur de philosophie
Sommes-nous encore en République ? Depuis trop d’années, nous assistons à la destruction de ses valeurs : petits salaires non revalorisés bien que parfois sous le seuil de pauvreté, chômeurs suspectés de paresse mais tributaires de décisions d’embauches qu’ils ne maîtrisent pas, grands patrons qui reçoivent des prébendes financières sans rapport avec le bien-fondé d’un revenu et leurs responsabilités réelles, cadeaux fiscaux pour les plus riches, licenciements constants pour les opérateurs les plus modestes pour seuls motifs financiers, protection sociale menacée au profit d’un système d’assurance qui valorise le risque plutôt que la solidarité… Ces faits nous ramènent, sous couvert de prétendues « réformes », à l’époque antérieure à la conquête d’un statut citoyen des travailleurs. L’égalité s’efface, entraînant la liberté dans sa chute. Aujourd’hui, ceux, qui portent les valeurs du Socialisme, peuvent-ils, s’inspirant de Jaurès, réinventer la République ?
« … Ce que nous constatons, c’est que ce développement prodigieux du machinisme, qui en lui-même est un bien, a, dans le régime spécial de la production qui s’appelle le régime capitaliste, cet effet saisissant que, de plus en plus, la puissance économique appartient à un nombre plus restreint de producteurs, qu’il devient, de plus en plus, impossible au simple salarié, à celui qui n’a que ses bras, d’arriver à l’indépendance, à l’autonomie, à la propriété ; que le régime actuel est la lente et cruelle expropriation de ceux qui n’ont pas les grands capitaux, et qu’il prépare cette concentration souveraine du capital que nous voulons réaliser, nous, pour restituer à tous les travailleurs, dans la propriété nationale, leur part des instruments du travail » (1)
Ce discours de Jaurès réveille en nous des questions essentielles. Qu’est devenu ce socialisme là alors qu’aujourd’hui, acceptant la « victoire du capitalisme », des soi-disant socialistes prétendent le domestiquer !(2) Baisses d’impôts, invention de système d’épargne capitalistique, laisser-faire face à des services publics qui se délitent parce qu’ils deviennent marchands, rien ne les rebute plus. Et, en raison d’une alliance « social démocrate » européenne, tel reste le « credo » de beaucoup d’entre eux, qui osent même, pour demeurer proches de leurs alliés, ne pas respecter le vote de leur peuple !(3) Non, nous avons besoin de nouveaux engagements dignes de Jaurès !
Car la réalité économique, sociale et politique est encore celle d’un combat de classes. Economiquement et politiquement, l’aliénation du travailleur s’est même accentuée, car elle s’est mondialisée ; contrairement à ce que Marx avait prédit, le capitalisme n’a pas succombé à la loi du nombre ; il a systématisé son pouvoir. Après avoir laissé croire qu’il pouvait négocier avec les travailleurs, lors du fordisme puis des Trente Glorieuses, il donne de plus en plus raison à Marx : jamais, la valeur « travail » n’a été aussi éloignée de la réalité « travail » ; se moquant du sens des mots, il arrive même que la valeur « actionnariale » se fasse passer pour la juste rémunération d’un travail ! Spéculation généralisée, matières premières plus rares et plus chères, des deux côtés de la chaîne de la valeur à créer, l’étau se resserre sur la « variable » la plus fragile, celle du travail atomisé, dispersé sur toute la surface du globe et apparaissant divers dans ses modes et intérêts d’exploités, d’où la difficulté d’en rassembler les forces pour en refaire une classe, celle des exclus de la plus value qu’il crée! La loi mondiale des hommes n’est plus qu’économique ; et tout discours, comme toute prétention de pouvoir politique maître de ses choix parce que proche des citoyens, est suspecté et souvent bafoué. Qu’elles sont loin, en France et dans le Monde, les valeurs de la République et du Socialisme !
Et justement la pensée de Jaurès peut aider à redonner une vision différente aux exploités du Capital.
Car il a appris le sens de l’exploitation au travers de sa propre vie. Il était issu d’une bourgeoisie provinciale, non du peuple des pauvres ; mais ses expériences politiques lors de ses campagnes électorales au contact des mineurs et des verriers de Carmaux, sa proximité des grévistes protestant contre le renvoi de leur responsable syndical Jean-Baptiste Calvignac, lui ont appris ce que signifiait la lutte des classes qu’il intégra à sa culture politique de républicain et de socialiste. Contesté dans son parti, même comme créateur et directeur de « L’Humanité », il ne dût son influence politique qu’à sa proximité des travailleurs et à son courage lors de leurs conflits. Agent du rapprochement de son parti avec les syndicats, il approuva tout combat social qui s’ancrait dans une vision politique rassemblant classe ouvrière et petite paysannerie, nourries l’une et l’autre aux idéaux de la grande révolution française. Parce qu’il mesurait les limites de la démocratie parlementaire et des partis nationaux, c’est vers l’action internationale qu’il se tourna pour rechercher l’unité de la classe ouvrière qui aurait pu éviter la guerre. Son expérience des conflits coloniaux rejoint la nôtre lorsque nous analysons les raisons des guerres qui secouent notre planète aujourd’hui : « le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée porte l’orage ». (4) Sa mort tragique est ainsi apparue comme un échec de l’unité, de la paix et de la transformation sociale.
Que peut-il nous apprendre sur ce lien étroit et quasi naturel entre Socialisme et République ?
D’abord, que l’absence de références idéologiques de beaucoup de ceux qui prétendent représenter le socialisme actuel est d’abord l’acceptation de l’idée suivant laquelle la pensée et les valeurs républicaines passent après « l’économisme » du Consensus de Washington (5) ; cette position relève dans leur esprit d’une nécessité fatale liée au dépassement du « politique » par une économie mondialisée ; dès lors, l’Etat perd sa primauté ; la capacité technique l’emporte sur la volonté politique ; le suffrage universel perd son sens et la relativité idéologique s’installe ! Ainsi se développe une situation aux antipodes de ce que souhaitait le grand socialiste lorsqu’il proclamait : « …par le suffrage universel, par la souveraineté nationale, qui trouve son expression définitive et logique dans la République, vous avez fait de tous les citoyens, y compris les salariés, une assemblée de rois. C’est d’eux, c’est de leur volonté souveraine qu’émanent les lois et le gouvernement ; ils révoquent, ils changent leurs mandataires, les législateurs et les ministres ; mais, au moment même où le salarié est souverain dans l’ordre politique, il est dans l’ordre économique réduit à une sorte de servage… » (6). Valeurs universelles dans le temps comme dans l’espace ! Aujourd’hui comme alors, le rétablissement du « politique » passe par la réaffirmation combative des valeurs du Socialisme et de la République.
Bien entendu, aucune nation ne peut s’établir seule. Pas de République française sans reconnaissance politique des autres Nations et de leurs peuples. Mais pas de République sans recherche permanente de la cohésion sociale interne à la Nation, sans rapprochement du politique et du syndical ; les « règles économiques », en particulier le libre échange ne peuvent mettre en cause ces principes ! Et c’est leur refus, l’absence de stratégie de développement, la volonté d’asservir les peuples au nouvel ordre économique, qui mettent en péril la paix et développe des attitudes terroristes. C’est pourquoi l’internationalisme doit se récréer sur des bases qui étaient les siennes avant la guerre de 14, qui fondaient encore la pensée après la deuxième guerre mondiale (7), loin des dérapages mondialistes de prétendues régulations économique et commerciale qui, aujourd’hui, ne servent qu’à justifier l’ordre dominant. L’internationalisme du mouvement des travailleurs peut et doit conduire à un monde où les peuples, respectés dans leurs identités nationales, vivent en paix, dans l’égalité de rapports harmonieux parce qu’égaux.
« Le politique » doit retrouver sa place première, qui est la loi des peuples ; et « l’économique », procédé technique, doit s’inscrire au service de la République des citoyens du Monde ! Tel était le message de Jaurès qui donna sa vie pour la paix et le progrès social.
Notes :
(1) Discours de J Jaurès à la Chambre des Députés, 21 novembre 1893.
(2) Un Social Libéralisme à la Française ?, de la Fondation Copernic, Editions La Découverte.
(3) Voir leur mépris du vote du 29 mai 2005.
(4) Cité par Madeleine Reberioux, p 1025, Encyclopédie Universalis, 1996.
(5) Le Consensus de Washington, modèle néo-libéral de gestion du monde a ses règles : croissance économique maximale, libre-échange tendant vers l'absolu; liberté des mouvements de capitaux et de l'investissement, déréglementation et réduction du rôle de l'Etat; privatisation des services publics, maîtrise stricte de l'inflation et taux d'intérêts élevés.
(6) Discours à la Chambre des députés, 21 novembre 1893.
(7) Charte de La Havane.
jeudi 10 janvier 2008
S'interroger sur le Traité Modifié Européen?
Introduction : « L’Europe a un problème avec ses peuples » ; elle se construit sans eux : seul le Traité de Maastricht a été ratifié par le peuple français à 51%, le TCE de 2005 étant un projet de Constitution ; en France, un seul élargissement, celui de 1973 avec la Grande Bretagne, l’Irlande et le Danemark, a été soumis à référendum, les autres modifications fondamentales se sont effectuées sans lui (Acte unique ; Traités d’Amsterdam et de Nice…) ; dans d’autres pays, il est même arrivé que l’on refasse revoter, après un référendum négatif, le même texte à grand renfort de propagande (traité de Nice en Irlande, par exemple); cette formule ayant toutes chances d’échouer, cette fois en France, le président de la République Française se rend coupable d’un double déni de démocratie : (1) un « mini traité » strictement institutionnel (partie 1 du TCE) nous est annoncé ; de ce fait, il n’aurait plus besoin d’un référendum puisque la partie 3, estimée cause du rejet de 2005, n’y figure plus; (2) le « Mini Traité » étant l’amorce d’un Vrai Traité, il est aussi complexe et volumineux que le TCE, dont il intègre les parties incriminées lors des 2 référendum(s) « perdus » de 2005. Est-ce ainsi que l’Union européenne (UE) rendra citoyens d’Europe les européens ? Aux élections des « euro députés » de 2004, 220 millions d’électeurs européens sur 375 millions d’inscrits ne s’étaient pas déplacés aux urnes ; combien d’européens se déplaceront pour les prochaines élections de 2009 ? Véritable texte fondamental pour l’Europe, choix économique, choix politique : voilà de ce dont il est question dans le nouveau texte, que l’on veut soustraire à notre arbitrage : comme citoyens européens, nous laisserons nous faire ?
1° Partie : Un rapide point d’Histoire : Après un « galop d’essai » de 1950 à 1957, le traité de Rome institue les Communautés Européennes en 1957 (appelé dans le nouveau projet de Traité « TFUE » : Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne) ; à l’époque, l’Europe était conçue pour entériner ou construire pragmatiquement, secteur par secteur (Charbon-acier - 52 ; transports - 53; agriculture – 54 ; énergie atomique – 57) l’existence de communautés; après la CECA intervenue dès 52, seuls finalement 6 pays mettent en place, 2 autres communautés lors du Traité de Rome : la communauté économique européenne (CEE) et la communauté européenne de l’énergie atomique (Euratom); il s’agissait de « réalisations concrètes, créant d’abord une solidarité de fait » et faisant progressivement sa place à la supranationalité. Deux grandes projets d’Europe se faisaient face: celle des « socialistes », pour lesquels l’intégration économique créerait, par effet d’engrenage, l’intégration politique ; et celle des « libéraux » pour qui le grand marché enclencherait, toujours par engrenage, une marche accélérée vers l’Europe de la concurrence. Dans les 2 cas, l’économique était premier : pas d’idée de Constituante ; et, pour les uns comme pour les autres, en pleine « guerre froide », l’Europe se plaçait sous la protection de l’OTAN. Après l’Acte Unique (1986 : libre circulation des marchandises et des capitaux) et le traité de Maastricht (BCE indépendante des Etats ; monnaie unique ; définition des critères de déficit public), l’UE concrétisait le projet libéral ; en 1997, s’il accroît les pouvoirs du Parlement, le Traité d’Amsterdam confirme celui de Maastricht en accentuant ses effets, puisqu’un Pacte de Stabilité (sans référence à la croissance et à l’emploi) définit l’unique mission de la BCE : la lutte contre l’inflation ; en 2000, le Traité de Nice institue des minorités de blocage due aux effets du système de votes à majorité qualifiée combinant la majorité des Etats membres (55%) et un ratio de 65% des populations européennes. Et le pouvoir des Etats et de l’Union se réduit, notamment en économie ! C’est donc au nom de cette situation institutionnelle réputée « difficile » , qu’est préparée, par une Convention et non par une Constituante, le projet de Constitution de 2005 (appelée dans le « Mini Traité » « Traité établissant une Constitution pour l’Europe » : TCE, le « Mini-Traité » étant appelé, quant à lui TUE : Traité sur l’Union européenne). Ce Traité de 2005, « valant constitution pour l’UE » récapitule les dispositions libérales économiques des précédents traités (partie 3) ; il tente, dans sa partie I, quelques avancées institutionnelles tout en s’articulant avec sa finalité libérale développée dans sa partie 3 ; ainsi, s’il propose, par ex, une présidence de l’UE de 2 ans et demie et la création d’un poste de ministre des affaires étrangères européen, dès l’article I-3, &2, il est indiqué que « L’Union offre à ses citoyens un espace de liberté, de sécurité et de justice sans frontières intérieures, et un marché intérieur où la concurrence est libre et non faussée » ; en I-30, il fixe le statut et la mission exclusive de la BCE en matière de maîtrise de l’inflation ; en I-53, il indique que le budget européen « doit être équilibré en recettes et en dépenses » interdisant tout emprunt en vue de l’investissement, la partie I s’articulant donc avec l’orientation libérale économique de la partie III. Il est bien question, dans la partie 2 d’une Charte des Droits Fondamentaux, mais celle-ci ne reprend pas les Droits institués dans les Etats les plus « avancés » sur le plan social et, surtout, elle ne s’impose pas au Droit des Etats. Enfin, dans la partie 4 intitulée « dispositions générales et finales », est instituée, tout à la fois, un prétendu droit de pétition donnant à 1 million de citoyens la possibilité de faire des propositions à la commission, qui doivent respecter le droit de l’Union, et la règle de l’unanimité des Etats pour modifier cette Constitution.
C’est cette Constitution, qui fut rejetée en 2005 par 54,7% des Français et 61,5% des néerlandais pour 3 raisons essentielles :
- Précaution sociale : nombre d’Européens étant attachés aux Services Publics, à la solidarité, à la justice sociale, et au partage des richesses, ne croient majoritairement plus aux « réformes » néo libérales préconisées par Bruxelles.
- Précaution démocratique : la confiance des européens chute vis à vis du système politique actuel, du mode de construction de l’UE et de toutes les institutions européennes.
- Désir, enfin, d’une Europe des citoyens : ceux-ci veulent être, protégés de tout hégémonisme, y compris américain ; ils désirent une Europe, qui soit un modèle économique et social et qui mène la politique voulue par la majorité de ses citoyens.
Alors, accusés de « Moutons noirs », les citoyens Français « nonnistes » auraient « bloqué l’Europe » ! D’où la fièvre des « politiques », dits responsables, pour trouver une solution destinée à « faire de nouveau avancer l’Europe ». C’est de cette fièvre qu’est née l’idée du Traité sur l’Union européenne (TUE ou Traité Modificatif Européen : TME), imaginé à partir de la modification du TCE lors de la Conférence Intergouvernementale du 27 Juillet 2007 et signé à Lisbonne par les Chefs d’Etats et de Gouvernements des 27 pays composant l’UE actuelle. L’on trouve la version de ce projet de traité sur Internet à : www.consilium.europa.eu. Il est la synthèse de tous les précédents textes institutionnels de l’UE (traités de Rome, Maastricht, Amsterdam, Nice, projet de constitution de 2005). Finalement, le TUE est une véritable Constitution : « Le fait que le principe de primauté ne soit pas inscrit dans le futur traité ne modifie en rien l’existence de ce principe, ni la jurisprudence en vigueur de la Cour de justice », affirme avec raison un avis du service juridique du Conseil repris dans la déclaration additive n° 27. Qu’on les pare ou non des oripeaux d’une Constitution, les traités européens constituent la loi fondamentale commune à toutes les institutions européennes, mais aussi à tous les États membres. L’article 1-54 du TUE donne d’ailleurs « la personnalité juridique » à l’Union, lui permettant d’exister sur la scène internationale, en lieu et place des États membres, et de conclure des traités dans le champ de ses compétences. « On avance encore dans la constitutionnalisation des traités sans Constitution », se félicitait Mario Telô, président de l’Institut d’études européennes de l’Université libre de Bruxelles, le 9 juillet dans « le Soir ».
Sur le plan institutionnel, le TME reprend donc toutes les innovations du TCE :
- la création d’un poste de président du Conseil européen pour un mandat de 2 ans et demi renouvelable une fois, au lieu d’une présidence tournante semestrielle ;
- la création d’une nouvelle fonction de haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité ;
- la réduction du nombre de commissaires à deux tiers du nombre des États membres et le renforcement du rôle du président de la Commission ;
- l’instauration du système de vote au Conseil à la double majorité (55 % des États représentant 65 % de la population de l’UE) ;
- l’extension du champ des décisions prises à la majorité qualifiée à une quarantaine de nouveaux domaines, et principalement sur la coopération judiciaire et policière ;
- l’extension des domaines où s’applique la codécision (Parlement européen et Conseil) aux questions de justice, de sécurité et d’immigration légale ;
- la possibilité pour les parlements nationaux de demander à la Commission de revoir une proposition s’ils jugent qu’elle empiète sur leurs compétences...
Et, dans l’article 1-1, il ajoute au préambule du TUE un point fondamental relatif aux « héritages culturels, religieux et humanistes », plaçant la construction européenne dans une filiation identitaire, qui inclut le « religieux », rejeté comme tel dans le TCE.
2° Partie : Alors, aujourd’hui, que va t’il se passer ?
Dans 26 pays de l’Union européenne, ce projet sera soumis au vote des Parlementaires, l’Irlande étant seule obligée de soumettre constitutionnellement le texte à un référendum.
En France, après avis du Conseil Constitutionnel sur la constitutionnalité du projet de Traité, l’adoption du TUE par le Congrès exige le changement de l’article 88-1 de la Constitution Française, ce qui nécessite le vote de 3/5° des 2 Chambres réunies en Congrès ; dans cet article de la Constitution, il est dit : « La République participe aux Communautés européennes et à l’Union européenne, constituée d’Etats qui ont choisi librement, en vertu des traités qui les ont institués, d’exercer en commun certaines de leurs compétences. Elle peut participer à l’Union européenne dans les conditions prévues par le traité établissant une Constitution pour l’Europe signé le 29 Octobre 2004 ». Pour faire passer le vote du TUE par voie parlementaire, il faut supprimer cette 2° phrase de l’article 88-1. Avant de voter le Traité, il faut donc passer par 2 phases :
- la 1° phase commence le 14 janvier à l’Assemblée Nationale et passe ensuite au Sénat le 28 janvier pour s’achever, le 4 Février, au Congrès.
- Le vote du texte signé à Lisbonne le 13 Décembre 2007, soit par les Chambres parlementaires, soit par référendum, est ensuite déterminé par le résultat du scrutin des Grands Electeurs au Congrès. Si 2/5 ou plus des grands électeurs s’opposent à l’adoption du TUE par les Assemblées, Nicolas Sarkozy est obligé de le soumettre aux citoyens par voir référendaire.
Et, à supposer que le texte soit adopté en France, il faut ensuite qu’il le soit dans les 26 autres pays , où nous savons que, là aussi, des protestations s’élèvent pour obtenir un référendum
Ce n’est qu’ensuite, en cas de vote favorable en faveur du TUE par la totalité des 27 pays de l’Union Européenne (UE) que le traité lui-même sera rédigé par 12 Sages simplement cooptés . L’orientation de ce traité respecterait, bien sûr, l’orientation libérale de l’épure du Traité.
Face à cette situation, la question se pose de savoir si les citoyens français et néerlandais ont été « entendus » après les résultats négatifs de leurs référendums successifs ?
3° Partie : Qu’est devenu le projet de Constitution de l’UE dans sa nouvelle mouture (TUE ou Traité Européen Modifié : TME) :
Sur la Forme : (a) S’agit-il d’un Mini Traité ? (b) Permet-il, enfin, l’éclosion d’une Europe des Citoyens ?
(a) D’un point de vue formel, il ne s’agit pas d’un « mini traité » : Le corps du traité comporte 152 pages, auxquelles il convient d’ajouter un préambule (2 pages), 13 protocoles additionnels (77 pages), 68 déclarations (28 pages). Le TME réécrit presque intégralement la Constitution pour l’Union européenne (TCE) ; il modifie totalement plus d’un tiers des 314 articles du Traité instituant la Communauté européenne (traité de Rome ou TFUE). Il ne s’agit donc pas d’un texte s’attachant à fonder des points institutionnels de l’ancienne partie I, comme l’avait indiqué, lors de sa campagne, Nicolas Sarkozy, à supposer que, contrairement à ce que j’ai démontré, cette partie ne soit qu’institutionnelle. Ce n’est pas non plus un « traité simplifié » : le TME ne compte que 7 articles. Mais le premier, qui s’étend sur 38 pages, comprend 62 points qui constituent au moins autant de modifications du TCE puisque certains points sont eux-mêmes subdivisés en sous-points a), b), c)... Le second article, dont la rédaction compte... 120 pages recense toutes les modifications apportées au Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne (traité de Rome); il ne rassemble pas moins de 294 points. Les cinq derniers articles constituent les « dispositions finales » du traité. Si chaque point avait été présenté comme un article, le TME ou TUE n’en comporterait pas 7 mais 361, ce qui, en volume, le différencie peu du TCE, qui en comptait 448 en incluant les 69 articles de la Charte des droits fondamentaux, qui, cette fois figure en annexe du traité. « Les juristes n’ont pas proposé d’innovations », écrit Valéry Giscard d’Estaing dans une tribune adressée à vingt-sept quotidiens nationaux et publiée le 26 octobre 2007 dans Le Monde. « Ils sont partis du texte du traité constitutionnel, dont ils ont fait éclater les éléments, un par un, en les renvoyant, par voie d’amendements aux deux traités existants de Rome (1957) et de Maastricht (1992) ». VGE voit un « intérêt » à cette « subtile manœuvre » de multiplication des amendements aux traités antérieurs : « D’abord et avant tout il permet d’échapper à la contrainte du recours au référendum, et grâce à la dispersion des articles, il apparaît comme un renoncement au vocabulaire constitutionnel ». Les différences entre les deux textes sont donc « d’ordre cosmétique » ; l’emballage a changé, mais le contenu est le même. À lui seul, ce constat justifierait que les peuples, qui s’étaient prononcés contre le TCE, soient à nouveau consultés.
(b) Nous sommes donc en présence d’un déni de démocratie. Sans consultation populaire, il n’y aura pas de débat sur l’avenir de l’Europe et sur sa finalité alors que cette exigence était implicite dès le 29 Mai 2005.
Si l’on examine maintenant les détails de son contenu, qu’est-ce qui, dans ce texte, améliorerait le lien des citoyens avec l’UE ? Tout d’abord, pas de changement par rapport au « tce » sur la confusion des pouvoirs au niveau des institutions :
- La Commission n’est pas élue ; seul le président est élu par le Parlement mais sur proposition du Conseil Européen (les Chefs d’Etat : tue 9 A-1/ tce I-20-1), qui tient compte des résultats des élections au Parlement européen (tue 9-D-8/ tce I-20-1) ; les commissaires ne sont pas choisis pour correspondre à une majorité parlementaire mais « en raison de leur compétence générale et de leur engagement européen et parmi les personnalités offrant toutes garanties d’indépendance » (tue 9 D-3/ tce I-20-1). Conformément aux conclusions du Traité de Nice, la Commission est composée, dans un 1° temps, d’un commissaire par Etat membre pour un mandat de 5 ans ; chaque commissaire est proposé par son Etat ; à partir de novembre 2014, la Commission ne comprend plus que des représentants de 2/3 des Etats membres, ceux-ci étant traités sur un strict pied d’égalité (tue 9 D-5/ tce I-26-6) Cette Commission mêle des pouvoirs législatifs (initiative des lois : tue 9 D-2/ tce I-26-2), exécutifs (sur la concurrence) et judiciaires (surveillance de l’application des lois) (tue 9 D-1 et 2/ tce I-26-1 et 2) . La commission peut donc être considérée comme le gouvernement européen.
- Le Conseil Européen (qui représente les exécutifs nationaux) est le seul organe qui vote toutes les lois (hormis celles qui concernent la monnaie, qui dépend de la BCE) ; avec le Conseil des Ministres et en accord unanime avec lui, il reste maître de la politique étrangère et de sécurité ; en matière de commerce des services culturels et audiovisuels et en ce qui concerne le commerce des services sociaux, d’éducation et de santé, le Conseil ne statue à l’unanimité que si ces accords risquent de « perturber gravement l’organisation de ces services au niveau national et de porter atteinte à la responsabilité des Etats membres pour la fourniture de ces services » (tfue 188 C-4-a/ tce III-315-4-a) ; de ce fait, ce sera à la Cour de Justice de l’UE (CJUE), dont les magistrats sont nommés (et donc dépendants), d’apprécier si le droit de veto des Etats membres s’applique ou non. Le Conseil européen nomme le « Haut Représentant de l’Union pour les Affaires Etrangères et la Sécurité », en accord avec le Président de la Commission, et il peut le démettre ( tue 9 D-1/ tce I-28-1) ; ce haut représentant est membre de la Commission et conduit la politique étrangère et de sécurité commune (tue 9vD-2) : il a donc les mêmes fonctions que le Ministre des Affaires étrangères prévu pae le défunt TCE (tce I-28-2).
- Le Parlement, composé d’élus, est exclu de 21 domaines de délibération sur 90 ; il ne vote qu’une partie du budget et, en tous cas, pas les recettes ; il ne vote donc pas l’impôt, décidé par le Conseil après unanimité des Etats membres (tfue 269/ tce I-54-3). Les euros députés peuvent rejeter ou amender la seule partie « dépenses » du budget (tfue 272/ tce III-404). Il reste écarté de la politique monétaire, qui échappe donc à tout contrôle des Etats et de leur peuple. Il n’est que consulté sur la politique étrangère et de sécurité, sur la sécurité et la protection sociale (tfue 137-2/ tce III-210-3). Il est exclu de toute décision sur le marché intérieur et sur l’essentiel de la politique agricole. Il n’a pas l’initiative des lois et, tout au plus, il peut faire des propositions à la Commission, qui peut ne pas y donner suite, tout en étant obligée de motiver son refus (tfue 192/ tce III-332). Le Parlement peut démettre la Commission à la majorité des 2/3 des suffrages exprimés (tue 9 D-6/ tce I-26-8, tfue 201/ tce III-240), ce qui signifie que la commission peut gouverner en n’ayant que le soutien d’un tiers des députés élus.
- La Banque Centrale européenne (BCE), dont le Président est nommé, reste indépendante du pouvoir des Etats (tue 105/ tce III-188) ; dans le TME, l’UE adopte les mêmes objectifs que la BCE : « développement durable de l’Europe fondé sur une croissance économique équilibrée et sur la stabilité des prix » (tue 3-3/ tce III-185).
Ajoutez à cette situation de carence de démocratie de l’UE le fait que tous les européens ne sont pas « égaux » devant le suffrage universel, contrairement à ce qu’affirme le « tue » dans son chapitre 8 ; en effet, s’il est écrit que « la représentation des citoyens est assurée de façon dégressive et proportionnellement, avec un seuil minimum de 6 membres par Etat membre …, aucun Etat ne se voyant attribuer plus de 96 sièges », ce mode de calcul est totalement inégalitaire ; pour ne citer qu’un exemple, les maltais ont un député par tranche de 66000 habitants tandis qu’il faut 860000 allemands pour l’élection d’un de leurs représentants au Parlement Européen.
Ces informations confirment donc que le TUE n’est qu’une reprise des anciens traités et projet de Constitution et que, comme tel, il devait être soumis à référendum après le vote négatif de 2005 !
Alors, les conditions de fonctionnement de l’UE donnent-ils envie de croire en l’Europe que nous voulons ?
4° Partie : Sur le Fond, c’est à dire sur le projet politique européen, il convient de s’interroger : Y a t’il changement par rapport au projet de Constitution de 2005 ?
On l’a déjà vu : peu de changement dans les institutions entre tue et tce. Mais, contrairement aux promesses du candidat Sarkozy, qui affirmait tenir compte du vote du 29 mai 2005, le traité signé par les chefs d’Etat et de gouvernement européens trace une ligne politique conforme au projet de Constitution de 2005 rejeté par les français et les néerlandais ; économiquement, ce projet est marqué par le sceau libéral ; sur le plan militaire, l’UE s’inscrit dans le dispositif de l’OTAN ; les politiques agricole et monétaire ne subissent aucune variation ; le contrôle de l’immigration est conforme aux accords de Schengen et l’article 188-B (qui reprend l’article II-314 du « tce ») établit que les orientations économiques de l’UE en matière de politique étrangère et de commerce international, à l’OMC par exemple, demeureront inchangées. Mais détaillons :
Projet économique : « la concurrence libre et non faussée » a bien été rayée des objectifs de l’Union (tue 3-2/ tce I-5-2) mais elle réapparaît dans le protocole 6, qui a une portée juridique équivalente au traité, et il est écrit dans l’article 3 du tue que « le marché intérieur comprend un système garantissant que la concurrence n’est pas faussée ». A partir de cette logique, les dispositions, qui lui correspondent, sont présentées dans un certain nombre d’articles, en parallèle étroit avec les précédents articles du tce :
- généralités sur la « libre concurrence :
• Art 3 du tfue (repris par l’art 97 ter du TFUE) : il indique que « l’Union dispose d’une compétence exclusive dans l’établissement des règles de concurrence nécessaires au fonctionnement du marché intérieur »
• Art 87 du tue : il stipule « l’incompatibilité avec le marché intérieur des aides accordées par les Etats ou au moyen de ressources d’Etat à des entreprises ou à des productions » (y compris publiques)
• Art 88 et 96 du tue : il présente les sanctions applicables en cas de non respect de cette dernière orientation économique par un Etat.
• Art 93 du tue : il présente « les dispositions d’harmonisation des législations relatives aux taxes sur les chiffres d’affaires, aux droits d’accises et autres impôts indirects, dans la mesure où cette harmonisation est nécessaire pour assurer l’établissement et le fonctionnement du marché intérieur et pour éviter des distorsions de concurrence ».
• Art 105 du tue : il indique que « le Système Européen des Banques Centrales (SEBC), dont l’objectif est de maintenir la stabilité des prix, agit conformément au principe d’une économie de marché ouverte, où la concurrence est libre… »
• Art 137 du tue : il indique que « Sur la politique sociale … le Conseil et le Parlement européen peuvent arrêter par voie de directives des prescriptions minimales applicables progressivement, compte tenu des conditions et réglementations techniques existantes dans chacun des Etats membres. Ces directives évitent d’imposer des contraintes administratives, financières et juridiques (ex du Code du travail), telles qu’elles contrarieraient la création et le développement de petites et moyennes entreprises ».
Dans cet article, est posée la question des Services Publics (à distinguer des Services d’Intérêt Economique Général européens (SIEG : services marchands) et des Services d’Intérêt Général européens (SIG : Services actuellement non marchands mais pouvant être mis en concurrence avec des services du même type (ex : santé, éducation, recherche) ; ces services européens se distinguent des Services Publics à la Française permettant aux citoyens de bénéficier d’une « péréquation de tarif » et aux fonctionnaires d’un statut public ; les SIEG actuels (poste, transports aériens, transports ferroviaires…) sont déjà largement « ouverts à la concurrence » ou « privatisés », mais quelle garantie pour les autres SIG, dans la mesure où ils sont concurrencés de fait (Hôpitaux, Universités, Ecoles) et que rien ne définit, en Europe, ce qu’est un Service Public ; finalement, cette définition s’effectuerait à postériori, à partir de plaintes tranchées par la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE), et des privatisations de fait pourraient en résulter (les cas de l’enseignement supérieur et de la recherche sont emblématiques de ce risque).
• Art 86, 2° alinéa : il stipule que « les entreprises chargées de la gestion de services d’intérêt économique d’intérêt général ou présentant le caractère d’un monopole fiscal sont soumises aux règles du présent traité, notamment aux règles de concurrence, dans la limite où l’application de ces règles ne fait pas échec à l’accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui leur est impartie…. »
• Art 53 : il indique que « les Etats membres s’efforcent de procéder à la libéralisation des services au-delà de la mesure qui est obligatoire en vertu des directives arrêtées en application de l’article 52, si leur situation économique générale et la situation du secteur intéressé le leur permettent. La Commission adresse aux Etats membres des recommandations à cet effet. »
• Art 82 : il stipule qu’« est incompatible avec le marché intérieur et interdit, dans la mesure où le commerce entre les Etats membres est susceptible d’en être affecté, le fait pour une ou plusieurs entreprises d’exploiter de manière abusive une position dominante sur le marché intérieur ou dans une partie substantielle de celle-ci. »
La question de la circulation des capitaux « sans entraves » est aussi posée :
• Art tce III 156 et tue 56-2 : il indique que « Toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les Etats membres et les pays tiers sont interdites. »
Sur le plan économique, comme on le voit ici, tce et tue se rejoignent, y compris dans le détail, sur les mêmes options libérales ; nous ne sommes donc plus devant un texte institutionnel mais de politique économique.
Projet militaire : Dans la droite ligne du projet de Constitution de 2005, le TUE définit sa politique militaire dans le cadre de l’Organisation du Traité de défense de l’Atlantique Nord (OTAN) :
• Art tue 27-2 et tce I-41-2 : il indique que « la politique de l’Union » doit être « compatible avec la politique » arrêtée dans le cadre de l’OTAN.
• Art tue 27-7 et tce I-41-7 : il stipule qu’« au cas où un Etat membre serait l’objet d’une agression armée sur son territoire, les autres Etats membres lui doivent aide et assistance par tous les moyens en leur pouvoir, conformément à l’article 51 de la Charte des Nations Unies … Les engagements et la coopération dans ce domaine demeurent conformes aux engagements souscrits au sein de l’OTAN »
A tel point que le projet de traité invite les Etats membres à renforcer leurs armements :
• Art tue 27-3 et tce I-41-3 : « les Etats membres s’engagent à améliorer progressivement leurs capacités militaires ».
Politique agricole : La PAC demeure, bien sûr, une politique protégée, mais de plus, dans le cadre d’objectifs qui ne vont pas dans le sens de la sécurité alimentaire mondiale : reprenant 2 articles de traités précédents, le TUE considère l’augmentation de la productivité de l’agriculture comme le 1° but de la PAC, sans se préoccuper le moins du monde d’autres objectifs souhaitables comme le maintien de l’emploi agricole ou le respect de l’environnement.
Politique monétaire et budgétaire: la BCE dispose toujours, sans contrôle, des pleins pouvoirs sur la monnaie ; et le pacte de stabilité comme la rigueur budgétaire pour les Etats demeurent les règles en vigueur.
Politique Sociale : À en croire Bernard Kouchner et Jean-Pierre Jouyet, respectivement ministre des Affaires étrangères et secrétaire d’État aux affaires européennes de notre pays, avec le TME, nous aurions « une Europe davantage protectrice de ses citoyens et respectueuse des droits de l’homme, avec une charte des droits fondamentaux contraignante». Certes, le TME crée un article 6 dans le TUE qui indique que la Charte « a la même valeur juridique que les traités ». Elle serait donc « juridiquement contraignante » (déclaration n° 31). Mais les droits sociaux, comme les droits dits de troisième génération (bioéthique, informatique, protection de l’environnement et des consommateurs...), sont de bien faible portée. Il en va ainsi du « droit de travailler » ou du « droit d’accès aux prestations de sécurité sociale et aux services sociaux » (art. 34). En outre, nombre de droits, dont la liberté de la presse, qui devient « la liberté des médias » (art. 11), ne sont pas « garantis » mais « respectés ». Même la très européiste Confédération européenne des syndicats (CES) se dit « préoccupée par le statut réduit de la Charte des droits fondamentaux » par rapport à l’ancien projet de traité constitutionnel et « doute de son degré de force exécutoire dans les États membres ». Il est vrai que le Royaume-Uni et la Pologne ont obtenu d’en être dispensés, preuve s’il en est que ces droits prétendument fondamentaux le sont moins que le droit de la concurrence, dont on ne déroge pas. L’examen de la seule disposition juridique vraiment nouvelle du TME - elle ne figurait pas dans le TCE - est révélateur du peu d’impact effectif de la Charte des droits fondamentaux, quand ceux à qui elle s’adresse (les institutions de l’Union) mettent en œuvre le droit de l’Union. L’article 2-29 du TUE, qui reprend l’article15 bis du TFUE, reprend en son premier alinéa un droit de la Charte : «Toute personne a droit à la protection des données à caractère personnel la concernant » -, avant de préciser que le Parlement européen et le Conseil fixent « les règles relatives à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel [...] et à la libre circulation de ces données ». Mais ce droit de regard du Parlement n’est valable que pour le territoire de l’Union. Car dès lors qu’il serait question de transmettre ces données à un État tiers, l’article 24 du TUE (nouveau lui aussi) précise que la procédure n’est plus la même et que, seul, le Conseil (les représentants des gouvernements) est compétent.
5° Partie : Et maintenant ?
Pour comprendre ce que nous prépare l’application de ce projet de traité, alors que l’on avance toujours, vis à vis d’ATTAC, l’argument double d’une facilité de critiques et d’une absence de propositions, évoquons d’abord, aux fins de la comparaison, les 10 principes pour un Traité démocratique, qui fonderait l’Europe, avancés par 17 ATTAC d’Europe :
Sur le Processus :
Principe 1 : Lancer un processus démocratique :
Une Constitution, c’est d’abord l’affaire du peuple (des peuples d’Europe) et donc d’une Constituante élue, avec la participation des Parlements nationaux, avec une réelle parité « hommes-femmes » et une consultation référendaire issue d’un vrai débat des peuples, une fois les propositions élaborées par les élus, en ayant le souci de préserver ce débat d’une influence prépondérante des intérêts économiques et des médias, qui en dépendent.
Sur le Contenu Institutionnel :
Principe 2 : Améliorer la démocratie :
Ceci passe d’abord par une séparation effective des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire, ce qui signifie le rétablissement des fonctions des organes élus, tant Parlements nationaux qu’européen, les uns et les autres pouvant jouer tout leur tôle dans la proposition et l’élaboration des lois ; chaque niveau de compétences de l’Union comme des Etats doit être clairement défini, afin que s’exerce normalement la subsidiarité ; aucun organe technique (ex de la CJUE) ne peut, de facto, avoir un rôle législatif, ce qui s’apparente à de la technocratie ; la BCE doit être soumise à un contrôle démocratique et ses objectifs doivent être la justice économique, le plein emploi et la sécurité sociale pour tous les citoyens européens ; l’Eurogroupe doit assurer ses responsabilités politiques dans la définition de la politique de change.
Principe 3 : Installer la transparence :
Les citoyens européens ne sont pas en mesure actuellement de suivre et de comprendre la politique européenne, trop confuse pour un « profane » du droit européen ; tout débat concernant cette politique, y compris dans les organes techniques (ex du Comité des représentants permanents ) doivent être ouverts au public et permettre l’accès compréhensible à l’information ; le « lobbying », méthode amplement usitée au niveau européen, doit être contrôlé, ne serait-ce que par la diffusion des intérêts des parties prenantes et de leurs sources de financement ; même règle pour les membres des organes européens officiels : Parlement, Commission et Comités.
Principe 4 : Développer la participation et la démocratie directe :
Les formes de démocratie directe doivent être étendues, compréhensibles et applicables ; ceci suppose les possibilités suivantes pour un nombre de citoyens européens à définir: proposer la discussion d’une loi ou un référendum, dont les résultats seraient contraignants ; par ailleurs, une limite devrait être fixée aux entreprises quant à leur influence sur les décisions de l’UE : ceci passe par la transparence des actes ; enfin, tout nouveau projet de loi devrait être soumis à la consultation des mouvements sociaux et ONG, sur la même base que les autres groupes d’intérêts. Et, bien sûr, le 1° référendum à organiser dans tous les Etats membres devrait porter sur le nouveau traité.
Sur les politiques européennes :
Principe 5 : Améliorer les droits fondamentaux :
Les Droits Fondamentaux énumérés dans la Charte sociale européenne de Turin (18-10-1961) et le Code Européen de la Sécurité sociale (à ratifier par l’UE) doivent servir de base à la défense des travailleurs devant les tribunaux de tout Etat membre ; leurs décisions doivent être assujetties à la juridiction de la CJUE ; ces droits fondamentaux doivent échapper à toute interprétation d’une loi européenne ou nationale ; tout nouveau traité met l’accent sur l’égalité d’accès aux droits sociaux et aux droits du travail, indépendamment du pays d’origine ; la citoyenneté européenne est attribuée à tous les résidents européens ; les droits, précédemment mentionnés, doivent également être respectés dans les politiques extérieures de l’UE (par ex vis à vis des négociations de l’actuelle Organisation Mondiale du Commerce OMC).
Principe 6 : Protéger et améliorer les conquêtes démocratiques :
L’UE doit se considérer comme une union coopérative, dont la finalité est d’améliorer en permanence les normes environnementales et sociales afin de satisfaire aux principes constitutionnels de sécurité sociale et de durabilité ; pour ce faire, des règles devront être adoptées pour résister aux dumping fiscal et social (droit de propriété en accord avec l’intérêt du bien-être général ; démocratie et participation au pouvoir économique à parfaire à tous les niveaux) .
Principe 7 : Ouvrir le champ à un ordre économique alternatif :
Il ne peut y avoir, dans les textes fondamentaux européens, de modèle économique particulier afin de permettre des politiques alternatives ; la « libre concurrence », si elle est décidée dans tel ou tel domaine, doit être la résultante d’une décision démocratique ; la loi européenne ne peut en aucun cas saper le droit des Etats membres à définir, organiser et financer des biens publics (eau, santé, éducation, transports, énergie…). Procurer des biens publics à tous niveaux doit, au contraire, être un objectif essentiel de la construction européenne.
Principe 8 : Définir les fins et non les moyens :
Une démocratie réelle, vivante, détermine les moyens par lesquels atteindre les objectifs de sa constitution. Les objectifs sont donc toujours premiers ; ainsi, pour les transports, ce pourrait être « l’égal accès à tous à la mobilité » ; pour l’agriculture, ce pourrait être « le maintien de l’emploi agricole » et « la production d’une nourriture saine et suffisante » ; pour la BCE, ce devrait être « la justice économique, le plein emploi et le bien-être pour tous » ; la « durabilité écologique » doit guider les politiques énergétiques, des transports et de l’agriculture.
Principe 9 : Viser haut en matière sociale et fiscale :
Les économies de l’UE sont engagées depuis des décennies dans une forte libéralisation du commerce, des finances et des investissements ; ceci a pour conséquence d’avoir engagé les Etats membres dans une course vers le bas dans leurs politiques sociales et fiscales. Pour corriger cette histoire et cette tendance fondamentales, il est nécessaire de combattre l’évasion et la concurrence fiscales en fixant des normes minimales ambitieuses sur la taxation des revenus des entreprises et du capital ; une politique sociale doit aussi être définie et celle-ci passe par un ensemble transparent et applicable de droits et minima sociaux ambitieux ; ces droits pourraient être calculés à partir des PIB de chaque pays; ceci n’exclut pas que des Etats puissent choisir d’adopter des normes sociales plus élevées.
Principe 10 : Instaurer l’obligation de la paix et de la solidarité :
L’UE doit être un acteur clé dans la définition d’un nouvel ordre international et multilatéral, voué à construire la paix et à dénoncer la guerre et la militarisation comme moyens de résolution des conflits internationaux. Ceci passe par le refus de « missions militaires préventives », par le respect absolu du droit international (Déclaration Universelle des droits de l’Homme et Traité de non-prolifération nucléaire), par l’indépendance à l’égard de l’OTAN et par la contribution déterminée de l’UE à la réforme de l’Organisation des Nations Unies (ONU) pour rendre cette organisation véritablement démocratique.
Il est clair que ces propositions pourraient rallier les européens sur une Constitution Européenne, car elles s’inscrivent dans un ordre Citoyen. Mais nous ne sommes pas en présence de tels principes pour le TUE.
En effet, et ce point peut nous servir de conclusion, l’UE a choisi le libre échange comme objectif 1° plutôt que les valeurs de la citoyenneté ; ceci s’inscrit parfaitement dans les objectifs de la mondialisation libérale, telle qu’elle existe et se constitue. A partir de là, il suffit de dérouler les textes fondateurs de l’UE qui sont en parfaite cohérence les uns avec les autres. Le TUE n’est pas une erreur de trajet ; il est une étape de ce trajet. BCE instituant un euro fort et des taux d’intérêt bas permettent la spéculation sur notre monnaie et l’afflux de capitaux ; voilà pourquoi le seul objectif de la BCE est la lutte contre l’inflation, ce qui ne permet pas d’envisager une politique d’investissement et, donc, de grands travaux qui serviraient l’emploi, et aucune « largesse » en matière de hausse de salaires et d’harmonisation progressive des protections sociales par le haut. En définissant et en appliquant cette politique, la BCE est en pleine cohérence avec la politique du commissaire européen au Commerce Peter Mendelson, qui défend, à l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), l’Accord Général sur le Commerce des Services (AGCS), c’est à dire la vente concurrentielle de nos services aux pays tiers ; et nos Services Publics doivent alors devenir marchands, la directive Bolkestein (qui n’a pas été modifiée significativement malgré les engagements de 2005) permettant, à l’interne, de les calquer sur le mode 4 de l’AGCS ; par voie de conséquence, le Code du Travail doit être corrigé pour ne pas gêner cette « libre concurrence » ; et le dumping social doivent accélérer cette évolution ; d’où la difficulté de rendre pleinement opérante une Charte des droits fondamentaux ! Toujours dans la même logique, le travail ne peut être considéré que sous la forme d’un coût et toute hausse des salaires doit être évitée, pour attirer les entreprises dans l’UE ; la baisse continue des impôts sur les bénéfices des entreprises doit aussi les maintenir dans l’UE ou aider à leur implantation ; les capitaux et leurs mouvements ne doivent surtout pas être taxés : surtout pas de restriction aux investissements étrangers directs ; la zone de libre échange de l’Europe doit s’élargir, si possible en créant un vaste marché transatlantique déjà rêvé, dès les années 90, par le commissaire à la concurrence d’alors, lord Brittan. Tout ceci n’a rien à voir avec le développement des pays du Sud, qui ne seront considérés que s’ils fournissent les mains d’œuvre nécessaires à meilleur coût grâce au mode 4 de l’AGCS, les accords de Schengen étant destinés à éviter toute dérive à cette politique. Le développement des pays dépendants n’est évidemment pas à l’ordre du jour, d’où le retard pris par les accords du Millénaire. La démocratie, si elle rassemblait les électeurs sur d’autres valeurs, serait évidemment un frein, voire un obstacle pour la réalisation de tels objectifs ; l’abstention massive et la distance entre vœux des peuples et orientations des politiques est donc plus que bienvenue ; et il convient de l’entretenir grâce à un détournement des attentions vers d’autres sujets que politiques : aux médias et à la presse « people » de s’en charger. Et tout ceci n’est possible que grâce à une politique d’armement et d’alliances militaires prêtes à intervenir sur tout terrain, face à la contestation d’une telle politique mondiale. Telle est donc la logique adoptée par l’Union européenne en parfait accord avec celle du Consensus de Washington .
L’éducation populaire est donc de plus en plus justifiée pour révéler le sens de cette logique aux citoyens. Mais elle ne suffit pas si, enfin, n’est pas, envisagée la question de l’accès au pouvoir et de l’internationalisation coordonnée de cette exigence ; faire des propositions, c’est bien ; se donner les moyens unitaires de les appliquer, c’est devenu essentiel ; d’où la nécessité de penser l’altermondialisme en ces termes lors des Forums Sociaux Mondiaux, ce qui n’est, bien sûr, pas totalement acquis !
Face à ce projet de traité européen modifié, il y a donc des actions prioritaires, qui empêchent aux Européens d’adopter ce projet (et ceci passe par des informations, des pétitions, des manifestations …), et des actions de plus long terme qu’il nous appartient de définir ensemble afin que les questions de fond, et notamment celle de l’accès au pouvoir, soient vraiment et enfin posées.
Albert Richez,
Militant d’ATTAC-France.
Notes :
1°phrase de l’Introduction de Politis du 6 au 12 décembre 2007
Cf article I-1 du Projet de Traité Constitutionnel européen : « Inspirée par la volonté des citoyens et des Etats d’Europe de bâtir un avenir commun, la présente Constitution établit l’Union européenne … »
Cf le même N° de Politis précité :
« Mythe d’une Union rendue impuissante par les élargissements successifs, à qui il faudrait d’urgence redonner les moyens d’agir. La réalité n’est pas celle-là. « Avant le grand élargissement de mai 2004, il fallait en moyenne dix-huit mois entre le dépôt d’une proposition par la Commission et son adoption par le Conseil et, éventuellement, le Parlement, notait Renaud Dehousse, directeur du Centre d’études européennes de Sciences-Po, dans Libération, le 21 juin. Depuis l’entrée des dix nouveaux États membres, ce délai est passé en moyenne à... moins de douze mois. En outre, on ne vote pas moins, et même un peu plus qu’avant. Les craintes d’un blocage, y compris les miennes, étaient donc infondées ». Quand il s’agit de libéraliser des secteurs entiers (chemins de fer, poste, énergie...) chacun peut d’ailleurs constater avec quelle célérité l’Europe avance. Cela n’empêche pas nombre de nos élites, de droite comme de gauche, de prétendre que le nouveau traité permettra d’« améliorer le fonctionnement » de l’Europe, notamment grâce à l’extension des domaines où les décisions seront prises « à la majorité qualifiée ». Notons déjà que le nouveau système de vote du Conseil n’entrera en vigueur qu’en 2014 au mieux, après un compromis complexe avec la Pologne « . L’impuissance institutionnelle de l’UE relève donc du mythe qui exigerait une procédure d’urgence pour redonner à l’UE les moyens d’agir.
Dans « L’Humanité » du 21 Décembre 2007, il est fait état de campagnes et d’actions en faveur de consultations référendaires en France, bien sûr, mais aussi en Allemagne (pétition + demande de modification de la Constitution permettant un référendum par le « Die Linke »), en Irlande (où, selon un sondage, 25% des citoyens seulement soutiendraient le traité), en Suède (où 65 à 70% de sondés souhaiteraient un référendum face à un gouvernement conservateur, qui trouve la procédure trop compliquée). Aux Pays-Bas, le Parti Socialiste a pris parti pour la voie référendaire et va porter un projet de loi au Parlement, qui pourrait être soutenu par les Verts et Démocrates 66 ; en Grande Bretagne, le mouvement syndical et de nombreux députés travaillistes, conservateurs et du parti national écossais sont également hostiles au projet de Traité ; au Portugal enfin, une discussion au Parlement devrait avoir lieu très prochainement dans un climat rendu tendu par le volte face sur la question des socialistes et des conservateurs, qui s’étaient prononcés en sa faveur lors des élections législatives de 2006,
C’est alors un "groupe de réflexion", présidé par l'espagnol Felipe Gonzales et composé de la lettone Vaira Vike-Freiberga et de l'ancien PDG de Nokia Jorma Ollida, qui sera chargé de donner un contenu, naturellement "libéral économique", à ce traité. Ce groupe serait composé de 12 « Sages » cooptés et non élus.
Cf Politis de la semaine du 6 au 12 décembre 2007 : « Sur le fond, la législation continue d’opérer une distinction entre les Services d’intérêt économique général (SIEG) et les Services d’intérêt général (SIG). La nécessité d’assurer aux premiers les conditions « économiques et financières qui leur permettent d’accomplir leur mission » est reconnue à l’article 2-27 du TME, qui indique que « le Parlement européen et le Conseil [...] établissent ces principes et fixent ces conditions ». Mais la mise en œuvre de cet article reste subordonnée aux articles 86 et 87 du TFUE, qui soumet drastiquement les SIEG aux règles de la concurrence et rend quasi impossible toute aide de l’État. Les SIG, quant à eux, apparaissent pour la première fois dans un texte de portée juridique équivalente aux traités (Protocole 9, art. 2), qui protège les « services non économiques d’intérêt général » des règles de la concurrence. Mais qu’est-ce qu’un service non économique ? Un arrêt de la Cour de justice indique que « constitue une activité économique toute activité consistant à offrir des biens et des services sur un marché donné ». Et la Commission a toujours refusé d’établir a priori une liste des SIG devant être considérés comme non économiques. Le 20 novembre, devant le Parlement européen, José Manuel Barroso a jugé « inutile » d’envisager une loi-cadre européenne pour clarifier la place des services d’intérêt général. « Nous n’aurons jamais de consensus sur la question, il est inutile de perdre du temps », a-t-il insisté, estimant qu’il n’était pas possible de « faire mieux en termes de valeur légale » que le protocole du TME. Les incertitudes juridiques qui pèsent sur les SIG vont donc perdurer. »
cf les Conclusions de l’arrêt Valshom en Suède :
Quelles conclusions de l’arrêt Vaxholm par rapport aux travailleurs d’une entreprise lettone Laval en Suède? L’affaire concernait un conflit opposant les syndicats suédois à une entreprise lettone, Laval, qui chargée de construire une école à Vaxholm, refusait d’appliquer la convention collective du bâtiment à des travailleurs lettons détachés pour ce faire. La Cour a donné raison à l’entreprise lettone. Il faut remarquer que ce qui est en jeu n’est pas l’application du principe du pays d’origine prônée par le texte initial de la directive Bolkestein. A aucun moment, la Cour n’indique que les salariés lettons détachés en Suède doivent se voir appliquer le droit social letton. Ce qui est en jeu ce sont les conditions d’application de la directive 96/71 sur le détachement des travailleurs. Force est de constater que la Cour en fait une lecture extrêmement limitée en s’appuyant sur deux aspects, le caractère « d’application générale » (législative ou autre) des dispositions concernant les conditions de travail et d’emploi des travailleurs détachés et le fait que ces dispositions n’ont pas vocation à être plus favorables que les normes minimales fixées nationalement lors de la transcription en droit national de la directive. La Cour rend, de fait, caduc un article de la directive (art. 3-7) qui permet à un Etat de promouvoir des normes plus favorables. Plus grave, la Cour considère comme illégitime une action collective visant à imposer pour les salariés détachés les mêmes conditions de travail et d’emploi que celles existant pour les salariés du pays d’accueil. Cet arrêt illustre bien la nature du droit européen. La logique est imparable. La libre prestation des services est une liberté fondamentale explicitement garantie par le traité. Elle peut certes, en principe, être limitée pour protéger d’autres droits fondamentaux. Le problème est de définir le contenu de ces droits fondamentaux susceptibles de pouvoir limiter des libertés inscrites dans le traité. Ainsi, le fait d’exiger les mêmes conditions de travail et d’emploi pour les salariés détachés que celles qui s’appliquent aux salariés du pays d’accueil n’en fait pas partie. Agir pour l’application de ce droit est donc considéré comme une entrave à la libre prestation des services. Plus même, c’est à chaque fois à ces droits fondamentaux de faire la preuve, en application du principe de proportionnalité, qu’ils n’entravent pas de façon exagérée les règles du marché intérieur. On le voit, la Cour pousse jusqu’au bout la logique du droit européen directement dérivé des traités et des directives. C’est au contenu de ceux-ci qu’il faut s’attaquer si l’on ne veut pas voir se reproduire régulièrement ce type d’arrêt. Cet arrêt rend plus que jamais nécessaire le débat public sur la nature de l’Union européenne et le combat pour une « autre Europe » qui mettrait au premier plan l’harmonisation par le haut des conditions de travail et d’emploi des salariés européens.
Le Consensus de Washington c’est : moins d’Etat économique et plus d’Etat sécuritaire, ce qui entraîne la baisse de la fiscalité directe et progressive ainsi que la privatisation des Services Publics ; l’extension du chômage, qui va de pair avec la lutte contre les syndicats ; les politiques désinflationnistes systématiques, qui s’opposent à la relance de l’investissement, de l’emploi et de la
1° Partie : Un rapide point d’Histoire : Après un « galop d’essai » de 1950 à 1957, le traité de Rome institue les Communautés Européennes en 1957 (appelé dans le nouveau projet de Traité « TFUE » : Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne) ; à l’époque, l’Europe était conçue pour entériner ou construire pragmatiquement, secteur par secteur (Charbon-acier - 52 ; transports - 53; agriculture – 54 ; énergie atomique – 57) l’existence de communautés; après la CECA intervenue dès 52, seuls finalement 6 pays mettent en place, 2 autres communautés lors du Traité de Rome : la communauté économique européenne (CEE) et la communauté européenne de l’énergie atomique (Euratom); il s’agissait de « réalisations concrètes, créant d’abord une solidarité de fait » et faisant progressivement sa place à la supranationalité. Deux grandes projets d’Europe se faisaient face: celle des « socialistes », pour lesquels l’intégration économique créerait, par effet d’engrenage, l’intégration politique ; et celle des « libéraux » pour qui le grand marché enclencherait, toujours par engrenage, une marche accélérée vers l’Europe de la concurrence. Dans les 2 cas, l’économique était premier : pas d’idée de Constituante ; et, pour les uns comme pour les autres, en pleine « guerre froide », l’Europe se plaçait sous la protection de l’OTAN. Après l’Acte Unique (1986 : libre circulation des marchandises et des capitaux) et le traité de Maastricht (BCE indépendante des Etats ; monnaie unique ; définition des critères de déficit public), l’UE concrétisait le projet libéral ; en 1997, s’il accroît les pouvoirs du Parlement, le Traité d’Amsterdam confirme celui de Maastricht en accentuant ses effets, puisqu’un Pacte de Stabilité (sans référence à la croissance et à l’emploi) définit l’unique mission de la BCE : la lutte contre l’inflation ; en 2000, le Traité de Nice institue des minorités de blocage due aux effets du système de votes à majorité qualifiée combinant la majorité des Etats membres (55%) et un ratio de 65% des populations européennes. Et le pouvoir des Etats et de l’Union se réduit, notamment en économie ! C’est donc au nom de cette situation institutionnelle réputée « difficile » , qu’est préparée, par une Convention et non par une Constituante, le projet de Constitution de 2005 (appelée dans le « Mini Traité » « Traité établissant une Constitution pour l’Europe » : TCE, le « Mini-Traité » étant appelé, quant à lui TUE : Traité sur l’Union européenne). Ce Traité de 2005, « valant constitution pour l’UE » récapitule les dispositions libérales économiques des précédents traités (partie 3) ; il tente, dans sa partie I, quelques avancées institutionnelles tout en s’articulant avec sa finalité libérale développée dans sa partie 3 ; ainsi, s’il propose, par ex, une présidence de l’UE de 2 ans et demie et la création d’un poste de ministre des affaires étrangères européen, dès l’article I-3, &2, il est indiqué que « L’Union offre à ses citoyens un espace de liberté, de sécurité et de justice sans frontières intérieures, et un marché intérieur où la concurrence est libre et non faussée » ; en I-30, il fixe le statut et la mission exclusive de la BCE en matière de maîtrise de l’inflation ; en I-53, il indique que le budget européen « doit être équilibré en recettes et en dépenses » interdisant tout emprunt en vue de l’investissement, la partie I s’articulant donc avec l’orientation libérale économique de la partie III. Il est bien question, dans la partie 2 d’une Charte des Droits Fondamentaux, mais celle-ci ne reprend pas les Droits institués dans les Etats les plus « avancés » sur le plan social et, surtout, elle ne s’impose pas au Droit des Etats. Enfin, dans la partie 4 intitulée « dispositions générales et finales », est instituée, tout à la fois, un prétendu droit de pétition donnant à 1 million de citoyens la possibilité de faire des propositions à la commission, qui doivent respecter le droit de l’Union, et la règle de l’unanimité des Etats pour modifier cette Constitution.
C’est cette Constitution, qui fut rejetée en 2005 par 54,7% des Français et 61,5% des néerlandais pour 3 raisons essentielles :
- Précaution sociale : nombre d’Européens étant attachés aux Services Publics, à la solidarité, à la justice sociale, et au partage des richesses, ne croient majoritairement plus aux « réformes » néo libérales préconisées par Bruxelles.
- Précaution démocratique : la confiance des européens chute vis à vis du système politique actuel, du mode de construction de l’UE et de toutes les institutions européennes.
- Désir, enfin, d’une Europe des citoyens : ceux-ci veulent être, protégés de tout hégémonisme, y compris américain ; ils désirent une Europe, qui soit un modèle économique et social et qui mène la politique voulue par la majorité de ses citoyens.
Alors, accusés de « Moutons noirs », les citoyens Français « nonnistes » auraient « bloqué l’Europe » ! D’où la fièvre des « politiques », dits responsables, pour trouver une solution destinée à « faire de nouveau avancer l’Europe ». C’est de cette fièvre qu’est née l’idée du Traité sur l’Union européenne (TUE ou Traité Modificatif Européen : TME), imaginé à partir de la modification du TCE lors de la Conférence Intergouvernementale du 27 Juillet 2007 et signé à Lisbonne par les Chefs d’Etats et de Gouvernements des 27 pays composant l’UE actuelle. L’on trouve la version de ce projet de traité sur Internet à : www.consilium.europa.eu. Il est la synthèse de tous les précédents textes institutionnels de l’UE (traités de Rome, Maastricht, Amsterdam, Nice, projet de constitution de 2005). Finalement, le TUE est une véritable Constitution : « Le fait que le principe de primauté ne soit pas inscrit dans le futur traité ne modifie en rien l’existence de ce principe, ni la jurisprudence en vigueur de la Cour de justice », affirme avec raison un avis du service juridique du Conseil repris dans la déclaration additive n° 27. Qu’on les pare ou non des oripeaux d’une Constitution, les traités européens constituent la loi fondamentale commune à toutes les institutions européennes, mais aussi à tous les États membres. L’article 1-54 du TUE donne d’ailleurs « la personnalité juridique » à l’Union, lui permettant d’exister sur la scène internationale, en lieu et place des États membres, et de conclure des traités dans le champ de ses compétences. « On avance encore dans la constitutionnalisation des traités sans Constitution », se félicitait Mario Telô, président de l’Institut d’études européennes de l’Université libre de Bruxelles, le 9 juillet dans « le Soir ».
Sur le plan institutionnel, le TME reprend donc toutes les innovations du TCE :
- la création d’un poste de président du Conseil européen pour un mandat de 2 ans et demi renouvelable une fois, au lieu d’une présidence tournante semestrielle ;
- la création d’une nouvelle fonction de haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité ;
- la réduction du nombre de commissaires à deux tiers du nombre des États membres et le renforcement du rôle du président de la Commission ;
- l’instauration du système de vote au Conseil à la double majorité (55 % des États représentant 65 % de la population de l’UE) ;
- l’extension du champ des décisions prises à la majorité qualifiée à une quarantaine de nouveaux domaines, et principalement sur la coopération judiciaire et policière ;
- l’extension des domaines où s’applique la codécision (Parlement européen et Conseil) aux questions de justice, de sécurité et d’immigration légale ;
- la possibilité pour les parlements nationaux de demander à la Commission de revoir une proposition s’ils jugent qu’elle empiète sur leurs compétences...
Et, dans l’article 1-1, il ajoute au préambule du TUE un point fondamental relatif aux « héritages culturels, religieux et humanistes », plaçant la construction européenne dans une filiation identitaire, qui inclut le « religieux », rejeté comme tel dans le TCE.
2° Partie : Alors, aujourd’hui, que va t’il se passer ?
Dans 26 pays de l’Union européenne, ce projet sera soumis au vote des Parlementaires, l’Irlande étant seule obligée de soumettre constitutionnellement le texte à un référendum.
En France, après avis du Conseil Constitutionnel sur la constitutionnalité du projet de Traité, l’adoption du TUE par le Congrès exige le changement de l’article 88-1 de la Constitution Française, ce qui nécessite le vote de 3/5° des 2 Chambres réunies en Congrès ; dans cet article de la Constitution, il est dit : « La République participe aux Communautés européennes et à l’Union européenne, constituée d’Etats qui ont choisi librement, en vertu des traités qui les ont institués, d’exercer en commun certaines de leurs compétences. Elle peut participer à l’Union européenne dans les conditions prévues par le traité établissant une Constitution pour l’Europe signé le 29 Octobre 2004 ». Pour faire passer le vote du TUE par voie parlementaire, il faut supprimer cette 2° phrase de l’article 88-1. Avant de voter le Traité, il faut donc passer par 2 phases :
- la 1° phase commence le 14 janvier à l’Assemblée Nationale et passe ensuite au Sénat le 28 janvier pour s’achever, le 4 Février, au Congrès.
- Le vote du texte signé à Lisbonne le 13 Décembre 2007, soit par les Chambres parlementaires, soit par référendum, est ensuite déterminé par le résultat du scrutin des Grands Electeurs au Congrès. Si 2/5 ou plus des grands électeurs s’opposent à l’adoption du TUE par les Assemblées, Nicolas Sarkozy est obligé de le soumettre aux citoyens par voir référendaire.
Et, à supposer que le texte soit adopté en France, il faut ensuite qu’il le soit dans les 26 autres pays , où nous savons que, là aussi, des protestations s’élèvent pour obtenir un référendum
Ce n’est qu’ensuite, en cas de vote favorable en faveur du TUE par la totalité des 27 pays de l’Union Européenne (UE) que le traité lui-même sera rédigé par 12 Sages simplement cooptés . L’orientation de ce traité respecterait, bien sûr, l’orientation libérale de l’épure du Traité.
Face à cette situation, la question se pose de savoir si les citoyens français et néerlandais ont été « entendus » après les résultats négatifs de leurs référendums successifs ?
3° Partie : Qu’est devenu le projet de Constitution de l’UE dans sa nouvelle mouture (TUE ou Traité Européen Modifié : TME) :
Sur la Forme : (a) S’agit-il d’un Mini Traité ? (b) Permet-il, enfin, l’éclosion d’une Europe des Citoyens ?
(a) D’un point de vue formel, il ne s’agit pas d’un « mini traité » : Le corps du traité comporte 152 pages, auxquelles il convient d’ajouter un préambule (2 pages), 13 protocoles additionnels (77 pages), 68 déclarations (28 pages). Le TME réécrit presque intégralement la Constitution pour l’Union européenne (TCE) ; il modifie totalement plus d’un tiers des 314 articles du Traité instituant la Communauté européenne (traité de Rome ou TFUE). Il ne s’agit donc pas d’un texte s’attachant à fonder des points institutionnels de l’ancienne partie I, comme l’avait indiqué, lors de sa campagne, Nicolas Sarkozy, à supposer que, contrairement à ce que j’ai démontré, cette partie ne soit qu’institutionnelle. Ce n’est pas non plus un « traité simplifié » : le TME ne compte que 7 articles. Mais le premier, qui s’étend sur 38 pages, comprend 62 points qui constituent au moins autant de modifications du TCE puisque certains points sont eux-mêmes subdivisés en sous-points a), b), c)... Le second article, dont la rédaction compte... 120 pages recense toutes les modifications apportées au Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne (traité de Rome); il ne rassemble pas moins de 294 points. Les cinq derniers articles constituent les « dispositions finales » du traité. Si chaque point avait été présenté comme un article, le TME ou TUE n’en comporterait pas 7 mais 361, ce qui, en volume, le différencie peu du TCE, qui en comptait 448 en incluant les 69 articles de la Charte des droits fondamentaux, qui, cette fois figure en annexe du traité. « Les juristes n’ont pas proposé d’innovations », écrit Valéry Giscard d’Estaing dans une tribune adressée à vingt-sept quotidiens nationaux et publiée le 26 octobre 2007 dans Le Monde. « Ils sont partis du texte du traité constitutionnel, dont ils ont fait éclater les éléments, un par un, en les renvoyant, par voie d’amendements aux deux traités existants de Rome (1957) et de Maastricht (1992) ». VGE voit un « intérêt » à cette « subtile manœuvre » de multiplication des amendements aux traités antérieurs : « D’abord et avant tout il permet d’échapper à la contrainte du recours au référendum, et grâce à la dispersion des articles, il apparaît comme un renoncement au vocabulaire constitutionnel ». Les différences entre les deux textes sont donc « d’ordre cosmétique » ; l’emballage a changé, mais le contenu est le même. À lui seul, ce constat justifierait que les peuples, qui s’étaient prononcés contre le TCE, soient à nouveau consultés.
(b) Nous sommes donc en présence d’un déni de démocratie. Sans consultation populaire, il n’y aura pas de débat sur l’avenir de l’Europe et sur sa finalité alors que cette exigence était implicite dès le 29 Mai 2005.
Si l’on examine maintenant les détails de son contenu, qu’est-ce qui, dans ce texte, améliorerait le lien des citoyens avec l’UE ? Tout d’abord, pas de changement par rapport au « tce » sur la confusion des pouvoirs au niveau des institutions :
- La Commission n’est pas élue ; seul le président est élu par le Parlement mais sur proposition du Conseil Européen (les Chefs d’Etat : tue 9 A-1/ tce I-20-1), qui tient compte des résultats des élections au Parlement européen (tue 9-D-8/ tce I-20-1) ; les commissaires ne sont pas choisis pour correspondre à une majorité parlementaire mais « en raison de leur compétence générale et de leur engagement européen et parmi les personnalités offrant toutes garanties d’indépendance » (tue 9 D-3/ tce I-20-1). Conformément aux conclusions du Traité de Nice, la Commission est composée, dans un 1° temps, d’un commissaire par Etat membre pour un mandat de 5 ans ; chaque commissaire est proposé par son Etat ; à partir de novembre 2014, la Commission ne comprend plus que des représentants de 2/3 des Etats membres, ceux-ci étant traités sur un strict pied d’égalité (tue 9 D-5/ tce I-26-6) Cette Commission mêle des pouvoirs législatifs (initiative des lois : tue 9 D-2/ tce I-26-2), exécutifs (sur la concurrence) et judiciaires (surveillance de l’application des lois) (tue 9 D-1 et 2/ tce I-26-1 et 2) . La commission peut donc être considérée comme le gouvernement européen.
- Le Conseil Européen (qui représente les exécutifs nationaux) est le seul organe qui vote toutes les lois (hormis celles qui concernent la monnaie, qui dépend de la BCE) ; avec le Conseil des Ministres et en accord unanime avec lui, il reste maître de la politique étrangère et de sécurité ; en matière de commerce des services culturels et audiovisuels et en ce qui concerne le commerce des services sociaux, d’éducation et de santé, le Conseil ne statue à l’unanimité que si ces accords risquent de « perturber gravement l’organisation de ces services au niveau national et de porter atteinte à la responsabilité des Etats membres pour la fourniture de ces services » (tfue 188 C-4-a/ tce III-315-4-a) ; de ce fait, ce sera à la Cour de Justice de l’UE (CJUE), dont les magistrats sont nommés (et donc dépendants), d’apprécier si le droit de veto des Etats membres s’applique ou non. Le Conseil européen nomme le « Haut Représentant de l’Union pour les Affaires Etrangères et la Sécurité », en accord avec le Président de la Commission, et il peut le démettre ( tue 9 D-1/ tce I-28-1) ; ce haut représentant est membre de la Commission et conduit la politique étrangère et de sécurité commune (tue 9vD-2) : il a donc les mêmes fonctions que le Ministre des Affaires étrangères prévu pae le défunt TCE (tce I-28-2).
- Le Parlement, composé d’élus, est exclu de 21 domaines de délibération sur 90 ; il ne vote qu’une partie du budget et, en tous cas, pas les recettes ; il ne vote donc pas l’impôt, décidé par le Conseil après unanimité des Etats membres (tfue 269/ tce I-54-3). Les euros députés peuvent rejeter ou amender la seule partie « dépenses » du budget (tfue 272/ tce III-404). Il reste écarté de la politique monétaire, qui échappe donc à tout contrôle des Etats et de leur peuple. Il n’est que consulté sur la politique étrangère et de sécurité, sur la sécurité et la protection sociale (tfue 137-2/ tce III-210-3). Il est exclu de toute décision sur le marché intérieur et sur l’essentiel de la politique agricole. Il n’a pas l’initiative des lois et, tout au plus, il peut faire des propositions à la Commission, qui peut ne pas y donner suite, tout en étant obligée de motiver son refus (tfue 192/ tce III-332). Le Parlement peut démettre la Commission à la majorité des 2/3 des suffrages exprimés (tue 9 D-6/ tce I-26-8, tfue 201/ tce III-240), ce qui signifie que la commission peut gouverner en n’ayant que le soutien d’un tiers des députés élus.
- La Banque Centrale européenne (BCE), dont le Président est nommé, reste indépendante du pouvoir des Etats (tue 105/ tce III-188) ; dans le TME, l’UE adopte les mêmes objectifs que la BCE : « développement durable de l’Europe fondé sur une croissance économique équilibrée et sur la stabilité des prix » (tue 3-3/ tce III-185).
Ajoutez à cette situation de carence de démocratie de l’UE le fait que tous les européens ne sont pas « égaux » devant le suffrage universel, contrairement à ce qu’affirme le « tue » dans son chapitre 8 ; en effet, s’il est écrit que « la représentation des citoyens est assurée de façon dégressive et proportionnellement, avec un seuil minimum de 6 membres par Etat membre …, aucun Etat ne se voyant attribuer plus de 96 sièges », ce mode de calcul est totalement inégalitaire ; pour ne citer qu’un exemple, les maltais ont un député par tranche de 66000 habitants tandis qu’il faut 860000 allemands pour l’élection d’un de leurs représentants au Parlement Européen.
Ces informations confirment donc que le TUE n’est qu’une reprise des anciens traités et projet de Constitution et que, comme tel, il devait être soumis à référendum après le vote négatif de 2005 !
Alors, les conditions de fonctionnement de l’UE donnent-ils envie de croire en l’Europe que nous voulons ?
4° Partie : Sur le Fond, c’est à dire sur le projet politique européen, il convient de s’interroger : Y a t’il changement par rapport au projet de Constitution de 2005 ?
On l’a déjà vu : peu de changement dans les institutions entre tue et tce. Mais, contrairement aux promesses du candidat Sarkozy, qui affirmait tenir compte du vote du 29 mai 2005, le traité signé par les chefs d’Etat et de gouvernement européens trace une ligne politique conforme au projet de Constitution de 2005 rejeté par les français et les néerlandais ; économiquement, ce projet est marqué par le sceau libéral ; sur le plan militaire, l’UE s’inscrit dans le dispositif de l’OTAN ; les politiques agricole et monétaire ne subissent aucune variation ; le contrôle de l’immigration est conforme aux accords de Schengen et l’article 188-B (qui reprend l’article II-314 du « tce ») établit que les orientations économiques de l’UE en matière de politique étrangère et de commerce international, à l’OMC par exemple, demeureront inchangées. Mais détaillons :
Projet économique : « la concurrence libre et non faussée » a bien été rayée des objectifs de l’Union (tue 3-2/ tce I-5-2) mais elle réapparaît dans le protocole 6, qui a une portée juridique équivalente au traité, et il est écrit dans l’article 3 du tue que « le marché intérieur comprend un système garantissant que la concurrence n’est pas faussée ». A partir de cette logique, les dispositions, qui lui correspondent, sont présentées dans un certain nombre d’articles, en parallèle étroit avec les précédents articles du tce :
- généralités sur la « libre concurrence :
• Art 3 du tfue (repris par l’art 97 ter du TFUE) : il indique que « l’Union dispose d’une compétence exclusive dans l’établissement des règles de concurrence nécessaires au fonctionnement du marché intérieur »
• Art 87 du tue : il stipule « l’incompatibilité avec le marché intérieur des aides accordées par les Etats ou au moyen de ressources d’Etat à des entreprises ou à des productions » (y compris publiques)
• Art 88 et 96 du tue : il présente les sanctions applicables en cas de non respect de cette dernière orientation économique par un Etat.
• Art 93 du tue : il présente « les dispositions d’harmonisation des législations relatives aux taxes sur les chiffres d’affaires, aux droits d’accises et autres impôts indirects, dans la mesure où cette harmonisation est nécessaire pour assurer l’établissement et le fonctionnement du marché intérieur et pour éviter des distorsions de concurrence ».
• Art 105 du tue : il indique que « le Système Européen des Banques Centrales (SEBC), dont l’objectif est de maintenir la stabilité des prix, agit conformément au principe d’une économie de marché ouverte, où la concurrence est libre… »
• Art 137 du tue : il indique que « Sur la politique sociale … le Conseil et le Parlement européen peuvent arrêter par voie de directives des prescriptions minimales applicables progressivement, compte tenu des conditions et réglementations techniques existantes dans chacun des Etats membres. Ces directives évitent d’imposer des contraintes administratives, financières et juridiques (ex du Code du travail), telles qu’elles contrarieraient la création et le développement de petites et moyennes entreprises ».
Dans cet article, est posée la question des Services Publics (à distinguer des Services d’Intérêt Economique Général européens (SIEG : services marchands) et des Services d’Intérêt Général européens (SIG : Services actuellement non marchands mais pouvant être mis en concurrence avec des services du même type (ex : santé, éducation, recherche) ; ces services européens se distinguent des Services Publics à la Française permettant aux citoyens de bénéficier d’une « péréquation de tarif » et aux fonctionnaires d’un statut public ; les SIEG actuels (poste, transports aériens, transports ferroviaires…) sont déjà largement « ouverts à la concurrence » ou « privatisés », mais quelle garantie pour les autres SIG, dans la mesure où ils sont concurrencés de fait (Hôpitaux, Universités, Ecoles) et que rien ne définit, en Europe, ce qu’est un Service Public ; finalement, cette définition s’effectuerait à postériori, à partir de plaintes tranchées par la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE), et des privatisations de fait pourraient en résulter (les cas de l’enseignement supérieur et de la recherche sont emblématiques de ce risque).
• Art 86, 2° alinéa : il stipule que « les entreprises chargées de la gestion de services d’intérêt économique d’intérêt général ou présentant le caractère d’un monopole fiscal sont soumises aux règles du présent traité, notamment aux règles de concurrence, dans la limite où l’application de ces règles ne fait pas échec à l’accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui leur est impartie…. »
• Art 53 : il indique que « les Etats membres s’efforcent de procéder à la libéralisation des services au-delà de la mesure qui est obligatoire en vertu des directives arrêtées en application de l’article 52, si leur situation économique générale et la situation du secteur intéressé le leur permettent. La Commission adresse aux Etats membres des recommandations à cet effet. »
• Art 82 : il stipule qu’« est incompatible avec le marché intérieur et interdit, dans la mesure où le commerce entre les Etats membres est susceptible d’en être affecté, le fait pour une ou plusieurs entreprises d’exploiter de manière abusive une position dominante sur le marché intérieur ou dans une partie substantielle de celle-ci. »
La question de la circulation des capitaux « sans entraves » est aussi posée :
• Art tce III 156 et tue 56-2 : il indique que « Toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les Etats membres et les pays tiers sont interdites. »
Sur le plan économique, comme on le voit ici, tce et tue se rejoignent, y compris dans le détail, sur les mêmes options libérales ; nous ne sommes donc plus devant un texte institutionnel mais de politique économique.
Projet militaire : Dans la droite ligne du projet de Constitution de 2005, le TUE définit sa politique militaire dans le cadre de l’Organisation du Traité de défense de l’Atlantique Nord (OTAN) :
• Art tue 27-2 et tce I-41-2 : il indique que « la politique de l’Union » doit être « compatible avec la politique » arrêtée dans le cadre de l’OTAN.
• Art tue 27-7 et tce I-41-7 : il stipule qu’« au cas où un Etat membre serait l’objet d’une agression armée sur son territoire, les autres Etats membres lui doivent aide et assistance par tous les moyens en leur pouvoir, conformément à l’article 51 de la Charte des Nations Unies … Les engagements et la coopération dans ce domaine demeurent conformes aux engagements souscrits au sein de l’OTAN »
A tel point que le projet de traité invite les Etats membres à renforcer leurs armements :
• Art tue 27-3 et tce I-41-3 : « les Etats membres s’engagent à améliorer progressivement leurs capacités militaires ».
Politique agricole : La PAC demeure, bien sûr, une politique protégée, mais de plus, dans le cadre d’objectifs qui ne vont pas dans le sens de la sécurité alimentaire mondiale : reprenant 2 articles de traités précédents, le TUE considère l’augmentation de la productivité de l’agriculture comme le 1° but de la PAC, sans se préoccuper le moins du monde d’autres objectifs souhaitables comme le maintien de l’emploi agricole ou le respect de l’environnement.
Politique monétaire et budgétaire: la BCE dispose toujours, sans contrôle, des pleins pouvoirs sur la monnaie ; et le pacte de stabilité comme la rigueur budgétaire pour les Etats demeurent les règles en vigueur.
Politique Sociale : À en croire Bernard Kouchner et Jean-Pierre Jouyet, respectivement ministre des Affaires étrangères et secrétaire d’État aux affaires européennes de notre pays, avec le TME, nous aurions « une Europe davantage protectrice de ses citoyens et respectueuse des droits de l’homme, avec une charte des droits fondamentaux contraignante». Certes, le TME crée un article 6 dans le TUE qui indique que la Charte « a la même valeur juridique que les traités ». Elle serait donc « juridiquement contraignante » (déclaration n° 31). Mais les droits sociaux, comme les droits dits de troisième génération (bioéthique, informatique, protection de l’environnement et des consommateurs...), sont de bien faible portée. Il en va ainsi du « droit de travailler » ou du « droit d’accès aux prestations de sécurité sociale et aux services sociaux » (art. 34). En outre, nombre de droits, dont la liberté de la presse, qui devient « la liberté des médias » (art. 11), ne sont pas « garantis » mais « respectés ». Même la très européiste Confédération européenne des syndicats (CES) se dit « préoccupée par le statut réduit de la Charte des droits fondamentaux » par rapport à l’ancien projet de traité constitutionnel et « doute de son degré de force exécutoire dans les États membres ». Il est vrai que le Royaume-Uni et la Pologne ont obtenu d’en être dispensés, preuve s’il en est que ces droits prétendument fondamentaux le sont moins que le droit de la concurrence, dont on ne déroge pas. L’examen de la seule disposition juridique vraiment nouvelle du TME - elle ne figurait pas dans le TCE - est révélateur du peu d’impact effectif de la Charte des droits fondamentaux, quand ceux à qui elle s’adresse (les institutions de l’Union) mettent en œuvre le droit de l’Union. L’article 2-29 du TUE, qui reprend l’article15 bis du TFUE, reprend en son premier alinéa un droit de la Charte : «Toute personne a droit à la protection des données à caractère personnel la concernant » -, avant de préciser que le Parlement européen et le Conseil fixent « les règles relatives à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel [...] et à la libre circulation de ces données ». Mais ce droit de regard du Parlement n’est valable que pour le territoire de l’Union. Car dès lors qu’il serait question de transmettre ces données à un État tiers, l’article 24 du TUE (nouveau lui aussi) précise que la procédure n’est plus la même et que, seul, le Conseil (les représentants des gouvernements) est compétent.
5° Partie : Et maintenant ?
Pour comprendre ce que nous prépare l’application de ce projet de traité, alors que l’on avance toujours, vis à vis d’ATTAC, l’argument double d’une facilité de critiques et d’une absence de propositions, évoquons d’abord, aux fins de la comparaison, les 10 principes pour un Traité démocratique, qui fonderait l’Europe, avancés par 17 ATTAC d’Europe :
Sur le Processus :
Principe 1 : Lancer un processus démocratique :
Une Constitution, c’est d’abord l’affaire du peuple (des peuples d’Europe) et donc d’une Constituante élue, avec la participation des Parlements nationaux, avec une réelle parité « hommes-femmes » et une consultation référendaire issue d’un vrai débat des peuples, une fois les propositions élaborées par les élus, en ayant le souci de préserver ce débat d’une influence prépondérante des intérêts économiques et des médias, qui en dépendent.
Sur le Contenu Institutionnel :
Principe 2 : Améliorer la démocratie :
Ceci passe d’abord par une séparation effective des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire, ce qui signifie le rétablissement des fonctions des organes élus, tant Parlements nationaux qu’européen, les uns et les autres pouvant jouer tout leur tôle dans la proposition et l’élaboration des lois ; chaque niveau de compétences de l’Union comme des Etats doit être clairement défini, afin que s’exerce normalement la subsidiarité ; aucun organe technique (ex de la CJUE) ne peut, de facto, avoir un rôle législatif, ce qui s’apparente à de la technocratie ; la BCE doit être soumise à un contrôle démocratique et ses objectifs doivent être la justice économique, le plein emploi et la sécurité sociale pour tous les citoyens européens ; l’Eurogroupe doit assurer ses responsabilités politiques dans la définition de la politique de change.
Principe 3 : Installer la transparence :
Les citoyens européens ne sont pas en mesure actuellement de suivre et de comprendre la politique européenne, trop confuse pour un « profane » du droit européen ; tout débat concernant cette politique, y compris dans les organes techniques (ex du Comité des représentants permanents ) doivent être ouverts au public et permettre l’accès compréhensible à l’information ; le « lobbying », méthode amplement usitée au niveau européen, doit être contrôlé, ne serait-ce que par la diffusion des intérêts des parties prenantes et de leurs sources de financement ; même règle pour les membres des organes européens officiels : Parlement, Commission et Comités.
Principe 4 : Développer la participation et la démocratie directe :
Les formes de démocratie directe doivent être étendues, compréhensibles et applicables ; ceci suppose les possibilités suivantes pour un nombre de citoyens européens à définir: proposer la discussion d’une loi ou un référendum, dont les résultats seraient contraignants ; par ailleurs, une limite devrait être fixée aux entreprises quant à leur influence sur les décisions de l’UE : ceci passe par la transparence des actes ; enfin, tout nouveau projet de loi devrait être soumis à la consultation des mouvements sociaux et ONG, sur la même base que les autres groupes d’intérêts. Et, bien sûr, le 1° référendum à organiser dans tous les Etats membres devrait porter sur le nouveau traité.
Sur les politiques européennes :
Principe 5 : Améliorer les droits fondamentaux :
Les Droits Fondamentaux énumérés dans la Charte sociale européenne de Turin (18-10-1961) et le Code Européen de la Sécurité sociale (à ratifier par l’UE) doivent servir de base à la défense des travailleurs devant les tribunaux de tout Etat membre ; leurs décisions doivent être assujetties à la juridiction de la CJUE ; ces droits fondamentaux doivent échapper à toute interprétation d’une loi européenne ou nationale ; tout nouveau traité met l’accent sur l’égalité d’accès aux droits sociaux et aux droits du travail, indépendamment du pays d’origine ; la citoyenneté européenne est attribuée à tous les résidents européens ; les droits, précédemment mentionnés, doivent également être respectés dans les politiques extérieures de l’UE (par ex vis à vis des négociations de l’actuelle Organisation Mondiale du Commerce OMC).
Principe 6 : Protéger et améliorer les conquêtes démocratiques :
L’UE doit se considérer comme une union coopérative, dont la finalité est d’améliorer en permanence les normes environnementales et sociales afin de satisfaire aux principes constitutionnels de sécurité sociale et de durabilité ; pour ce faire, des règles devront être adoptées pour résister aux dumping fiscal et social (droit de propriété en accord avec l’intérêt du bien-être général ; démocratie et participation au pouvoir économique à parfaire à tous les niveaux) .
Principe 7 : Ouvrir le champ à un ordre économique alternatif :
Il ne peut y avoir, dans les textes fondamentaux européens, de modèle économique particulier afin de permettre des politiques alternatives ; la « libre concurrence », si elle est décidée dans tel ou tel domaine, doit être la résultante d’une décision démocratique ; la loi européenne ne peut en aucun cas saper le droit des Etats membres à définir, organiser et financer des biens publics (eau, santé, éducation, transports, énergie…). Procurer des biens publics à tous niveaux doit, au contraire, être un objectif essentiel de la construction européenne.
Principe 8 : Définir les fins et non les moyens :
Une démocratie réelle, vivante, détermine les moyens par lesquels atteindre les objectifs de sa constitution. Les objectifs sont donc toujours premiers ; ainsi, pour les transports, ce pourrait être « l’égal accès à tous à la mobilité » ; pour l’agriculture, ce pourrait être « le maintien de l’emploi agricole » et « la production d’une nourriture saine et suffisante » ; pour la BCE, ce devrait être « la justice économique, le plein emploi et le bien-être pour tous » ; la « durabilité écologique » doit guider les politiques énergétiques, des transports et de l’agriculture.
Principe 9 : Viser haut en matière sociale et fiscale :
Les économies de l’UE sont engagées depuis des décennies dans une forte libéralisation du commerce, des finances et des investissements ; ceci a pour conséquence d’avoir engagé les Etats membres dans une course vers le bas dans leurs politiques sociales et fiscales. Pour corriger cette histoire et cette tendance fondamentales, il est nécessaire de combattre l’évasion et la concurrence fiscales en fixant des normes minimales ambitieuses sur la taxation des revenus des entreprises et du capital ; une politique sociale doit aussi être définie et celle-ci passe par un ensemble transparent et applicable de droits et minima sociaux ambitieux ; ces droits pourraient être calculés à partir des PIB de chaque pays; ceci n’exclut pas que des Etats puissent choisir d’adopter des normes sociales plus élevées.
Principe 10 : Instaurer l’obligation de la paix et de la solidarité :
L’UE doit être un acteur clé dans la définition d’un nouvel ordre international et multilatéral, voué à construire la paix et à dénoncer la guerre et la militarisation comme moyens de résolution des conflits internationaux. Ceci passe par le refus de « missions militaires préventives », par le respect absolu du droit international (Déclaration Universelle des droits de l’Homme et Traité de non-prolifération nucléaire), par l’indépendance à l’égard de l’OTAN et par la contribution déterminée de l’UE à la réforme de l’Organisation des Nations Unies (ONU) pour rendre cette organisation véritablement démocratique.
Il est clair que ces propositions pourraient rallier les européens sur une Constitution Européenne, car elles s’inscrivent dans un ordre Citoyen. Mais nous ne sommes pas en présence de tels principes pour le TUE.
En effet, et ce point peut nous servir de conclusion, l’UE a choisi le libre échange comme objectif 1° plutôt que les valeurs de la citoyenneté ; ceci s’inscrit parfaitement dans les objectifs de la mondialisation libérale, telle qu’elle existe et se constitue. A partir de là, il suffit de dérouler les textes fondateurs de l’UE qui sont en parfaite cohérence les uns avec les autres. Le TUE n’est pas une erreur de trajet ; il est une étape de ce trajet. BCE instituant un euro fort et des taux d’intérêt bas permettent la spéculation sur notre monnaie et l’afflux de capitaux ; voilà pourquoi le seul objectif de la BCE est la lutte contre l’inflation, ce qui ne permet pas d’envisager une politique d’investissement et, donc, de grands travaux qui serviraient l’emploi, et aucune « largesse » en matière de hausse de salaires et d’harmonisation progressive des protections sociales par le haut. En définissant et en appliquant cette politique, la BCE est en pleine cohérence avec la politique du commissaire européen au Commerce Peter Mendelson, qui défend, à l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), l’Accord Général sur le Commerce des Services (AGCS), c’est à dire la vente concurrentielle de nos services aux pays tiers ; et nos Services Publics doivent alors devenir marchands, la directive Bolkestein (qui n’a pas été modifiée significativement malgré les engagements de 2005) permettant, à l’interne, de les calquer sur le mode 4 de l’AGCS ; par voie de conséquence, le Code du Travail doit être corrigé pour ne pas gêner cette « libre concurrence » ; et le dumping social doivent accélérer cette évolution ; d’où la difficulté de rendre pleinement opérante une Charte des droits fondamentaux ! Toujours dans la même logique, le travail ne peut être considéré que sous la forme d’un coût et toute hausse des salaires doit être évitée, pour attirer les entreprises dans l’UE ; la baisse continue des impôts sur les bénéfices des entreprises doit aussi les maintenir dans l’UE ou aider à leur implantation ; les capitaux et leurs mouvements ne doivent surtout pas être taxés : surtout pas de restriction aux investissements étrangers directs ; la zone de libre échange de l’Europe doit s’élargir, si possible en créant un vaste marché transatlantique déjà rêvé, dès les années 90, par le commissaire à la concurrence d’alors, lord Brittan. Tout ceci n’a rien à voir avec le développement des pays du Sud, qui ne seront considérés que s’ils fournissent les mains d’œuvre nécessaires à meilleur coût grâce au mode 4 de l’AGCS, les accords de Schengen étant destinés à éviter toute dérive à cette politique. Le développement des pays dépendants n’est évidemment pas à l’ordre du jour, d’où le retard pris par les accords du Millénaire. La démocratie, si elle rassemblait les électeurs sur d’autres valeurs, serait évidemment un frein, voire un obstacle pour la réalisation de tels objectifs ; l’abstention massive et la distance entre vœux des peuples et orientations des politiques est donc plus que bienvenue ; et il convient de l’entretenir grâce à un détournement des attentions vers d’autres sujets que politiques : aux médias et à la presse « people » de s’en charger. Et tout ceci n’est possible que grâce à une politique d’armement et d’alliances militaires prêtes à intervenir sur tout terrain, face à la contestation d’une telle politique mondiale. Telle est donc la logique adoptée par l’Union européenne en parfait accord avec celle du Consensus de Washington .
L’éducation populaire est donc de plus en plus justifiée pour révéler le sens de cette logique aux citoyens. Mais elle ne suffit pas si, enfin, n’est pas, envisagée la question de l’accès au pouvoir et de l’internationalisation coordonnée de cette exigence ; faire des propositions, c’est bien ; se donner les moyens unitaires de les appliquer, c’est devenu essentiel ; d’où la nécessité de penser l’altermondialisme en ces termes lors des Forums Sociaux Mondiaux, ce qui n’est, bien sûr, pas totalement acquis !
Face à ce projet de traité européen modifié, il y a donc des actions prioritaires, qui empêchent aux Européens d’adopter ce projet (et ceci passe par des informations, des pétitions, des manifestations …), et des actions de plus long terme qu’il nous appartient de définir ensemble afin que les questions de fond, et notamment celle de l’accès au pouvoir, soient vraiment et enfin posées.
Albert Richez,
Militant d’ATTAC-France.
Notes :
1°phrase de l’Introduction de Politis du 6 au 12 décembre 2007
Cf article I-1 du Projet de Traité Constitutionnel européen : « Inspirée par la volonté des citoyens et des Etats d’Europe de bâtir un avenir commun, la présente Constitution établit l’Union européenne … »
Cf le même N° de Politis précité :
« Mythe d’une Union rendue impuissante par les élargissements successifs, à qui il faudrait d’urgence redonner les moyens d’agir. La réalité n’est pas celle-là. « Avant le grand élargissement de mai 2004, il fallait en moyenne dix-huit mois entre le dépôt d’une proposition par la Commission et son adoption par le Conseil et, éventuellement, le Parlement, notait Renaud Dehousse, directeur du Centre d’études européennes de Sciences-Po, dans Libération, le 21 juin. Depuis l’entrée des dix nouveaux États membres, ce délai est passé en moyenne à... moins de douze mois. En outre, on ne vote pas moins, et même un peu plus qu’avant. Les craintes d’un blocage, y compris les miennes, étaient donc infondées ». Quand il s’agit de libéraliser des secteurs entiers (chemins de fer, poste, énergie...) chacun peut d’ailleurs constater avec quelle célérité l’Europe avance. Cela n’empêche pas nombre de nos élites, de droite comme de gauche, de prétendre que le nouveau traité permettra d’« améliorer le fonctionnement » de l’Europe, notamment grâce à l’extension des domaines où les décisions seront prises « à la majorité qualifiée ». Notons déjà que le nouveau système de vote du Conseil n’entrera en vigueur qu’en 2014 au mieux, après un compromis complexe avec la Pologne « . L’impuissance institutionnelle de l’UE relève donc du mythe qui exigerait une procédure d’urgence pour redonner à l’UE les moyens d’agir.
Dans « L’Humanité » du 21 Décembre 2007, il est fait état de campagnes et d’actions en faveur de consultations référendaires en France, bien sûr, mais aussi en Allemagne (pétition + demande de modification de la Constitution permettant un référendum par le « Die Linke »), en Irlande (où, selon un sondage, 25% des citoyens seulement soutiendraient le traité), en Suède (où 65 à 70% de sondés souhaiteraient un référendum face à un gouvernement conservateur, qui trouve la procédure trop compliquée). Aux Pays-Bas, le Parti Socialiste a pris parti pour la voie référendaire et va porter un projet de loi au Parlement, qui pourrait être soutenu par les Verts et Démocrates 66 ; en Grande Bretagne, le mouvement syndical et de nombreux députés travaillistes, conservateurs et du parti national écossais sont également hostiles au projet de Traité ; au Portugal enfin, une discussion au Parlement devrait avoir lieu très prochainement dans un climat rendu tendu par le volte face sur la question des socialistes et des conservateurs, qui s’étaient prononcés en sa faveur lors des élections législatives de 2006,
C’est alors un "groupe de réflexion", présidé par l'espagnol Felipe Gonzales et composé de la lettone Vaira Vike-Freiberga et de l'ancien PDG de Nokia Jorma Ollida, qui sera chargé de donner un contenu, naturellement "libéral économique", à ce traité. Ce groupe serait composé de 12 « Sages » cooptés et non élus.
Cf Politis de la semaine du 6 au 12 décembre 2007 : « Sur le fond, la législation continue d’opérer une distinction entre les Services d’intérêt économique général (SIEG) et les Services d’intérêt général (SIG). La nécessité d’assurer aux premiers les conditions « économiques et financières qui leur permettent d’accomplir leur mission » est reconnue à l’article 2-27 du TME, qui indique que « le Parlement européen et le Conseil [...] établissent ces principes et fixent ces conditions ». Mais la mise en œuvre de cet article reste subordonnée aux articles 86 et 87 du TFUE, qui soumet drastiquement les SIEG aux règles de la concurrence et rend quasi impossible toute aide de l’État. Les SIG, quant à eux, apparaissent pour la première fois dans un texte de portée juridique équivalente aux traités (Protocole 9, art. 2), qui protège les « services non économiques d’intérêt général » des règles de la concurrence. Mais qu’est-ce qu’un service non économique ? Un arrêt de la Cour de justice indique que « constitue une activité économique toute activité consistant à offrir des biens et des services sur un marché donné ». Et la Commission a toujours refusé d’établir a priori une liste des SIG devant être considérés comme non économiques. Le 20 novembre, devant le Parlement européen, José Manuel Barroso a jugé « inutile » d’envisager une loi-cadre européenne pour clarifier la place des services d’intérêt général. « Nous n’aurons jamais de consensus sur la question, il est inutile de perdre du temps », a-t-il insisté, estimant qu’il n’était pas possible de « faire mieux en termes de valeur légale » que le protocole du TME. Les incertitudes juridiques qui pèsent sur les SIG vont donc perdurer. »
cf les Conclusions de l’arrêt Valshom en Suède :
Quelles conclusions de l’arrêt Vaxholm par rapport aux travailleurs d’une entreprise lettone Laval en Suède? L’affaire concernait un conflit opposant les syndicats suédois à une entreprise lettone, Laval, qui chargée de construire une école à Vaxholm, refusait d’appliquer la convention collective du bâtiment à des travailleurs lettons détachés pour ce faire. La Cour a donné raison à l’entreprise lettone. Il faut remarquer que ce qui est en jeu n’est pas l’application du principe du pays d’origine prônée par le texte initial de la directive Bolkestein. A aucun moment, la Cour n’indique que les salariés lettons détachés en Suède doivent se voir appliquer le droit social letton. Ce qui est en jeu ce sont les conditions d’application de la directive 96/71 sur le détachement des travailleurs. Force est de constater que la Cour en fait une lecture extrêmement limitée en s’appuyant sur deux aspects, le caractère « d’application générale » (législative ou autre) des dispositions concernant les conditions de travail et d’emploi des travailleurs détachés et le fait que ces dispositions n’ont pas vocation à être plus favorables que les normes minimales fixées nationalement lors de la transcription en droit national de la directive. La Cour rend, de fait, caduc un article de la directive (art. 3-7) qui permet à un Etat de promouvoir des normes plus favorables. Plus grave, la Cour considère comme illégitime une action collective visant à imposer pour les salariés détachés les mêmes conditions de travail et d’emploi que celles existant pour les salariés du pays d’accueil. Cet arrêt illustre bien la nature du droit européen. La logique est imparable. La libre prestation des services est une liberté fondamentale explicitement garantie par le traité. Elle peut certes, en principe, être limitée pour protéger d’autres droits fondamentaux. Le problème est de définir le contenu de ces droits fondamentaux susceptibles de pouvoir limiter des libertés inscrites dans le traité. Ainsi, le fait d’exiger les mêmes conditions de travail et d’emploi pour les salariés détachés que celles qui s’appliquent aux salariés du pays d’accueil n’en fait pas partie. Agir pour l’application de ce droit est donc considéré comme une entrave à la libre prestation des services. Plus même, c’est à chaque fois à ces droits fondamentaux de faire la preuve, en application du principe de proportionnalité, qu’ils n’entravent pas de façon exagérée les règles du marché intérieur. On le voit, la Cour pousse jusqu’au bout la logique du droit européen directement dérivé des traités et des directives. C’est au contenu de ceux-ci qu’il faut s’attaquer si l’on ne veut pas voir se reproduire régulièrement ce type d’arrêt. Cet arrêt rend plus que jamais nécessaire le débat public sur la nature de l’Union européenne et le combat pour une « autre Europe » qui mettrait au premier plan l’harmonisation par le haut des conditions de travail et d’emploi des salariés européens.
Le Consensus de Washington c’est : moins d’Etat économique et plus d’Etat sécuritaire, ce qui entraîne la baisse de la fiscalité directe et progressive ainsi que la privatisation des Services Publics ; l’extension du chômage, qui va de pair avec la lutte contre les syndicats ; les politiques désinflationnistes systématiques, qui s’opposent à la relance de l’investissement, de l’emploi et de la
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